La Prisonnière de Bordeaux (2024) de Patricia Mazuy

Réalisatrice de "Saint-Cyr" (2000) ou de "Paul Sanchez est revenu !" (2018) Patricia Mazuy revient avec un projet qui n'est à l'origine pas le sien puisqu'il était celui du réalisateur Pierre Courrège et du scénariste François Bégaudeau et qui aurait dû être produit dès 2012. La cinéaste explique : "C'étaient des circonstances de départ fortes. Pierre Courrège et François Bégaudeau - avec lequel Pierre avait écrit Un Homme d'Etat (2016) - ont écrit un scénario et cherché pendant plusieurs années à monter le film, sans succès. Le projet m'a été proposé au début de 2019 par Ivan Taieb un ami du producteur Xavier Plèche. Dans leur scénario, les deux personnages féminins, la riche et la pauvre, la blanche et l'arabe, existaient déjà. Elles avaient déjà des échanges de dialogues, forts et même drôles, irrigués par les rapports de classe. Je l'ai repris en collaboration avec Bégaudeau. Très tôt, j'ai tenu à trouver une métaphore de la libération de deux femmes enfermées, chacune dans une vie particulière. Alma et Mina deviennent comme poreuses l'une à l'autre. L'arrivée de la seconde dans la grande maison et dans la vie solitaire de la première catalyse chez Alma la conscience de sa vie misérable dans les dorures et les fleurs. Métaphore renversée de l'amour, les dames dehors, les maris en prison." Le scénario est donc en grande partie signé du duo Courrège-Bégaudeau, mais repris avec leur accord par la réalisatrice-scénariste en collaboration avec Emilie Deleuze, réalisatrice elle-même notamment de "Peau Neuve" (1999) ou "Cinq Hectares" (2023)... 

Alma, riche mais seule dans sa grande maison, et Mina jeune mère isolée en banlieue, ont organisé leur vie autour des visites au parloir où sont emprisonnés leurs maris respectifs. Elles se rencontrent et engagent une amitié improbable... Alma est incarnée par la star Isabelle Huppert vue récemment dans "La Syndicaliste" (2023) de Jean-Paul Salomé, "Sidonie au Japon" (2023) de Elise Girard ou "Les Gens d'A Côté" (2024) de André Téchiné après lequel elle retrouve sa partenaire, alias Mina, Hafsia Herzi vue dernièrement dans "Le Ravissement" (2023) de Iris Kaltenbäck et "Borgo" (2024) de Stéphane Demoustier. Autour d'elles citons ensuite Magne Harvard Brekke vu entre autre dans "L'Enfant d'En-Haut" (2012) de Ursula Meier, "Overdrive" (2017) de Antonio Negret, "Amants" (2021) de Nicole Garcia ou "Grand Marin" (2023) de et avec Dinara Drukarova, William Edimo aperçu dans "Marie et les Naufragés" (2016) de Sébastien Betbeder, Lionel Dray qui retrouve Isabelle Huppert après "L'Avenir" (2016) de Mia Hansen-Love puis retrouve aussi le duo Patricia Mazuy et Emilie Deleuze respectivement après "Sport de Filles" (2011) et "Cinq Hectares" (2023), Jana Bittnerova vue auparavant dans "Dheepan" (2015) de Jacques Audiard, "Couleurs de l'Incendie" (2022) de et avec Clovis Cornillac ou "La Fiancée du Poète" (2023) de et avec Yolande Moreau, pusi enfin Achille Reggiani fils de Patricia Mazuy remarqué dans le précédent film de sa mère "Bowling Saturne" (2022)... Le film débute assez mal dès le départ car il accumule les clichés et les stéréotypes faciles, aussi bien du genre (pénitentiaire) que des personnages. Ainsi on a droit à la blanche forcément bourgeoise, et la jeune racisée (comme on dit) au niveau bien plus modeste, leurs conjoints condamnés ne sont pas mieux, le vieux blanc est évidemment dans le crime routier (sinon cela aurait été financier mais pas assez d'années de prison pour un tel récit), tandis que l'arabe est évidemment pour un crime plus "violent" et gratuit. Ne parlons pas du reste (relations intimes entre autres) tout aussi caricatural.

Le vrai soucis est que les stéréotypes sont légions et finissent par lasser, voir faire souffler au point qu'on se désintéresse de plus en plus de l'histoire dont on devine le rebondissement central à des kilomètres. On note surtout la partie des amis bourgeois... ATTENTION SPOILERS !... la bourgeoise semble seule, elle l'est assez pour proposer d'héberger une inconnue mais en présente une comme étant sa "meilleure amie", c'est une soirée qui paraît en effet très amicale donc pas très cohérent avec une solitude forcée et déprimante, puis le pompon arrive avec un énième cliché où un beauf bourgeois prend la colocataire pour la cuisinière alors que la façon dont elle est présentée n'est pourtant pas dans ce sens, et n'oublions pas que oui les juges et les neuro-chirurgiens s'entendent forcément bien (?!).. FIN SPOILERS !... La fin est toute aussi maladroite avec un message optimiste malgré un événement loin d'être vertueux. Mais le plus agaçant est que ce film fait beaucoup trop écho au précédent film en commun des deux actrices, "Les Gens d'à-Côté" (2024) de André Téchiné, avec le même genre de personnages avec la blanche qui se prend d'une amitié presque incongrue pour une femme/famille de milieu très différent. Rajoutons également des incohérences comme l'ex complice qui retrouve Mina/Herzi facilement et qui accepte un marché par très à son avantage. Bref, une seconde déception pour un duo d'actrices qui méritent pourtant bien mieux.

Note :  

Prisonnière Bordeaux (2024) Patricia Mazuy

09/20