Actions & motivations

Aristote dans La Poétique insiste sur l'action comme l'instrument de la tragédie. L'action, c'est agir. On agit à cause d'une motivation. Lorsqu'un lecteur/spectateur observe cette action chez un personnage, à la fois il juge et il en est ému. Poussé par une situation de crise ou en réponse à un besoin qu'il ne saurait peut-être même pas raisonné, un personnage se lance dans une action ; par le biais de celle-ci, il se révèle à nous.
Nous comprenons davantage sa motivation parce que celle-ci s'inscrit dans la réalité présente du récit et cette action rend aussi concrète une intention que nous ne saurions apercevoir sous le voile de sa chair. Je m'explique : comme dans la vie, il est difficile de deviner ce qu'il se passe à l'intérieur d'un être ; en fiction, nous devons amener cette intimité à la surface pour river notre lecteur/spectateur sur le récit lui-même.

L'action inscrit le geste dans l'événement et la succession des gestes donne forme à la transformation en bien ou en mal du personnage. Voilà où est le tragique. Les réactions et les décisions des personnages lors des circonstances dans lesquelles l'autrice et l'auteur les ont jetés nous révèlent qui ils sont vraiment et cette révélation avec ses surprises constitue le drame.

Aristote dit que ce n'est pas la personnalité d'un personnage qui décide de ses choix et de ses décisions mais bien ses gestes qui amènent au-devant de la scène sa véritable nature : à le voir agir, nous comprenons qui il est. Les passions, les affections et les sentiments d'un personnage nous parviennent à travers ses actions.

La liberté

C'est précisément ce que Sartre nous apprend : l'être humain est libre parce qu'il est toujours en situation de choix. En fiction, cette situation est souvent un moment de crise qui ne demeure pas parce que le personnage prend conscience que son passé (ou son vécu) l'enchaînent à un être qu'il n'est pas. C'est parce qu'il est dans une situation actuelle qu'il ne connaît pas mais il n'en répète pas les mêmes gestes qu'autrefois ; il casse ses habitudes et se révèle à lui-même.

Sa réponse est fortement liée à l'urgence de sa situation présente. Alors cessons de priver nos personnages d'actions possibles parce que nous supposons qu'elles ne correspondent pas à sa personnalité. Vous vous privez du même coup d'un arc dramatique fascinant pour le lecteur/spectateur.

George de A Single Man (2009) de Tom Ford est un être solitaire depuis la mort de son compagnon. Rongé par la solitude (comme tous les personnages de ce récit), il ne trouve plus de sens à sa vie et, devant cet anéantissement, il décide de mourir.

Alors, il rencontre d'autres êtres tout comme lui solitaire et se découvre soudain un irrésistible besoin de l'autre, de créer de nouveaux liens. Face à sa situation présente entachée de mélancolie et de souffrance, il sent un nouveau battement : l'espoir qui prend naissance efface la douleur du passé.