Rebel Ridge (2024) de Jeremy Saulnier

Voilà un projet Netflix qui aurait pu devenir un serpent de mer puisqu'il est annoncé depuis 2019 et qu'il devait se faire avec la nouvelle star John Boyega, remarqué dans "Attack the Block" (2011) de Joe Cornish mais surtout révélé avec la saga "Star Wars" (2015-2019) de George Lucas. Malheureusement, après le Covid il s'est avéré que, malgré un tournage ayant débuté en 2021, l'entente entre l'acteur et l'équipe se soit tendu fortement au point que le premier a expliqué son départ pour "raisons familiales" tandis que la production a affirmé qu'il s'agissait plus de "différends artistiques et relationnels". Finalement un remplaçant a été trouvé mais avec une dimension bankable bien plus faible. Le réalisateur-scénariste Jeremy Saulnier retrouve donc Netflix après "Aucun Homme ni Dieu" (2018) passé un peu inaperçu alors que le cinéaste avait particulièrement marqué sur grand écran avec ses excellents thrillers "Blue Ruin" (2013) et "Green Room" (2015). Il retrouve d'ailleurs sur ce projet son ami Macon Blair, acteur pour lui dans ces deux derniers films, son co-scénariste sur le précédent Netflix, et lui-même passé derrière la caméra avec "I Don't Feel et Home in this World Anymore" (2017) et "The Toxic Avenger" (2022), et qui est cette fois son producteur... Terry Richmond, un ancien marine, se rend dans la ville de Shelby Springs pour payer la caution de son cousin et tenter ensuite de le remettre sur le droit chemin. Mais il se fait contrôler par la police sur la route de façon légèrement arbitraire qui permet malheureusement aux policiers de lui confisquer la somme d'après une loi anti-drogue. Il ne peut empêcher le transfert en prison de son cousin dont la vie est en danger, et malgré l'aide reçue d'une jeune greffière ses ennuis ne font qu'empirer. Dos au mur, il tente le tout pour le tout pour sauver son cousin, alors que la jeune greffière lui fourni des informations dont il ne sait que faire... 

Remplaçant de John Boyeg, l'ex-Marine est donc incarné par Aaron Pierre, acteur méconnu remarqué grâce à la série TV "Krypton" (2018-2019), vu au cinéma déjà dans "Old" (2021) de M. Night Shyamalan et vu récemment en Malcolm X dans la série TV "Genius" (2024). La jeune greffière est interprétée par la non moins méconnue AnnaSophia Robb révélée toute jeune comme le petite peste dans "Charlie et la Chocolaterie" (2005) de Tim Burton et vue depuis dans "Le Secret de Terabithia" (2007) de Gabor Csupo, "Blackwood, le Pensionnat" (2018) de Rodrigo Cortes ou "Lansky" (2021) de Eytan Rockaway. Les policiers sont dirigés par Don Johnson, star de la série TV culte "Deux Flics à Miami" (1984-1990) qui aura une carrière sur grand écran plus aléatoire mais avec un regain qualitatif ces dernières années avec "Cold in July" (2014) de Jim Mickle, "Section 99" (2017) et "Traîné sur le Bitume" (2018) tous deux de S. Craig Zahler ou "A Couteaux Tirés" (2019) de Rian Johnson, ses subalternes sont joués par Emory Cohen vu entre autre dans "Detour" (2016) de Christopher Smith, "Killerman" (2019) de Malik Bader ou "The Bikeriders" (2024) de Jeff Nichols, Steve Zissis vu dans "The Front Runner" (2019) de Jason Reitman et "Don't Worry, he won't Get far on Foot" (2018) de Gus Van Sant et David Denman vu dans "Brightburn" (2019) de David Yarovsky ou "Greenland" (2020) de Ric Roman Waugh. Citons encore Dana Lee aperçu dans "Rambo II : la Mission" (1985) de George Pan Cosmatos, "L'Arme Fatale 4" (1998) de Richard Donner ou "Dark Blues" (2003) de Ron Shelton, puis enfin le juge alias James Cromwell grand second rôle vu dans "L.A. Confidential" (1997) de Curtis Hanson, "The Artist" (2012) de Michel Hazanavicius ou "The Laundromat" (2019) de Steven Spielberg... Beaucoup parle de "Rambo" (1982) de Ted Kotcheff mais ça se résume au départ avec un vétéran qui arrive dans une petite ville et qui a maille à partir avec la police, la comparaison s'arrête là. Notamment toute la dimension sociale et psychologique qui donne toute la singularité de "Rambo" n'a nullement cours ici qui reste un polar plus "classique". On citera plutôt le magnifique "Copland" (1997) de James Mangold agrémenté des codes spécifiques des westerns où un inconnu arrive dans une ville gangrénée par la corruption et qui devient justicier malgré lui. Le départ paraît facile mais repose sur un fait réel, à savoir les quelques lois qui existent et qui ont des relents arbitraires. Si dans les grandes lignes ce film reprend un canevas éculé il réussit à sortir du lot grâce à de petits détails qui changent tout.

Ainsi, l'ex-Marine n'est pas un bourrin guerrier et/ou grande gueule, mais au contraire reste maître de lui, parle correctement sans argot ou vocabulaire outrancier, seul son physique impressionnant peut laisser entrevoir des capacités hors normes. La scène du face à face avec en filigrane la recherche des acronymes est un must dans le genre. Par là même les policiers même s'ils flirtent avec la ligne jaune ils restent corrects et courtois, il faut attendre d'avoir le dos au mur pour qu'ils osent dépasser la ligne rouge. Le film évite aussi l'idylle trop obligatoire dans la plupart des films, on apprécie que la police tente d'être plus ou moins "mesurée" (pourquoi tuer quand il y a possibilité de "désescalade"), et surtout on apprécie que certains personnages démontrent que tout n'est pas noir ou blanc, que le choix d'être du côté du bien ou du mal n'est pas toujours simple et linéaire (le "Serpico"). Et enfin on salue le travail sur les dialogues, incisifs et jamais superflus évitant l'écueil des tirades débiles genre "attention je vais tirer" ou "attend explique moi pourquoi". Les scènes d'action restent ancrées dans une certaine authenticité, pas de passages spectaculaires et bluffantes, ce qui peut être une peu frustrant tant l'acteur est charismatique et que son art martial méritait un peu plus de présence à l'écran. Mais pour une fois la place est laissé à un réalisme terre à terre qui correspond à une corruption locale complexe mais "contrôlée". Une intrigue moins simple qu'il n'y paraît et une mise en scène en adéquation. Finalement le film manque juste d'un peu plus de présence et de panache quand l'ex-Marine entre en action. On frôle le grand film dans le genre, à conseiller et à voir quoi qu'il en soit. Un très bon moment.

Note :                 

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14/20