NI CHAÎNES NI MAÎTRES (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit

SYNOPSIS : 1759. Isle de France (actuelle île Maurice). ​Massamba et Mati, esclaves dans la plantation d'Eugène Larcenet, vivent dans la peur et le labeur. Lui rêve que sa fille soit affranchie, elle de quitter l'enfer vert de la canne à sucre. Une nuit, elle s'enfuit. Madame La Victoire, célèbre chasseuse d'esclaves, est engagée pour la traquer. Massamba n'a d'autre choix que de s'évader à son tour. Par cet acte, il devient un " marron ", un fugitif qui rompt à jamais avec l'ordre colonial.
Ce mercredi, Simon Moutaïrou (déjà bien expérimenté en tant que scénariste) nous propose via Ni Chaînes Ni Maîtres son premier long métrage avec une casquette de réalisateur. Un baptême du feu qui a l'opportunité et la chance de réunir des têtes d'affiche telles que Camille Cottin, Benoît Magimel ou encore Félix Lefebvre (dont on suit assidûment le parcours avec plaisir et intérêt depuis le génial Eté 85). Situé en pleine Île Maurice et axé sur la thématique du marronnage, le film nous propose une traque jusque dans les tréfonds de la nature sauvage, avec peut-être à la clé un éden salvateur. Il met en scène Massamba ( Ibrahima Mbaye Tchie) et sa fille Mati ( Anna Thiandoum) esclaves dans la plantation d' Eugène Larcenet ( Benoît Magimel) et de son fils Honoré ( Félix Lefebvre). Au sein de la plantation les règles sont claires notamment en cas d'évasion ; et en cas de récidive, mutilations et exécution sont au programme. Massamba, méprisé par une partie de ses pairs qui jugent qu'il pactise avec le propriétaire blanc (ce dernier lui octroyant en échange de sa docilité et de sa bonne conduite quelques privilèges), semble avoir abandonné toute idée d'évasion depuis un moment, contrairement à sa fille qui n'attend que cela. Une nuit, après que des circonstances politiques créent un dérapage dramatique au sein de la plantation, Mati s'enfuit sans se retourner. Massamba décide de suivre sa piste. Malheureusement pour eux, Madame La Victoire ( Camille Cottin), chasseuse d'esclaves impitoyable est sollicitée pour les traquer, accompagnée de ses deux fils. Commence alors une chasse qui ne pourra se solder que par la mort des uns ou des autres.

Tourné presque uniquement en extérieur, Ni Chaînes Ni Maîtres n'a pas eu des conditions de tournage faciles. Entre la nature implacable, parfois déchainée, l'enlisement des grues et des véhicules dans la boue, des animaux bloqués à la douane ou encore des comédiens blessés au cours de certaines scènes, on peut dire que pour son premier film Simon Moutaïrou n'a pas choisi la voie de la facilité. Après visionnage ce parti pris confirme qu'il était indispensable et démontre le savoir-faire de Simon Moutaïrou malgré les difficultés. Si nous devions reprocher quelque chose au film, ce serait certainement un goût de trop peu vis-à-vis de certains éléments scénaristiques. En effet, les personnages des têtes d'affiche évoquées plus haut (y compris celui de Camille Cottin même si elle a un rôle plus important) nous laissent un peu sur notre faim malgré un potentiel évident. Entre Benoît Magimel qui comme d'habitude arrive grâce à sa bonhomie habituelle à nuancer aisément n'importe quel salopard ou Félix Lefebvre totalement impeccable dans le rôle du fils humaniste qui ne cautionne pas les actes de son père, il y avait de la place pour approfondir quelques idées. On pense notamment à la relation entre Honoré et Massamba, basée sur une forme de respect, d'égalité et de considération d' Honoré envers Massamba (via notamment l'enseignement de la lecture et de l'écriture) et ce malgré les circonstances, pour aboutir au sort qu'on lui connaît en découvrant le film. Bien que nous comprenions qu'il ne s'agissait pas du cœur du film et que le format était limité, nous y avons vu un terreau fertile pour développer un peu ces relations juste évoquées et découvrir davantage ces personnages. Cette frustration d'un moment manqué se retrouvera dans le manque d'émotions procuré par le film qui arrive toutefois à présenter sa violence de façon frontale ce qui permet de ne pas nous y laisser indifférent sans pour autant avoir le temps de vraiment pleurer tel ou tel personnage. Nous ne spoilerons bien évidemment rien ici mais la plupart des protagonistes qui décèdent sont concernés par cette remarque.



Découpé en quelque sorte en trois parties (si l'on peut présenter les choses ainsi), le film propose une introduction dans la plantation qui se clôture sur la fuite des esclaves, pour enchaîner ensuite sur la traque et aboutir enfin à une dernière partie que nous pourrions qualifier de post-traque. La dernière partie en question (indépendamment de sa fin, très belle, malgré un climax un peu amené à la va-vite...) se concentrant sur autre chose que la traque initiale, n'est pas forcément la plus intéressante car elle casse le rythme sans forcément réussir à amener son final de façon très fluide et naturelle. On aura donc surtout apprécié l'introduction dans la plantation et la chasse à l'homme par notre géniale Camille Cottin. Une présence à l'écran assez importante pour son personnage qui avait lui aussi le potentiel pour un développement plus approfondi. Difficile nous l'imaginons de trouver le juste milieu avec autant de contraintes et une traque qui n'a pas non plus vocation à s'éterniser pour conserver un minimum de peps.



Avec Ni Chaînes Ni Maîtres, Simon Moutaïrou fait honneur à un sujet qui lui tient à cœur. En parlant du marronnage, qui plus est sur l'Île Maurice, il met en exergue des traumatismes (et les conséquences qui en ont découlé) toujours perceptibles dans une optique pédagogique et de mémoire. Une bonne base pour appréhender l'histoire, dommage qu'en termes d'objet purement cinématographique le scénario du film ne nous laisse sur notre faim.

Titre Original: NI CHAÎNES NI MAÎTRES

Réalisé par: Simon Moutaïrou

Casting : Ibrahima Mbaye Tchie, Camille Cottin, Anna Thiandoum ....

Genre: Drame, Historique

Sortie le : 18 septembre 2024

Distribué par: StudioCanal

BIEN