Ghost Dog : la Voie du Samouraï (1999) de Jim Jarmush

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Réalisateur d'ores et déjà culte du ciné indépendant américain avec entre autre ses films en Noir et Blanc "Stranger than Paradise" (1984), "Down by Law" (1986) et "Dead Man" (1995). Le cinéaste revient à la couleur après "Mystery Train" (1989) et "Night on earth" (1991) avec une idée originale où le producteur-réalisateur-scénariste mélange la philosophie du samouraï (le livre Hagakure tout savoir ICI !) à la mafia saupoudré de rap ! Avec un petit budget de 2 millions de dollars le cinéaste ne va pas rencontrer un gros succès en salles, amassant tout de même plus de 9 millions de dollars au box-office Monde pour moins de 600000 entrées France, mais l'accueil critique reste plutôt bon et va même offrir un statut de film culte avec le temps. Le film est interdit au moins de 12 ans à sa sortie en salles, mais aujourd'hui le film serait assurément tout public... Ghost Dog est un tueur à gage secret, mutique et solitaire qui vit au sommet d'une tour avec ses pigeon. Passionné par le mythe des samouraïs il vit en tentant de suivre les préceptes du Hagakure, livre phare d'un véritable samouraï qui expose le fameux bushido. Il reçoit ses missions d'un bras droit mafieux, mais quand l'issue d'une mission déplaît à un Parrain le clan décide de le supprimer. Ghost Dog va devoir survivre tout en gardant sa fidélité à son chef... 

Le rôle titre est incarné par Forest Whitaker, star grâce à des films comme "Platoon" (1986) de Oliver Stone, "Bird" (1988) de Clint Eastwood ou "La Mutante" (1995) de Roger Donaldson, mais notons que son personnage jeune est joué par son propre fils Damon Whitaker déjà aperçu dans le magnifique "Bird" (1988) et qui fera une carrière discrète. Il y a un triumvirat de Parrains mené par Henry Silva grand second couteau spécialiste des méchants de "Viva Zapata !" (1952) de Elia Kazan à "Ocean's Eleven" (2001) de Steven Soderbergh en passant par "Bravados" (1958) de Henry King, "Virus" (1980) de Kinji Fukasaku ou "The End of Violence" (1997) de Wim Wenders, sa fille est jouée par Tricia Vessey  remarquée dans "Bean" (1997) de Mel Smith et "The Brave" (1997) de et avec Johnny Depp, puis les deux autres chefs sont joués par Cliff Gorman apparu notamment dans "Rosebud" (1975) de Otto Preminger ou "Que le Spectacle commence" (1979) de Bob Fosse, Gene Ruffini remarqué tardivement déjà en mafieux dans "Little Odessa" (1994) de James Gray et "Casino" (1995) de Martin Scorcese et qui fera l'essentiel de sa carrière en vieux consigliere. Ce dernier retrouve d'ailleurs après "Casino" (1995) un autre habitué du genre, Frank Adonis qui joue les mafieux dans de nombreux films retrouvant après "The King of New-York" (1990) et "Bad Lieutenant" (1992) tous deux de Abel Ferrara et "True Romance" (1993) de Tony Scott un autre abonné à ce genre de personnage, Victor Argo qui retrouvera aussi juste après dans "The Yards" (2000) de James Gray son partenaire John Tormey vu plus tard dans les comédies "Le Sortilège du Scorpion de Jade" (2001) de Woody Allen ou "Soyez Sympas, Rembobinez" (2008) de Michel Gondry. Citons encore Richard Portnow vu dans "Barton Fink" (1991) des frères Coen ou "Seven" (1995) de David Fincher et retrouve Forrest Whitaker après "Good Morning, Vetnam" (1987) de Barry Levinson, Isaach de Bankolé qui retrouve son réalisateur Jim Jarmush après "Night on Earth" (1991) et qu'il retrouvera pour le rôle principal de "The Limits of Control" (2009) et retrouvera dans "Black Panther" (2018) de Ryan Coogler son partenaire Forrest Whitaker, n'oublions pas la jeune Camille Winbush qui sera surtout vue plus tard dans la série TV "La Vie Secrète d'une Ado Ordinaire" (2008-2013), puis enfin Gary Farmer, amérindien remarqué et révélé dans "Dead Man" (1995) et vu plus tard notamment dans "Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des Plaines)" (2013) de Arnaud Desplechin ou "First Cow" (2019) de Kelly Reichardt... Le film est donc composé sur trois paramètres essentiels, le harakure qui livre la science du bushido à Ghost Dog, les mafieux et le rap. Pour ce dernier point, la musique du film est signée de RZA, rappeur leader du groupe Wu-Tang Clan, qui fait aussi intervenir d'autres artistes comme Killah Priest ou Flavor Flav. Ca donne une B.O. rap plus mélancolique et doux éloigné du gangsta souvent usité dans les polars, tandis qu'on sourit devant un des parrains fan de rap et qui pousse mène la chansonnette ce qui crée un moment plutôt incongru. Un décalage qui va constamment habité le scénario. Ainsi le récit mêle deux univers qui n'ont, a priori, rien à voir, mafia italienne et philosophie des samouraïs. Deux univers qui sont symbolisés pourtant par deux films, deux héros, deux chefs d'oeuvres du Septième Art, Jarmush faisant alors un clin d'oeil fort d'abord à "Rashomon" (1950) de Akira Kurosawa (mais adapté d'un livre de 1915 de Akutagawa Ryunosuke) et le bien nommé "Le Samouraï" (1967) de Jean-Pierre Melville.

Le film est découpé par des extraits du Hagakure, qui dessine la voie du samouraï que veut suivre Ghost Dog, qui ajoute une dimension poético- philosophique au film tout en rappelant le début du film de Melville, comme d'autres références avec les gants blancs, ou bien le simple contrat contre leur propre tueur. Le rythme est au diapason également, suivant la routine très "sage" du tueur, que certain pourrait qualifier de lancinant voir de ennuyeux. Mais il se passe toujours quelque chose, en filigrane avec les références multiples jusque dans les dessins animés regardés par les mafieux qui ont tous un rapport aussi drôle que visuel avec les événements violents qui se déroulent dans l'histoire. Le récit est aussi entrecoupé par le lien entre Ghost Dog et son meilleur ami français (excellent de Bankolé) qui offrent des dialogues de sourds savoureux. Si on fait attention il y a aussi une petite ambiguité sur la relation entre Ghost Dog et son commanditaire Louie, où les deux racontent leur rencontre avec une petite nuance essentielle, dans l'une Louie sauve le jeune noir de façon désintéressé, d'où le point d'honneur à devenir Ghost Dog pour son sauveur Louie, dans l'autre Louie sauve avant tout le jeune noir en sauvant sa peau avant tout mais se positionne en sauveur face à celui qui va devenir son tueur à gage peu de temps après. Intéressant, car qui dit la vérité, et surtout pourquoi une telle différence ?! Ainsi, entre les références, le melting-pot des genres et les doutes, Jarmush signe un grand film, singulier, qui ne manque ni d'efficacité dans sa violence, ni d'onirisme dans ses émotions. A voir.

Note :  

17/20