Cinéma | LES GRAINES DU FIGUIER SAUVAGE – 14,5/20

Par Taibbo

De Mohammad Rasoulof
Avec Misagh Zare, Soheila Golestani, Mahsa Rostami

Chronique : Tourné dans la clandestinité, Les Graines du Figuier Sauvage est une photographie saisissante de la société iranienne lors des émeutes qui ont secoué le pays en 2022 suite à la mort d’une jeune femme arrêtée pour port jugé inapproprié du voile.
Le film rend compte des tensions et de la violence qui frappent le pays à travers le quotidien d’une famille en apparence unie, dont le père, Iman vient d’être nommé juge d’instruction au service du régime en place. D’abord décidé à s’opposer aux jugements injustes et expéditifs de l’instance qu’il vient de rejoindre, il se rend vite compte qu’il doit s’y résigner. Ses deux filles, malgré les mises en garde de leur mère, sont quant à elles de plus en plus sensibles aux discours et aux slogans des manifestants qui s’opposent au pouvoir en place, théocratique, patriarcal et corrompu, parfois au péril de leur vie.
L’aide apportée par Rezvan, la fille ainée, à une amie blessée lors des manifestations, puis la perte par Iman de son arme de service vont venir fissurer la cohésion familiale et creuser le fossé et l’incompréhension entre deux générations, l’une ancrée dans les traditions et le respect de la hiérarchie et l’autre progressiste et avide de liberté.
Le réalisateur construit son récit méthodiquement, offrant les clés de compréhension à son public dans un style par essence ultraréaliste. Très détaillée, précieusement documentée, la mise en scène de Mohammad Rasoulof est aiguisée, au plus proche de ses comédiens, son montage précis et agrémenté de vidéos qui inondaient les réseaux sociaux à l’époque, là où se trouvait le carburant de la révolte.
Il nous plonge dans l’intimité de cette famille, comme s’il voulait apporter une prolongation à ces images, comme s’il souhaitait montrer ce qui attendait cette jeunesse lorsqu’elle rentrait chez elle après avoir manifesté (quand elle le pouvait).
Mais le cadre se resserre progressivement sur le cercle familial, alors que la paranoïa d’Iman s’intensifie et la tension entre lui et ses filles grandit. Le récit se fait de plus en plus oppressant.
Rassoulof peut s’appuyer sur des interprètes de tout premier ordre, criants de vérité, qui contribue pour beaucoup à cette montée en tension.
Si on peut reprocher au film sa longueur et quelques temps faibles, ils sont compensés par d’autres moments de grande intensité. Cela permet de creuser les relations entre les personnages mais aussi de bien poser le contexte politique au cœur duquel la dramaturgie de plus en plus intime se déploie.
Le réalisateur offre ainsi une dernière partie suffocante, mais dont le choix narratif lorgnant vers Shining peut déconcerter. Je ne suis pas certain d’y adhérer mais cela n’enlève pas grand-chose à la force cinématographique des Graines du Figuier Sauvage.

Synopsis : Iman vient d’être promu juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran quand un immense mouvement de protestations populaires commence à secouer le pays. Dépassé par l’ampleur des évènements, il se confronte à l’absurdité d’un système et à ses injustices mais décide de s’y conformer. A la maison, ses deux filles, Rezvan et Sana, étudiantes, soutiennent le mouvement avec virulence, tandis que sa femme, Najmeh, tente de ménager les deux camps. La paranoïa envahit Iman lorsque son arme de service disparait mystérieusement…