De Ali Abbasi | Par Gabriel Sherman
Avec Sebastian Stan, Jeremy Strong, Maria Bakalova
Chronique : D’où vient Donald Trump? Comment s’est-il construit cette stature provocatrice et populiste qui l’a conduit à la Maison Blanche ? The Apprentice nous offre un éclairage passionnant sous la forme d’un biopic sulfureux qui nous plonge littéralement dans les années d’apprentissage du jeune businessman. C’est en outre un parfait complément à l’excellente bouquin de Philippe Corbé, Roy Cohn, l’Avocat du Diable, qui s’attache à éclairer les sombres desseins et le non moins sombre destin de son avocat et mentor Roy Cohn, féroce procureur maccarthiste, juif antisémite et gay homophobe.
Donnant à son film une esthétique aux airs de publicité ou de clip des années 80, lui conférant une image granuleuse et striée comme sur une VHS, Ali Abbasi nous immerge dans le New York ruiné, crasseux et corrompu de l’époque au réalisme bluffant, qui servira de terrain de jeu aux ambitions immobilières de l’apprenti homme d’affaire.
The Apprentice raconte sur deux décennies la dynamique et l’évolution du rapport de force entre Cohn et Trump, la fascination du second pour le pouvoir et l’influence du premier d’abord, et l’inimaginable naïveté du premier lorsqu’il perd le contrôle du monstre qu’il a crée. Il reste encore de Cohn chez Trump ces 3 règles cardinales qu’il continue à appliquer méticuleusement en politique : 1 – Attaque, attaque, attaque. 2 – Nier les faits. 3 – Ne jamais admettre la défaite.
Dans la peau du futur POTUS , Sebastien Stan s’efface complètement derrière son personnage, il abat un travail impressionnant pour faire évoluer l’esquisse de lui-même qu’était Trump quand Cohn l’a pris sous son aile à sa version quasi définitive des années 2000. On le voit adopter petit à petit ses tics de langage désormais célèbres, ses attitudes, sa démarche, pour atteindre un mimétisme bluffant. Jeremy Strong en revanche est moins convaincant en Cohn, beaucoup trop proche du son interprétation de Kendal Roy dans Succession, dont il a beaucoup de mal à se défaire. Il souffre aussi de la comparaison avec les précédentes incarnations de l’avocat, en particulier de celle mémorable de Al Pacino dans la série de Mike Nichols, Angels in America (un classique à voir absolument).
The Apprentice est aussi le témoignage d’une époque, l’illustration de l’Amérique ultra-libérale de Reagan et le triomphe du capitalisme décomplexé, les dérives de l’American Dream qui encourage à faire du fric quoi qu’il en coute. Donald Trump en est le symbole sinistre et saisissant : une fils à papa qui s’improvise businessman, dont la plupart des projets ont fait faillite, mais qui parvient à donner l’illusion de la réussite et finit par être élu Président des Etats Unis d’Amérique.
Une fable des temps modernes édifiante mais bien réelle, cynique et quasi-horrifique.
Synopsis : Véritable plongée dans les arcanes de l’empire américain, The Apprentice retrace l’ascension vers le pouvoir du jeune Donald Trump grâce à un pacte faustien avec l’avocat conservateur et entremetteur politique Roy Cohn.