Ascenseur pour l'Echafaud (1958) de Louis Malle

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après le succès de son film documentaire "Le Monde du Silence" (1955) co-réalisé avec Jacques-Yves Cousteau, et tout auréolé de la Palme d'Or 1956 à Cannes suivi de l'Oscar 1957 du meilleur film documentaire Louis Malle se lance dans la fiction après avoir notamment travaillé aux côtés de Robert Bresson sur la préparation du film "Un Condamné à Mort s'est échappé" (1956). Il choisit d'adapter le roman éponyme (1956) de Noël Calef qui signe lui-même une pré-adaptation avant que le scénario définitif soit écrit par Louis Malle en collaboration avec Roger Nimier auteur du roman "Hussard Bleu" (1950) et donc chef de file du mouvement littéraire des "Hussards" ("qui portait l'amour du style et l'impertinence en étendard") qui a aussi écrit son premier scénario pour le film "Les Vaincus" (1953) de Michelangelo Antonioni avant de signer également "L'Affaire NinaB." (1961) de Robert Siodmak. Le cinéaste avoue s'est surtout inspiré de Alfred Hitchcock, et pour la partie ascenseur essentiellement de Robert Bresson. Le film est salué par la critique et est un succès en salles avec 2 millions d'entrées France et en prime reçoit le Prix Louis Delluc 1957. Le film s'inscrit dans le dogme de La Nouvelle Vague et va permettre à Louis Malle de devenir un des grands réalisateurs français des trois décennies suivantes jusqu'à "Vanya 42e Rue" (1994) en passant par "Zazie dans le Métro" (1960) ou "Lacombe Lucien" (1974)... Florence trompe son époux, le riche Simon Carala, avec Julien Tavernier un des employés de son époux. Le couple adultère préméditent le crime parfait. Julien et Florence fabrique chacun un alibi respectif indiscutable. Malheureusement le hasard va tout chambouler, Julien se retrouve bloqué dans l'ascenseur tandis que deux jeunes gens volent sa voiture pour une nuit dramatique. La voiture va mener la police jusqu'à Julien pour des faits dont il est innocent... 

L'amant est incarné par Maurice Ronet remarqué dans "Lucrèce Borgia" (1953) de Christian-Jaque ou "Gueule d'Ange" (1955) de Marcel Blistène, et après être devenu une star avec "Plein Soleil" (1960) de René Clément il retrouvera son réalisateur pour "Le Feu Follet" (1963) ainisi que sa partenaire Jeanne Moreau qui sera aussi dans "Les Amants" (1958) toujours de Louis Malle, elle retrouve aussi après "Touchez pas au Grisbi" (1954) de Jacques Becker un autre acteur qui n'est plus un débutant, Lino Ventura vu dans "Razzia sur la Chnouf" (1955) de Henri Decoin, "Le Gorille vous salue Bien" (1958) de Bernard Borderie ou "Montparnasse 19" (1958) de Jacques Becker après lequel il retrouve Yori Bertin actrice vue ensuite dans "Les Bons Vivants" (1965) de Gilles Grangier ou "La Religieuse" (1966) de Jacques Rivette, alors que son jeune amant voleur de voiture est joué par Georges Poujouly révélé auprès d'une certaine Brigitte Fossey dans le magnifique "Jeux Interdits" (1952) de René Clément et vu entre temps dans "Nous sommes tous des Assassins" (1952) de André Cayatte et "Les Diaboliques" (1955) de Henri-Georges Clouzot. Citons ensuite le couple allemand joué par Ivan Petrocich vu notamment dans "Le Procès" (1948) de G.W. Pabst ou "Sissi Impératrice" (1956) de Ernst Marischka, puis Elga Andersen vue juste avant dans "Les Collégiennes" (1957) de André Hunebelle et "Bonjour Tristesse" (1958) de Otto Preminger. Citons encore Gérard Darrieu vu cette même période dans une dizaine de film dont "Les Misérables" (1958) de Jean-Paul Le Chanois, "Les Tricheurs" (1958) de Marcel Carné ou "Le Fauve est Lâché" (1958) de Maurice Labro, Micheline Bona qui retrouvera Louis Malle pour "Le Souffle au Coeur" (1971) à l'instar de Hubert Deschamps pour "Zazie dans le Métro" (1960) et vu auparavant dans "French Cancan" (1955) de Jean Renoir ou "Les Espions" (1957) de Henri-Georges Clouzot, puis Charles Denner pour "Le Voleur" (1966) vu auparavant dans "Poisson d'Avril" (1954) de Gilles Grangier ou "Les Hommes en Blanc (1955) de Ralph Habib, et Jean-Claude Brialy encore méconnu qui retrouvera son réalisateur dans "Les Amants" (1958) et "Vie Privée" (1962). Citons encore Marcel Cuvelier apparu dans "La Vérité" (1960) de Henri-Georges Clouzot ou "Le Doulos" (1962) de Jean-Pierre Melville, François Joux aperçu dans "Si Versailles m'était conté" (1954) et "Napoléon" (1955) tous deux de Sacha Guitry, puis enfin Jean Wall vu cette même année dans "Un Drôle de Dimanche" (1958) de Marc Allégret et "Les Grandes Familles" (1958) de Denys de La Patellière... Notons aussi et surtout que la musique est signée de Miles Davis, ce qui est loin d'être anodin. Louis Malle en grand amateur de jazz a demandé au jazzman d'assurer la partie musicale en toute improvisation en passant les scènes au musicien et son quartet qui a donc composé et joué en direct ce qui était alors une première et qui a permis au jazzman d'être reconnu partout en Europe. La B.O. est devenu un classique, et est même entrée à la postérité au point que les conditions de mixage de la B.O. sont désormais étudiées dans les écoles de musique. 

Le récit se scinde en deux, une intrigue principale avec le couple adultère et son crime parfait, et la sous-intrigue du jeune couple à la Bonnie and Clyde. Mais en vérité les deux intrigues se retrouvent sur un pied d'égalité en présence et importance à l'écran, voir même la sous-intrigue des Bonnie and Clyde à la française vole ou parasite la vedette à l'intrigue principale. Pourquoi pas, le soucis est qu'il y a un décalage de traitement qui paraît parfois bizarre ou inadéquat. Ainsi, le jeune couple est étonnamment plus fouillé, mais ouvre aussi la voie à un jeune voyou aussi insupportable qu'irritant, tête à claque qui ne permet aucune empathie tandis que la partie avec les allemands prend beaucoup de place. Le couple adultère est donc moins approfondi, on apprend pas assez à les connaître (comparé aux jeunes), se résumant à leur adultère. Il y a la partie très bavarde des jeunes, celle plus mutique de l'autre couple. Par contre, niveau mise en scène la partie des adultérins est beaucoup plus travaillés, avec le judicieux parallèle entre l'errance de madame/Moreau et le huis clos solitaire de monsieur/Ronet. Les rues de Paris sous la nuit pluvieuse impose un charme certain teinté d'une espérance vaine qui aurait pu gagné en valeur avec un suspense plus travaillé, biaisé par les aventures du jeune couple. Décidément, les deux couples se retrouvent sur un même niveau alors que les jeunes devait surtout nourrir un suspense au service de l'intrigue principale. C'est la plus grosse maladresse du film. Néanmoins, le scénario fonctionne bien, avec une dernière partie qui mix le drame psychologique au simple polar. Le travail sur la photographie et le Noir et Blanc associé au jazz de Miles Davis reste un must dans le genre, et sert d'écrin magnifique à une histoire de destins scellés par le mauvais coup du hasard. A voir.

Note :                 

17/20