Yurt

YurtAdolescence écartelée entre religion et progressisme

« Yurt »,  en Turquie, c’est un pensionnat religieux. Pour son premier film très personnel, Nehir Tuna, nous ramène 30 ans en arrière ; une période de conflit larvé entre religieux et Etat laïque sur fond de crainte de montée de l’islamisme radicale. Ce film nous rappelle donc qu’Atatürk avait posé les bases d’une Turquie laïque. Ahmet est un jeune adolescent de famille bourgeoise. Son père devenu très pieux sur le tard et faisant aussi des affaires avec les religieux souhaite une vie pieuse et exemplaire pour son fils mais aussi une bonne formation. Donc, le jour, il fréquentera une école kémaliste, laïque, élitiste, nationaliste et mixte  et le soir le pensionnat religieux, son dortoir surpeuplé et ses longues heures d’études coraniques et de brimades. Devant ses camarades de classe, il doit cacher cette double vie dans laquelle il ne sent pas à sa place et qui serait incomprise par ceux-ci. Il vit des brimades à l’école car lieu laïque, et aussi au pensionnat car lieu religieux. Ni à sa place à l’école, ni à sa place au foyer où son milieu aisé lui renvoie une image de nanti auprès de ses camarades. Il vit donc d’un malaise social  doublé d’un malaise culturel et religieux. Tiraillé en tout sens, il doit composer entre sa volonté de jeune homme, son libre arbitre et la nécessité de ne pas décevoir son père.

Pour illustrer cet embrigadement, le réalisateur use d’un superbe noir et blanc voyant immerger la couleur au moment de l’émancipation du jeune Ahmet. Ce film est très maitrisé, quelque fois académique puis s’étire inutilement en longueur une fois les enjeux bien intégrés.

Un joli film fort utile sur le désastre de l’embrigadement ; on aurait aimé qu’un sujet traité en filagramme soit abordé plus frontalement par le biais du personnage secondaire, l’ami de foyer d’Ahmet : le clientélisme de la religion pour arriver à enrôler de nouvelles brebis.

Sorti en 2024

Ma note: 13/20