La Belle Affaire (2024) de Natja Brunckhorst

Second long métrage après "L'Ordre des Choses" (2021) pour Natja Brunckhorst, mais la cinéaste est surtout connue comme actrice puisqu'elle a été révélée très jeune grâce au film "Moi, Christiane F., 13 ans, Droguée, Prostituée..." (1981) de Uli Edel, et qu'on reverra entre autre dans "Querelle" (1982) de Rainer Werner Fassbinder ou "La Princesse et le Guerrier" (2000) de Tom Tykwer. Pour son second film la cinéaste fait des recherches mais finalement change son fusil d'épaule en tombant sur un sujet méconnu mais passionnant qui l'interpelle par une phrase dans un livre : "Les billets de banque de la RDA étaient stockés dans une galerie." La réalisatrice-scénariste précise : "C'est sur cette phrase que je me suis arrêtée. C'est là, et cela ne m'arrive pas très souvent, que j'ai eu un déclic et que je me suis dit : c'est très cinématographique ! Avec de l'action ! J'ai fait des recherches à ce sujet, je suis allé à Halberstadt, j'ai vu la galerie - elle fait 300 mètres de long et 8 mètres de haut - et j'ai parlé à beaucoup de gens. Cette histoire était incroyable, tout était réel ! L'argent était caché là et destiné à pourrir. Il y a eu des cambriolages, mais jusqu'à aujourd'hui, on ne siat pas combien a été volé. J'ai tout de suite compris qu'il fallait raconter l'histoire de ces cambrioleurs. Elle pouvait donner naissance à une comédie chorale, un peu dans la lignée du film irlandais Vieilles Canailles où tout un village s'unit pour tenter de récupérer le billet de loterie gagnant d'un habitant qui vient de mourir... C'est un shéma narratif classique, revisité pour dans époque que je trouve si passionnante : 1990 - une année où personne en Allemagne ne savait vraiment où il allait..."...

1990, en pleine réunification complexe de la RFA et de la RDA, des ouvriers d'un quartier est-allemand se retrouvent sans emploi. Mais un jour ils découvrent l'emplacement où sont entreposés des millions de billets de banque de l'ex-RDA voués à être détruit. Une somme colossale s'offre à eux mais au vu de l'agenda politique, ils n'ont que quelques jours pour pouvoir dépenser ou convertir les billets... Au casting nous retrouvons plusieurs acteurs allemands populaires avec Sandra Hüller vue récemment dans "Anatomie d'une Chute" (2023)à de Justine Triet et "La Zone d'Intérêt" (2024) de Jonathan Glazer, Max Riemelt acteur fétiche de Dennis Gansel avec "Girls and Sex" (2001), "La Vague" (2008), "Nous sommes la Nuit" (2010) et "Le Quatrième Pouvoir" (2012) et retrouve après "Le Perroquet Rouge" (2006) de Dominik Graf son partenaire Ronald Zehdfeld vu dans "Barbara" (2012) et "Phoenix" (2014) tous deux de Christian Petzold ou "La Révolution Silencieuse" (2018) de Lars Kraume, Ursula Werner vue notamment dans "L'Île aux Cygnes" (1983) de Herrmann Zchoche, "Septième Ciel" (2008) de Andreas Dresen ou "Deux Soeurs" (2013) de Anne Wild, Peter Kurth surtout connu pour la série TV "Babylon Berlin" (2017-...), Martin Brambach vu entre autre dans "Les Faussaires" (2008) de Stefan Ruzowtzky, "Yella" (2009) de Christian Petzold, "The Reader" (2009) de Stephen Daldry ou plus récemment dans série TV "Modern Murder" (2019-...), Kathrin Wehlisch apparue dans "L'Amour et Rien d'Autre" (2012) de Jan Schomburg, "Zones Humides" (2013) de David Wnendt, "Phoenix" (2014) de Christian Petzold ou "La Salle des Profs" (2024) de Ilker Catak, Olli Dittrich remarqué en Goebbels dans le téléfilm "Stauffenberg, l'Attentat" (2004) et vu récemment dans le film "Le Brigand Briquambroque" (2022) de Michael Krummenacher, Tom Keune aperçu dans "On a échangé nos Filles" (2019) de Anika Decker, puis n'oublions pas Anselm Haderer, Lotte Shirin Keiling et Robert Höller moins connus et surtout vus à la télévision... Après un générique aussi psychédélique que monétaire inspiré on constate  une chose qui pourrait paraître anecdotique, le choix des tons et couleurs qui rappelle que, oui, il y avait du soleil aussi parfois en Allemagne de l'Est, et évite ainsi le cliché immuable de la grisaille et des tons fades du bloc de l'Est. Ainsi si l'histoire se situe au début des années 90 on se croirait presque dans un film occidental des seventies ! Des couleurs chaudes donc qui démontre un certain bonheur, ou d'un optimiste insouciant, mais qui va se ternir au fil du récit, surtout dans sa dernière partie qui démontre un retour au réalisme du marché. 

Au départ on est surtout éberlué par l'affaire, ça paraît si "incroyable mais vrai", tandis qu'on se souvient d'un autre braquage de billets verts "perdus" (petite parenthèse) avec le très différent "Le Beauf" (1987) de Yves Lamoureux. Le soucis est que Natja Brunckhorst tente un mélange des genres et s'emmêle dans des sous-intrigues familiales qui parasitent peu l'intrigue principale, finalement la seule qui nous intéresse et la seule pour laquelle nous nous déplaçons au cinéma... ATTENTION SPOILERS !... un grand-père secret car amant de la grand-mère, un triangle amoureux et un autre père secret et un trio qui précurseur du "polyamour"... FIN SPOILERS !... On voit bien le parallèle entre la sous-intrigue du trio avec le choix à faire entre Ouest et Est mais ce n'est pas franchement probant, et surtout l'idylle prend le pas de façon trop importante sur l'intrigue principale. Par là même la réalisatrice hésite trop entre pure comédie et comédie dramatique, ainsi on ne rit jamais car les gags restent trop sages et passe-partout, et en même temps la dernière partie avant l'acte final, devient presque trop sérieux. On perçoit quelques idioties également, dont une qui pourrait être marrante si elle n'était pas si évidente où comment s'emmerder à remplir de billets des sacs alors qu'il y a des tonnes de sacs pré-remplis juste à portée de main (?!). On passe ainsi d'une satire fantaisiste à une comédie dramatico-sociale pour un final au twist copié-collé sur un grand nombre de film de braquage. En conclusion, Natja Brunckhorst signe un film super intéressant et magnifiquement joué, avec une mise en scène qui colle à son sujet, mais le scénario reste balisé dans une solution sans audace ni panache. Un bon film à conseiller néanmoins.

Note :                 

Belle Affaire (2024) Natja BrunckhorstBelle Affaire (2024) Natja Brunckhorst

14/20