The Apprentice (2024) de Ali Abbasi

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Le projet est lancé par Amy Baer, productrice entre autre de "Mary Shelley" (2018) de Haifaa Al-Mansour ou "Brian Banks" (2019) de Tom Shadyac, qui a acquis les droits d'un scénario écrit par Gabriel Sherman, ex-journaliste politique du New-York Magazine qui a rencontré plusieurs un certain Donald Trump. Il est ensuite devenu scénariste en co-signant le film "Independance Day : Resurgence" (2016) de Roland Emmerich. Cette fois il s'agit de l'histoire vraie autour de la relation entre Donald Trump et son mentor Roy Cohn. Le productrice a alors cherché un réalisateur assez novateur pour s'attaquer au projet, qu'elle trouve après avoir vu et adoré "Border" (2018) de Ali Abbasi. Leur collaboration débute dès 2019 mais le Covid repousse le projet. Dans l'attente le réalisateur danois et iranien va réaliser entre temps l'excellent "Les Nuits de Mashhad" (2022). Ali Abbasi cite comme référence pour son film essentiellement "Barry Lyndon" (1975) de Stanley Kubrick, mais aussi "Macadam Cowboy" (1969) de John Schlesinger ou "Boogie Nights" (1997) de Paul Thomas Anderson. Le titre est volontairement évocateur et ironique car il renvoie à une émission TV de télé-réalité particulièrement célèbre outre-Atlantique dans laquelle Donald Trump faisait passer des entretiens d'embauche avec la fameuse réplique "You're Fired ! - Tu es viré !" Si le film sort en salles dans plusieurs pays dont la France ce n'est pas encore le cas aux Etats-Unis, l'approche des élections présidentielles est un frein vu le sujet brûlant, et de surcroît Trump a menacé la production d'une attaque en justice. Néanmoins, rappelons que le film a reçu une ovation de 8mn au dernier Festival de Cannes 2024, l'aversion pour Trump ayant sans doute dopé cet engouement...

Milieu des années 70, alors que Donald Trump tente de percer dans le milieu des affaires, suivant les traces de son père et nourri d'une ambition démesurée, grâce à une affaire judiciaire il fait la rencontre de Roy Cohn, avocat non moins ambitieux qui s'est fait connaître en étant un maillon du Maccartysme et qui va devenir son mentor... Donald Trump est incarné par Sebastian Stan, remarqué surtout comme le Soldat de l'Hiver chez le Marvel Universe et vu plus récemment dans "Dumb Money" (2023) de Craig Gillepsie et "Ghosted" (2023) de Dexter Fletcher, tandis que Roy Cohn est interprété par Jeremy Strong vu dans "The Gentlemen" (2020) de Guy Ritchie, "Les Sept de Chicago" (2020) de Aaron Sorkin ou "Armageddon Time" (2022) de James Gray. Citons parmi les proches de Trump Maria Bakalova remarquée dans "Borat 2" (2020) de Jason Woliner et "Women Do Cry" (2021) de Mina Mileva et Vesela Kazakova, Martin Donovan qui retrouve Sebastian Stan après "Ant-Man" (2015) de Peyton Reed, et apparu dernièrement dans "Tenet" (2020) de Christopher Nolan ou "BlackBerry" (2023) de Matt Johnson ou Emily Mitchell vue dans "Women Talking" (2023) de Sarah Polley ou "Priscilla" (2024) de Sofia Coppola. Citons encore Charlie Carrick aperçu dans la série TV "Reign : le Destin d'une Reine" (2015-2017) ou le film "Le Loup et le Lion" (2021) de Gilles de Maistre, Joe Pingue aperçu notamment dans "Blindness" (2008) de Fernand Meirelles, "Pacific Rim" (2013) de Guillermo Del Toro ou "Maps to the Stars" (2014) de David Cronenberg... Ali Abbasi explique qu'il ne s'agit pas d'un biopic, comme si c'était un terme ou un genre peu recommandable expliquant : "On ne s'intéresse pas aux moindres details de sa vie, de sa naissance à nos jours. On a cherché à raconter une histoire très spécifique à travers sa relation avec Roy, et à travers celle de Roy avec lui..." Donc en soi un peu comme le biopic "Elvis" (2022) de Baz Luhrmann sur la relation du King avec le Colonel Parker. Et en effet, le film reste une fiction, car si il reprend les grandes lignes le film reste clairement un film de propagande anti-Trump et reste donc un film militant qu'il se doit de prendre avec des pincettes. Beaucoup de mensonges ou de réinterprétation de certains éléments... ATTENTION SPOILERS !... le plus flagrant reste le "viol", Ivana Trump a elle-même nié en déclarant qu'elle ne voulait pas "que ses mots soient interprétées dans un sens littéral ou criminel", on peut aussi penser à la façon dont parle Roy Cohn au procureur ou aux autres est telle que c'est assurément caricatural car si le fond doit être vraie la forme reste trop surréaliste  ... FIN SPOILERS !... 

Mais outre sa dimension "historique" biaisée, on peut y savourer plutôt le genre pamphlet avec toute la parodie et/ou la calomnie qui y découle à la façon du théâtre que façonne ce duo Trump-Cohn qui a tout d'une mafia à col blanc. En résumé il s'agit d'un jeune loup aux dents longues qui veut montrer à son père ce dont il est capable et trouve un père de substitution pour être son mentor. Bref, c'est "Une Etoile est née" dans l'univers politico-financier avec un soupçon de Shakespeare moderne. La mise en scène est judicieusement dans un style façon documentaire, comme si un reportage suivait l'ascension d'une jeune ambitieux pour une télé-réalité. Le duo Trump/Stan et Cohn/Strong fonctionne à merveille, au diapason ils offrent tous les deux une performance dantesque jouant sur les fantasmes autour de ces deux hommes. La vraie qualité du film réside dans un étonnant "manichéisme flou", ainsi Trump n'est pas si méchant au départ et se transforme au fur et à mesure qu'il apprend de Cohn qui est alors montré que le Mal incarné, puis vire à l'inverse à la fin où le Mal s'avère presque touchant ( de loin !) face à l'ingratitude de jeune loup, l'élève a finalement tout bien appris du maître. Donc si on prend le film au premier degré il s'agit un biopic faussé et politiquement dirigé comme n'importe quelle propagande, mais si le film est pris comme un pamphlet et déformant oscillant entre drôlerie et saloperie le film est une réussite savoureuse. 

Note :                 

16/20