Après plusieurs courts métrages et/ou documentaires Nora Fingscheidt est passée à la fiction avec "Benni" (2019) et "Impardonnable" (2021). La cinéaste revient avec l'adaptation des mémoires éponymes (2016) de Amy Liptrot qui est également scénariste avec Nora Fingscheidt, cette dernière explique : "Le livre d'Amy Liptrot est très intime, mental, il n'est pas facile à adapter à l'écran. On est dans la tête d'Amy, qui par le jeu de l'observation et du souvenir, renoue avec des lieux qu'elle voulait fuir. C'est la profondeur de la lutte intérieure d'Amy qui m'a vraiment émue. Il ne s'agit pas d'une intrigue qui joue sur des tensions ou des rebondissements, mais d'une histoire douce et pourtant brutale par son honnêteté. (...) C'est une histoire vraie qui atteste qu'on peut facilement voir sa vie brisée, mais aussi que la guérison est possible. Ce n'est pas seulement un film sur la dépendance, mais aussi sur le processus difficile de rétablissement, qui est un voyage à part entière, qui avance au jour le jour."
Rona, bientôt trentenaire, brûle sa vie dans les excès et se perd dans les nuits londoniennes. Après l'échec de son couple elle décide de faire face à ses addictions elle trouve refuge dans les Orcades, ces îles du nord de l'Ecosse où elle a grandi. Au contact de sa famille et des habitants de l'archipel, les souvenirs d'enfance reviennent et se mêlent, jusqu'à s'y confondre avec ceux de ses virées urbaines. Dans cette nature sauvage, finalement elle va connaître un nouveau souffle, fragile mais chaque jour qui se fait plus fort... Rona est incarnée par Saoirse Ronan vue dernièrement dans "Ammonite" (2020) de Francis Lee, "The French Dispatch" (2021) de Wes Anderson et "Coup de Théâtre" (2022) de Tom George. Citons ensuite Saskia Reeves vue entre autre dans "Nymphomaniac" (2013) de Lars Von Trier, "The Program" (2015) de Stephen Frears et "Un Traître Idéal" (2016) de Susanna White, Stephen Dillane vu dans "Les Heures Sombres" (2017) de Joe Wright, "Mary Shelley" (2017) de Haifaa Al-Mansour et "Outlaw King" (2018) de David Mackenzie, Paapa Essiedu vu dans "Le Crime de l'Orient-Express" (2017) de Kenneth Branagh et "Men" (2022) de Alex Garland, Lauren Lyle remarquée surtout dans la série TV "Outlander" (2017-...), puis Naomi Wirthner aperçue dans la série TV "Slow Horses" (2022-2024)... La quête de liberté vers la sobriété est un sujet très récurrent au cinéma, mais moins quand il s'agit d'une jeune femme, surtout quand elle est incarnée par la virginale Saoirse Ronan, et ironie du sort il faut que cette jeune femme alcoolique soit originaire d'une des terres du whisky le plus septentrional d'Ecosse. Le film impose d'emblée ses deux atouts donc, son actrice principale et accessoirement productrice, et les paysages nus et déchaînés des Orcades. Mais le scénario est découpé dans un montage narratif aléatoire qui peut séduire au départ mais qui finit pas nous perdre. Ainsi le scénario est découpé et trois parties, deux principales pour le récit lui-même avec le présent avec Rona/Ronan sobre dans les Orcades, le passé et sa vie nocturne et éthylique à Londres, puis une partie fusionnelle qui nous plonge dans l'intime et les pensées profondes de Rona. Les allers-retours entre présent et passé sont constant mais à force on perd parfois le fil et surtout on finit pas se demander quel est l'utilité du concept ? En effet, ça freine l'émotion car on perçoit moins l'évolution de la jeune femme.
Mais le pire dans ce récit est qu'on sent l'obligation nauséabonde d'expliquer l'alcoolisme par des traumas plus ou moins probants et des solutions éventuelles ineptes... ATTENTION SPOILERS !... comme par hasard papa est bipolaire et maman est une dévôte, ainsi le premier serait une cause au mal tandis que la prière et dieu promet le rédemption... FIN SPOILERS !... Deux paramètres faciles (aussi bien pour les auteurs que pour le personnage, la pauvre ce n'est pas vraiment sa faute !). On aurait préféré une introspection plus personnelle et intime dans ce retour aux sources, notamment et surtout avec cette partie sur ses pensées, ses songes, et sa perception des choses comme son rapport aux éléments. Une partie qui aurait dû se nourrir de tout un pan contemplatif nourri de la magnificence des éléments qui frappent et caressent les Orcades. Malheureusement les Orcades se résument aux lames qui s'explosent sur les côtés et aux vents infernaux, mais la diversité des lieux et des paysages est très et trop limitée ; où sont Skara Brae, le cercle de pierres de Bradgar ou les pierres levées de Stenness ?! Apparemment Rona dessine mais on ne voit rien, a priori elle aide son père mais ça se résume à un vêlage vite fait. Par contre on insiste sur son histoire d'amour qui prend beaucoup de place alors que oui on comprend que l'alcool qui empoisonne l'amour. Un récit linéaire nourri de l'onirisme des Orcades comme "vrai" troisième personnage... ATTENTION SPOILERS !... il faut attendre la fin, quand Rona quitte enfin son caque pour écouter la mer, et quand enfin elle assume son "don" de chef d'orchestre avec les lames contre les rochers, et ces deux magnifiques moments ne durent que 3-4mn... FIN SPOILERS !..., avec un petit quart d'heure en moins et on avait assurément un film plus fort émotionnellement. Un joli film néanmoins, l'actrice est magnifique de justesse, les Orcades restent très cinématographiques, et plusieurs passages de manque pas de grâce.
Note :