The Survival of Kindness (2023) de Rolf de Heer

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Réalisateur passionnant s'il en est, avec des films comme "Encounter at Raven's Gate" (1988), Dance Me to my Song" (1998) ou "10 Canoës, 150 Lances et 3 Epouses" (2006) Rolf de Heer revient après près d'une décennie après son très bon "Charlie's Country" (2013). Au départ le cinéaste avait en projet une fresque ambitieuse à gros budget sur "l'impact dévastateur de la colonisation sur les premiers peuples d'Australie", avec un budget qui avançait bien avec entre autres des capitaux français et italiens. Malheureusement on est alors en 2020 et le Covid va bloquer autant les financements européens que les conditions matérielles et humaines. Confiné le cinéaste va réfléchir et finalement se résout à changer son fusil d'épaule avec un budget limité et une équipe réduite. Outre le Covid, le mouvement Black Lives Matter va venir étoffer les idées du cinéaste. Après avoir visité les sentiers les plus réculés d'Autralie occidentale ce sont les paysages grandioses et uniques qui vont éveillés ses sens et ses inspirations. Le réalisateur-scénariste va faire des choix singuliers et en marges qui font que le film n'est pas "grand public" ce qui va laisser malheureusement le film dans la zone des oeuvres confidentielles, pour ne pas dire difficiles en témoigne par exemple son box-office chez nous avec uniquement 4000 entrées France...

Perdu au milieu d'un désert aride, une femme est abandonnée dans une cage en fer. Après un certain temps, la femme parvient à sortir, mais seule sous un soleil de plomb elle s'enfuit en allant droit devant à travers les dunes, les ruines, les montagnes, et finit par arriver dans une ville de désolation où des hommes portant des masques à gaz semblent traquer les individus de couleur... L'héroïne est incarnée par Mwajemi Hussein, réfugiée en Australie puis remarqué par le cinéaste qui a insisté pour qu'elle joue ce rôle principal, son premier rôle. Les deux autres rôles centraux sont joués par les frère et soeur Darsan Sharma et Deepthi Sharma également dans leur premier rôle au cinéma. Citons ensuite Natasha Wanganeen vue dans "Le Chemin de la Liberté" (2003) de Phillip Noyce ou "Cargo" (2018) de Ben Howling et Yolande Ramke, Gary Waddell vu dans "The Proposition" (2005) de John Hillcoat et qui retrouve Rolf de Heer après "The King is Dead !" (2012) et "Charlie's Country" (2013), puis enfin Craig Behenna aperçu dans "Mister Babadook" (2014) de Jennifer Kent... On pourrait dire qu'il s'agit d'un mix entre la saga "Mad Max" (1979-2023) de George Miller et "La Route" (2009) de John Hillcoat, mais de loin et avec une dimension contemplative essentielle. Ce qui frappe d'abord c'est à la fois l'esthétique du film avec ce plan quasi icônique d'une femme en cage en plein désert, et en même temps on s'interroge forcément sur le pourquoi du comment de cette situation dont on aura jamais la réponse.

Le climax est aussi inquiétant qu'énigmatique, dans des paysages de lune brûlée par le soleil, mais il faut attendre les premiers masques à gaz, qui renvoient forcément aux pires heures du nazisme, pour percevoir de monde post-apocalyptique et le danger omniprésent. Un danger dont on comprend au fur et à mesure les conditions sans pourtant les trouver cohérentes... ATTENTION SPOILERS !... des blancs masqués traquent les "racisés", on se dit donc que la pandémie ne toucherait que les individus de couleurs, mais alors pourquoi les blancs ont-ils besoin de se protéger ?! Par là même pourquoi les individus de couleurs ne portent-ils pas systématiquement le masque ?!...FIN SPOILERS !... Mais par ricochet on constate que le récit amène des interrogations de plus en plus nombreuses sans qu'on ait jamais aucune réponse. Le mystère a ses limites, comment peut-on être touché et/ou intéressé par un vide qui s'engonce dans le néant ?! On comprend juste en filigrane que le cinéaste a voulu mettre en place un parallèle ou une métaphore sur racisme, la ségrégation avec la peur de l'autre ...etc ... mais ce n'est pas bien probant tant on nous raconte rien de tangible, surtout quand la fin est un retour inepte de l'héroïne comme un boucle dont il ne servait à rien de la déboucler. Par contre, visuellement le film est sublime, outre la photographie le réalisateur offre un panorama de l'Australie de toute beauté, du désert au canyon en passant par la forêt tropicale en passant par ce passage hypnotisant du time-lapse des étoiles. L'esthétique générale et le travail sur les images sont parmi les plus beaux de ces derniers mois. C'est d'autant plus dommage que le récit soit si illusoire... 

Note :                 

10/20