L'arme à gauche

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Tamasa Diffusion pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « L’arme à gauche » de Claude Sautet.

« Je vais vous apprendre quelque chose Capitaine : je ne suis pas une riche veuve ! »

Dans les Caraïbes, Cournot, un marin au chômage, est contacté par un certain Hendrix qui lui demande de l’aider à acheter un yacht, le Dragoon. Mais le bateau et Hendrix se volatilisent. Soupçonné un temps par la police, Cournot accepte d’aider la riche veuve propriétaire du Dragoon, à retrouver son bateau…

« Pour l’instant, on leur obéit. Pour le reste, on verra ! »

Bien avant de devenir, à partir des années 70, l'un des grands noms du cinéma d'auteur français, spécialiste des mélodrames introspectifs et intimistes, centrés sur les relations humaines et les dilemmes moraux (« Les choses de la vie », « César et Rosalie », « Vincent, François, Paul et les autres »), Claude Sautet connut un début de carrière plus laborieux durant lequel il peina à prendre son envol artistique. En effet, s’il enchaine les expériences d'assistant réalisateur auprès de quelques pointures du cinéma des années 50 (Yves Robert, Maurice Labro, Guy Lefranc ou encore Georges Franju sur « Les yeux sans visage »), ses débuts de réalisateur sont plus houleux. Il remplace bien au pied-levé Robert Dhéry aux commandes de « Boujour sourire » en 1955, mais l’expérience de ce film de commande se révèle aussi frustrante qu’éprouvante pour Sautet qui attend finalement cinq ans de plus avant de repasser derrière la caméra, cette fois pour un projet propre. Ce sera « Classe tous risques » (1960), avec Belmondo et Ventura, d’après un roman de José Giovanni. Même s’il sera largement réhabilité quelques années plus tard, le film connaitra un cuisant échec public et critique à sa sortie que le cinéaste prendra le temps de digérer en se consacrant à son activité de scénariste (pour Gilles Grangier et Jean Becker notamment). Ce n’est que cinq ans plus tard qu’il renoue avec la réalisation en signant « L’arme à gauche », qui sera son dernier film de genre, sur lequel il retrouve Lino Ventura.

« De nous deux, qui a le plus à perdre ? Tu as la liberté d’aller ou tu veux, d’avoir des amis, des femmes. Quel gâchis ! Alors que moi, je n’ai rien de tout ça ! »

Adaptation du roman « Aground » de l’auteur américain Charles Williams (dont les romans donneront lieu à des films comme « Fantasia chez les ploucs » de Gérard Pirès, « Vivement dimanche » de François Truffaut ou encore « Calme blanc » de Philip Noyce ou encore « Hot spot » de Dennis Hopper), « L’arme à gauche » nous entraine dans la moiteur de Cuba le temps d’une aventure policière maritime. On y suit un marin français, a priori sans histoire, venu faire l’acquisition d’un yacht pour le compte d’un riche armateur. Mais alors que la transaction doit être finalisée, le bateau se volatilise, laissant derrière lui un cadavre. Le point de départ d’en engrenage fatal, qui poussera le héros à retrouver la trace du bateau avant de se retrouver piégé à son bord, retenu en otage par des contrebandiers. Amoureux du film noir américain, Claude Sautet signe ici un huis-clos maritime qui lorgne assez ouvertement du côté du « Key Largo » de John Huston, avec une lente montée en tension de l’intrigue à mesure que le piège se referme sur le héros et qu’il découvre l’ambiguïté morale des autres personnages qui l’entourent. Le scénario resserré et très efficace, aborde de nombreux thèmes (la solitude, la trahison, la résilience) et donne lieu à une passionnante guerre des nerfs, sorte d’affrontement physique et psychologique que le héros livre à ses geôliers pour reprendre l’ascendant sur eux en sachant pertinemment que personne ne lui viendra en aide au milieu de la mer. A l’image de ces attaques incessantes entre le héros resté sur le bateau et le chef des contrebandiers coincés sur l’îlot qui lui fait face et à peine séparé par un petit bras de mer. Sautet tire par ailleurs le meilleur parti de ses décors caribéens dont il met en avant la moiteur pour créer une ambiance particulière qui contribuer à donner une réelle chair à son récit. Avec son intrigue haletante, son casting solide (Lino Ventura et Sylva Koscina en tête) et une mise en scène très maitrisée, il signe d’ailleurs un thriller efficace et parfaitement huilé qui s’inscrit pleinement dans une certaine tradition française de films d’aventure. Une très jolie (re)découverte.

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Le blu-ray : Le film est présenté en version intégrale dans un Master restauré 2k. Il est proposé en version originale française (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « Images du tournage » : Sur le plateau avec Claude Sautet, Lino Ventura et Sylva Koscina, Collection Grand Ecran (13 min.) ainsi que de « Sautet avant Sautet » par Bernard Payen (36 min.). Le livret « En avoir ou pas » par J.L. Bory avec notes de production (20 pages) complète avantageusement cette édition.

Édité par Tamasa Diffusion, « L’arme à gauche » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 28 février 2024.

Le site Internet de Tamasa Diffusion est ici. Sa page Facebook est ici