Penser son récit

Par William Potillion @scenarmag

Dans le processus d'écrire un scénario, l'une des toutes premières conditions est de collecter le plus possible d'idées : toutes sortes de genre d'idées. Les sources sont presque inépuisables : nos expériences personnelles, des récits d'autres auteurs ou autrices peuvent aussi inspirer de nouvelles idées en nous, ce que nous observons en nous ou hors de nous ou simplement prendre un événement passé ou actuel et élaborer sur ce qu'il se cache sous les apparences...

Il serait utile d'avoir à portée de main de quoi reporter par écrit les pensées spontanées qui surgissent en nous au détour d'un chemin. Lorsque vous vous êtes convaincus que vous teniez une idée, maintenant vous devez l'approfondir. Si vous vous précipitez, vous vous assécherez plus vite que la rosée sous un grand soleil.

Nous nous interrogerons sur les thèmes que présuppose l'idée. Quelle serait la psychologie de vos personnages qui serait la plus à même de porter vos thèmes et votre récit tout entier ? Et quand on pense aux personnages, on pense aussitôt aux situations dans lesquelles ils seront jetés.

En fouillant notre idée, nous découvrons des richesses. Seulement, il faut envisager celles-ci sous un angle nouveau ou bien surprenant ; oui, c'est possible malgré les millénaires. Nous jouerons avec les possibilités.

Le classique trois actes

Selon de nombreux auteurs et autrices, c'est encore ce qu'il y a de plus efficace. Que ce soit pour vos personnages, votre intrigue principale ou vos intrigues secondaires, la structure en trois actes est certainement la plus intelligible pour le lecteur/spectateur. Dans le premier acte, on expose : le monde ainsi que ceux qui l'habitent et, de toute évidence, le conflit qui donnera sa matière à l'intrigue.

Il sera nécessaire qu'on réfléchisse à une accroche suffisamment puissante pour éveiller chez le lecteur/spectateur un sentiment de curiosité vis-à-vis de votre récit. Puis lorsque le premier acte s'achève à la suite d'un incident déclencheur, le personnage principal décide de prendre son problème à bras le corps ce qui constitue le passage dans l'acte Deux. Le premier acte de Hunger (2008) de Steve McQueen pose le contexte politique et social des années 1980. On nous présente succinctement le héros de ce récit : Bobby Sands mais surtout la tension qui règne dans ce lieu de détention. C'est précisément cette atmosphère qui nous attire et nous retient dès ce premier acte dans le récit.

Le deuxième acte est celui de l'intrigue. Maintenant, il s'agit de penser la tension dramatique. L'intrigue est le lieu du changement. Qu'il soit celui de l'intrigue par des renversements de situation, ou celui des personnages par des rebondissements ou parce qu'ils passent par des moments où ils connaissent une révélation sur eux-mêmes.

Les obstacles testent leur détermination et nous découvrons leurs véritables motivations tout comme eux-mêmes d'ailleurs. Nous devons réfléchir à la structure de l'intrigue : quels sont les nœuds dramatiques qui articuleront votre récit ? C'est un problème de rythme qu'il vous faut résoudre. Prenons le deuxième acte de Snowpiercer : Le transperceneige (2013) de Bong Joon-ho. Chaque wagon est un nœud dramatique en soi avec son lot de révélations sur cette étrange société. Curtis, le héros, nous entraîne à sa suite dans cette remontée violente. Nous sommes fascinés par sa détermination et nous prenons conscience des enjeux.

Le troisième acte est une conclusion : un début, un milieu et une fin nous confirme Aristote. C'est la confrontation finale et celle-ci doit offrir une résolution satisfaisante qu'elle soit négative ou positive. Et bien-sûr, c'est le moment d'apporter une réponse à toutes les questions soulevées au cours du récit. Le bon, la brute et la truand (1966) de Sergio Leone nous donne à voir une ultime confrontation qui à elle seule mérite qu'on se souvienne de ce film. Et bien que le bon connaisse le triomphe, mais concernant la brute envers qui nous avions développé une certaine empathie, le récit reste sombre conformément à sa morale.