Connu pour des films comme "Au Revoir" (2011) ou son dernier film "Le Diable n'existe pas" (2020) le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof revient avec un film audacieux pour lequel il lui aura fallu quatre années pour lancer le projet. En effet, le cinéaste a encore été condamné à de la prison par le régime dictatorial iranien. C'est d'ailleurs cette dernière arrestation qui l'a amené à ce nouveau projet comme il l'explique : "Cette fois, mon expérience en prison a été singulière car elle a coïncidé avec le début du mouvement "Femme, Vie, Liberté" en Iran. Je suivais, avec d'autres prisonniers politiques, les changements sociaux depuis l'intérieur de la prison. Alors que les manifestations prenaient une ampleur inattendue, nous étions stupéfaits par la portée des protestations et le courage des femmes..." Producteur-réalisateur-scénariste Mohammad Rasoulof a eu des difficultés à réunir une équipe au vu des risques, et pourtant la production a pu éviter la censure : "Je ne peux pas expliquer comment, mais nous avons réussi à contourner le système de censure. Le gouvernement ne peut pas tout contrôler. En intimidant et en effrayant les gens, ils essaient de donner l'impression qu'ils maîtrisent tout, mais cette méthode est une grenade assourdissante dont seul le bruit peut vous effrayer. Et finalement, le courage de mon équipe a été la force motrice qui nous a permis de terminer le film."...
Iman vient d'être promu juge d'instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran au moment où un immense mouvement de protestations féministes et populaires commence à secouer le pays. Dépassé par les événements il se confronte à l'absurdité du système et à ses injustices mais il se conforme aux ordres. A la maison ce n'est pas plus simple, père de deux jeunes étudiantes, elles soutiennent le mouvement avec virulence tandis que son épouse tente de ménager les conflits. Mais quand l'arme de service de Iman disparaît mystérieusement la tension monte d'un cran... Iman est incarné par Missagh Zareh vu notamment dans "Téhéran" (2010) de Nader T. Homayoun, "Javdanegi" (2016) de Mehdi Fard Ghaderi ou "Homeless" (2020) de Majid Tavakoli. Son épouse est interprétée par Soheila Golestani vue dans "Buffalo" (2015) de Kavah Sajjadi, "Un Jour Nouveau" (2017) de Reza Mirkarimi ou "Two Dogs" (2021) de Amir Azizi, tandis que leurs filles sont jouées par Mahsa Rostami pour son premier rôle puis Setareh Maleki remarquée dans la série TV "Happiness" (2021) et vue dans le film "Cafe" (2023) de Navid Mihandoust. Citons ensuite Reza Akhlaghirad qui retrouve Missagh Zareh et son réalisateur Mohammad Rasoulof après "Un Homme Intègre" (2017) et vu depuis dans "Hunting Season" (2018) de Dariush Yari ou "Pakool" (2021) de Navid Esmaeili, Shiva Ordooie aperçue dans "Fils-Mère" (2019) de Mahnaz Mohammadi, et enfin Niousha Akhshi pour son premier rôle... L'emprisonnement du réalisateur, les conditions de tournage et le contexte social du mouvement "Femme, Vie, Liberté" font que nous sommes d'emblée séduit par cette histoire d'une famille en crise. Le scénario est scindé en deux grandes parties, la première elle-même peut être divisée en deux. Ainsi les deux premiers tiers se déroule en ville, lors de manifestations, et est centrée sur la famille, quand deux jeunes adulescentes s'interrogent alors que leur père est un des maillons de la dictature, tandis que la pauvre épouse et mère se retrouve au beau milieu, quand l'arme disparaît la crise familiale se fait plus forte tandis que le père se retrouve en porte-à-faux du côté professionnel. Cette partie prend les deux tiers film, et même si les insertions vidéos des réseaux sociaux est sans doute trop envahissantes, elle reste la partie la plus passionnante.
Le mouvement "Femme, Vie, Liberté" est montré de toutes les façons et évite tout manichéïsme tout en rappelant qu'être dans le système en cause n'est pas su simple. Le plus intéressant reste le parallèle entre les deux jeunes femmes qui s'interrogent sur leur situation de "femmes" dans une société en mutation, la mère qui tente de garder sa famille souder, puis le père en quasi burn out et qui semble perdre pied. Le suspense paraît pourtant un peu vain... ATTENTION SPOILERS !... vu la détresse psychologique du père on se dit qu'il a forcément oublié ou perdu son arme seul, ou peut-être est-ce un collègue jaloux ?!... FIN SPOILERS !... Par contre quand on arrive dans le dernier tiers, quand la famille fuit en province le film vire clairement dans un thriller en quasi survival intra-familial dont on ne comprend franchement plus rien. Le suspense disparaît avec un twist surprenant mais franchement aussi incompréhensible que ridicule... ATTENTION SPOILERS !... comment a-t-elle su pour l'arme ?! Surtout pourquoi l'a-t-elle volé et pourquoi la gardée aussi longtemps ?! La maison a été fouillé de fond en comble, comment a-t-elle fait ?! Et vers la toute fin pourquoi laisser leur père littéralement craquer ?! Lorsque la plus jeune explique plus ou moins que c'est de savoir ce que leur père a fait, mais elle n'en savais rien au départ, le vol a été fait bien avant d'apprendre la véritable fonction de son père... FIN SPOILERS !... Avec cette dernière partie le film perd toute sa substance politico-social, le thriller final semble comme sorti d'un autre projet, un autre film auquel on aurait raccroché les deux premiers, et avoir ainsi la très désagréable sensation que cette dernière partie était prévu pour un autre film. Le dénouement final finit dans le grotesque alors que des images d'archives nous rappelle que le sujet reste le contexte des émeutes autour de "Femme, Vie, Liberté"... Concept un peu facile pour nous obliger à être indulgent. Les deux premiers tiers méritent aisément les 16 ou 17/20, mais le dernier tiers, qui semblent soudain hors sujet ne méritent pas plus que 6 ou 7/20... Grande déception...
Note :