[Hors-Compétition]
De quoi ça parle ?
De deux “fixers” – nom donnés à ces professionnels de l’ombre qui nettoient discrètement les scènes de crime, font disparaître les cadavres encombrant et règlent les problèmes pour de riches clients – qui sont obligés de collaborer pour une affaire plus compliquée que prévue.
Tout commence quand Margaret (Amy Ryan), procureure de la ville de New York, se retrouve dans une situation assez délicate. Dans sa chambre d’hôtel, à ses pieds, gît le corps sans vie d’un homme en tenue d’Adam, qui s’est accidentellement emplafonné sur une table basse en verre. La victime, très jeune, a tout du parfait gigolo et les conditions singulières de sa mort pourraient laisser à penser que sa partenaire l’a délibérément occis. A son poste, Margaret ne peut évidemment pas se permettre d’affronter un tel scandale mêlant sexe et crime. Autre problème annexe, le jeune homme portait un sac à dos dans lequel se trouve une quantité de drogue dure – et pure – qui peut difficilement correspondre à sa consommation personnelle…
Aussi, elle appelle le numéro qu’un de ses amis lui avait glissé un jour, celui d’un fixer très efficace pour régler les problème, le meilleur du marché.
Illico presto, l’homme (George Clooney, who else ?) frappe à la porte de la chambre et prend les choses en main, appliquant une méthode éprouvée qui consiste à rassurer le client, l’exfiltrer puis faire méticuleusement le ménage.
Tout se déroule sans encombre quand quelqu’un d’autre frappe à la porte. Il s’agit d’un second fixer (Brad Pitt, Perfetto), envoyé par la propriétaire de l’hôtel, inquiète quant à la réputation de son établissement.
Les deux professionnels doivent donc travailler ensemble, ce qui leur semble contre-nature, puisque habituellement, ils opèrent seuls, tels des « loups solitaires ». Comme chacun utilise exactement la même méthode que l’autre, ils ne sont pas du tout complémentaires et ne tardent pas à se gêner mutuellement puis à se chamailler pour un rien. C’est peut-être ce qui les conduit à négliger un petit détail insignifiant : vérifier si la victime est bien morte…
La situation, compliquée à souhait, va les obliger à faire équipe et à parcourir New York pour régler tous les volets de l’affaire – le cadavre récalcitrant, la drogue et une poignée de truands pas contents…
Pourquoi on applaudit avec la meute ?
Wolfs ne brille pas franchement par la finesse de son scénario. Les situations sont bien peu crédibles, l’intrigue, trop simple, et il manque un peu de folie burlesque pour en faire une comédie totalement irrésistible.
Côté mise en scène, rien de transcendant non plus, mais on n’attendait pas de miracles de Jon Watts. Connu surtout pour la trilogie Spider-Man (2017-2021), c’est un aimable réalisateur de blockbusters hollywoodien, qui fait un travail honnête, mais sans plus. Là encore, aucune folie, aucun éclair de génie, pas de mouvements de caméra trop complexes. Mais à vrai dire, tout cela n’est pas trop gênant, car Wolfs est exactement ce qu’il est supposé être : une petite comédie d’action grand public, destinée à la plateforme Apple TV+, et surtout le prétexte aux retrouvailles de George Clooney et Brad Pitt, très complices, drôles et charmeurs, bref irrésistibles.
La grande force de ce duo, c’est que les deux acteurs se connaissent bien, sont amis dans la vie et se respectent suffisamment pour qu’aucun n’essaie de voler la vedette à l’autre. Du coup, le rapport de force entre leurs deux personnages est constamment équilibré. Chacun essaie de prendre l’ascendant, à coups de répliques vachardes et de petites entourloupes, et cette rivalité permanente, comme une partie de ping-pong serrée, sert de moteur au film.
Les deux stars semblent beaucoup s’amuser à s’autoparodier et prennent un malin plaisir à se moquer de leur âge. Car mine de rien, les voilà sexagénaires. Ils ont besoin de chausser leurs lunettes pour lire une étiquette, sont essoufflés après une course-poursuite, ont le lumbago qui se réveille quand il faut porter une charge lourde… Ils vieillissent, quoi. Et nous aussi, du coup… Mais ils vieillissent plutôt bien, ces sexygénaires. Alors cela nous rassure un peu.
Evidemment, certain.e.s de nos jeunes lecteur.rice.s (Ah, que l’écriture inclusive est moche…) vont peut-être nous dire “OK, boomer, tes vieux bô, là, on s’en balek. Nous on est plus sur Thimotée Chalamet/Austin Butler/Jacob Elordi. Y a ki pour nous, dans ce vieux film ?”. Chers jeunes lecteur.ice.s, calmez-vous, prenez un café… Vous auriez tort de mépriser ces deux acteurs. Peut-être ne les connaissez-vous pas très bien, en raison de vos connaissances cinématographiques limitées, mais ils font partie, non seulement des stars hollywoodiennes, depuis près de trente ans, mais aussi des acteurs qui ont réussi à s’imposer aussi bien en tant que sex-symbols qu’en tant qu’acteurs talentueux. Preuve en est ce film qu’ils tiennent par la seule grâce de leurs performances.
Sinon, il y a bien un jeune acteur dans le film, comme mentionné. Ce n’est pas Jacob Elordi, mais un autre acteur d’Euphoria, Austin Abrams. Il incarne la victime récalcitrante, qui finit par devenir le parfait acolyte des deux acteurs principaux, aussi calme qu’ils sont survoltés, aussi taiseux qu’ils sont volubiles. Vous voyez, le film prône aussi le rapprochement générationnel, d’une certaine façon.
En résumé, Wolfs n’est certainement pas le chef d’oeuvre Art & Essai du siècle, ni un blockbuster palpitant truffé d’effets numériques. C’est un film très plaisant, porté par des acteurs très sympathiques, jouant en parfaite harmonie et c’est un récit souvent drôle. Une bonne chose, à la Mostra de Venise, car tranchant un peu avec des oeuvres globalement plus graves ou plus austères. Une petite bouffée d’oxygène avant d’attaquer des oeuvres plus consistantes.
Contrepoints critiques :
”As it stands, woeful “Wolfs” won’t make you howl so much as huff and puff.”
(Johnny Oleksinski – The New York Post)
”This is not to say that Pitt and Clooney don’t completely carry the film — they do it hands down from start to finish. But as cunning and well-made as Wolfs is, with its nonstop twists and sleek shoot ’em up sequences, perhaps there isn’t all that much to carry in the end.”
(Jordan Mintzer – The Hollywood Reporter)
Crédits photos : Images fournies par le service presse de La Biennale Cinema – copyright Sony Pictures