Horreur analyse : homunculus

Par William Potillion @scenarmag
Le serial Homunculus (1916) de Otto Rippert

Homunculus est le conte d'un scientifique démiurge. Créer la vie, jouer à Dieu, pose non seulement une question morale sur le bien-fondé de cette démarche mais aussi interpelle le créateur sur sa responsabilité envers sa créature. L'humilité ne suffit pas à ce scientifique fou et l'homunculus, alors doté d'une conscience, cherchera du sens dans un monde qui ne veut pas de lui.

Qu'est-ce que l'amour ?

L'homunculus qui n'est pas méchant en soi essaie de comprendre l'être humain à travers une caractéristique qui lui semble caractériser l'humanité : sa capacité à aimer. Mais cet être artificiel (puisqu'il a une existence malgré tout) s'aperçoit rapidement qu'il ne peut ressentir cet amour et aucune émotion humaine d'ailleurs.

C'est ce qui est tragique chez ce personnage toujours en quête de ce qu'il ne peut connaître. Il est créé sans âme. Un corps sans âme fait un être incomplet. Et pourtant il a une conscience puisque c'est justement celle-ci qui lui fait remarquer sa différence et concomitamment sa souffrance.

Privé de la capacité d'aimer et d'empathie, il s'isole. Mais ici, cet isolement n'est pas bénéfique à la créature ; elle ne l'accepte pas. L'homunculus est déterminé par son origine. Sa quête est impossible.

L'homunculus a une existence sans passion. Mais il est intelligent. C'est là son problème. Il possède une conscience froide, analytique mais sans chaleur humaine. Cette même chaleur faite d'émotions et de passions qui caractérise tant l'être humain.

La créature est frustrée de ne pas partager les passions qui influencent tant nos décisions, nos actions. Certes, elle est supérieure sur le plan physique et intellectuel à la plupart des humains mais cet avantage fait écho dans le vide. Il y a une ressemblance pourtant. La forme humaine, l'intelligence ne suffisent pas pour faire un être humain si cet être est dénué de tout sentiment. Être humain, c'est assumer une plénitude.

Destruction

Alors la créature détruit ce qu'elle ne peut avoir. Et comment mieux détruire qu'en dominant ? Le marginal devient un despote. Qu'elles soient individuelles ou collectives, les frustrations finissent toujours par la violence.

Quelques conseils

l'homunculus n'est pas un antagoniste. Il est le personnage principal. Ce que je veux dire, c'est que même un méchant de l'histoire doit avoir de bonnes motivations pour agir. Nous devons le comprendre et même sympathiser avec sa situation si ce n'est avec lui. Certes, l'homunculus détruit. Il fait le mal mais c'est parce qu'on lui refuse l'amour. Le besoin d'aimer et d'être aimé en retour, c'est de sentir qu'on appartient à un tout qui nous reconnaît en tant qu'être.

Lorsque vous inventez un personnage, donnez-lui des désirs mais surtout limitez-le ou offrez-lui des désirs qu'il ne peut combler. Considérons Jean-Baptiste Grenouille de Le Parfum, histoire d'un meurtrier (2006) de Tom Tykwer. Tout comme l'homunculus, Grenouille cherche quelque chose qu'il ne peut avoir : une relation à l'autre. Jean-Baptiste a une particularité : il n'a pas d'odeur mais un sens surdéveloppé de l'odorat. Étrange paradoxe : d'un côté un intellect sans âme, de l'autre un odorat sans odeur. Dans les deux cas, un être incomplet qui crée la différence et le rejet. Jean-Baptiste développe une obsession autour de ce qu'il considère l'essence parfaite.

Ce qui motive Grenouille et l'homunculus, c'est le désir d'appartenir à l'humanité. Par l'essence parfaite, Grenouille cherche à provoquer chez l'autre un amour ou une admiration mais, là aussi, c'est une manière artificielle de créer un tel sentiment chez autrui car Jean-Baptiste ne sait pas aimer tout comme l'homunculus est incapable de ressentir la moindre émotion et ne peut comprendre l'amour qu'il observe pourtant chez les humains.

Écrire un scénario d'horreur, c'est être tragique

Faites du désespoir la toile de fond de votre intrigue ou de vos personnages. La vanité du triomphe n'est jamais aussi bien vraie que dans le genre horrifique. Massacre à la tronçonneuse (1974) de Tobe Hooper démontre qu'on ne peut échapper à la marginalisation, que nous sommes piégés dans la pauvreté. Ce massacre nous révèle que nous ne pouvons échapper à la nature mauvaise de l'homme et que la civilisation, malgré ses progrès, n'échappe pas à ses pulsions destructrices.

Invasion Los Angeles (1988) de John Carpenter est une métaphore du contrôle et de la manipulation des masses. Le triomphe qui consiste à révéler la vérité s'avère en fait totalement inutile car les forces oppressives sont profondément enracinées et le désespoir, même s'il n'est qu'en filigrane, naît de la prise de conscience (davantage pour le lecteur/spectateur que pour les personnages) qu'il est presque impossible de se soustraire d'un système de domination (le remède serait de ne pas l'avoir laissé se mettre en place, mais cela, c'est un autre traité).

Instaurez des dilemmes moraux

Pensez au sacrifice de vos personnages. S'ils veulent réaliser ce désir qui les motive, ils auront un prix à payer et cela ne manque pas de leur causer un dilemme moral. Dans Rendez-vous avec la peur (1957) de Jacques Tourneur, John Holden est un scientifique sceptique. Il refuse de croire au surnaturel. Mais il devra faire le sacrifice de sa rationalité devant l'irréfutabilité des faits.

Dangereuse Alliance (1996) de Andrew Fleming, quatre adolescentes ont recours à la magie pour trouver des solutions à leurs problèmes personnels. Mais les désirs égoïstes de chacune d'entre elles leur provoquent des dilemmes. Amitié, intégrité, humanité seront alors sacrifiées. La question de savoir si l'âme est corruptible se pose ici dans toute son ampleur.

Et dans Invisible Man (2020) de Leigh Whannel, Cecilia, en décidant de résister à son invisible agresseur, y laissera sa santé mentale. D'abord, les agressions de Adrian l'isole de tout soutien extérieur et Cecilia comprend vite qu'elle doit prendre elle-même les choses en main puisque la perte de ses relations est pour Cecilia comme une prise de pouvoir pour en finir avec l'emprise de son agresseur.

Dans votre scénario d'horreur, vous insisterez alors sur l'isolement de votre personnage car, seuls face à nos démons réels ou métaphoriques, nous sommes toujours plus vulnérables (et c'est une clé d'accès à votre récit pour le lecteur/spectateur).

Ne recourrez pas à la violence gratuitement. Cette montée progressive doit se justifier. Les frustrations, les désirs, les conflits, tous se lient jusqu'à l'implosion. Dans Les Nerfs à vif (1991) de Martin Scorcese, le propre mécanisme de libération de Cady se met en place progressivement jusqu'à l'éclatement.