Le Faucon Maltais (1941) de John Huston

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Fils d'un acteur renommé, Walter Huston, le scénariste John Huston s'est déjà fait un nom en ayant écrit pour des chefs d'oeuvres comme "L'Insoumise" (1939) de William Wyler, "Sergent York" (1941) de Howard Hawks ou "La Grande Evasion" (1941) de Raoul Walsh. Il passe alors derrière la caméra pour son premier film en tant que réalisateur et choisit pour son projet d'adapter le roman éponyme (1930) de Dashiell Hammett déjà porté sur grand écran avec "Le Faucon Maltais" (1931) de Roy Del Ruth et "Satan met a Lady" (1936) de William Dieterle, plus tard viendront "Target : Harry" (1969) de Roger Corman, sans compter "The Black Bird" (1975) de David Giler présenté comme une suite au film de Huston. Le rôle de Sam Spade a été refusé par George Raft parce qu'il refusait de tourner sous la direction d'un débutant, son plus mauvais choix puisque cela signe le début de son déclin à contrario de son heureux remplaçant. En effet, le film est un énorme succès, devient culte et est encore considéré comme l'archétype du Film Noir de l'Âge d'Or de Hollywood. Pour l'anecdote, le faucon du film sera vendu aux enchères en 2013 pour la somme de 4 millions de dollars, soit plus du double de ce qu'a rapporté le film à sa sortie en salles en 1940... Brigid O'Shauhnessy, une jeune femme, charge Sam Spade et son associé Miles Archer, détectives privés, de filer un certain Floyd Thursby. La première nuit est assurée par Archer mais il est retrouvé mort. Spade tente alors de comprendre pourquoi tandis qu'il est engagé par un certain Joel Cairo pour retrouver un objet mystérieux. Bientôt il comprend qu'ils que mlle O'Shaughnessy et Cairo sont liés à un troisième individu, Kasper Gutman qui cherchent tous à trouver une statuette de faucon d'une valeur inestimable qui aurait disparu à Malte il y a plusieurs siècles... 

Après le refus de George Raft, le rôle de Sam Spade est donc finalement incarné par Humphrey Bogart, alors vedette installée mais qui va devenir avec ce rôle une star de premier plan et qui va devenir un fidèle de John Huston le retrouvant pour "Griffes Jaunes" (1942), "Le Trésor de la Sierra Madre" (1948), "Key Laro" (1948), "African Queen" (1951) et "Plus Fort que le Diable" (1953), il retrouve après "Les Fantastiques Années 20" (1939) de Raoul Walsh sa secrétaire alias Gladys George remarquée surtout ensuite dans "Les Plus Belles Années de notre Vie" (1946) de William Wyler, tandis que l'acteur retrouvera aussi dans "Griffes Jaunes" (1942) sa partenaire Mary Astor vue notamment dans "La Belle de Saïgon" (1932) de Victor Fleming ou "Le Prisonnier de Zenda" (1937) de John Cromwell, ainsi que le géant Sidney Greenstreet qui sera aussi à ses cotés dans "Casablanca" (1942) et "Passage pour Marseille" (1944) tous deux de Michael Curtiz à l'instar du troisème acolyte, Peter Lorre cultissime "M le Maudit" (1931) de Fritz Lang qui sera aussi dans "Plus Fort que le Diable" (1953). Plusieurs acteurs ont ou auront d'autres films en commun dont en premier lieu Walter Huston, père du réalisateur, qui sera aussi dans "L'Amour n'est pas un Jeu" (1942) et "Le Trésor de la Sierra Madre" (1948) dans lesquels seront aussi et respectivement Lee Patrick, puis Barton MacLane qui retrouvera également Bogart dans "La Grande Evasion" (1941). Trois autres acteurs étaient dans "Les Fantastiques Années 20" (1939), Murray Alper surtout vu chez Hitchcock plus tard avec "Joies Matrimoniales" (1941), "Cinquième Colonne" (1942) et "L'Inconnu du Nord Express" (1951), John Hamilton qui retrouve Bogart après aussi "Les Anges aux Figures Sales" (1938) de Michael Curtiz et "Une Femme Dangereuse" (1940) de Raoul Walsh, puis Creighton Hale vu dans la foulée dans "Sergent York" (1941) de Howard Hawks retrouvant ainsi Elisha Jr qui retrouvera Hawks et Bogart dans "Le Grand Sommeil" (1946) de Hawks, et enfin n'oublions pas Ward Bond, acteur fétiche de John Ford sur une vingtaine de films dont cette même année "Les Hommes de la Mer" (1940) et "Les Raisins de la Colère" (1940)... Le film débute dans une iconographie et un style connue aujourd'hui, celle qui servira de canevas au genre en se positionnant comme le film originel et qui verra de Phillip Marlowe et consorts à l'écran jusqu'à certain Mike Hammer. Un détective privé solitaire et cynique, amer, aussi peu affable que possible, âpre au gain et même n'hésitant pas à contourner la loi dans bureau tout ce qu'il y a de plus simple et fonctionnel. La mission pour laquelle il est d'abord commandité est en fait un macguffin (Hitchcock adore !), soit un prétexte pour une histoire dont l'intérêt est tout autre.

Ici le macguffin est donc le Faucon Maltais, objet de toutes les convoitises, mais ça pourrait être aussi bien un bijou ou un tableau de maître. Le vrai intérêt repose sur le personnage principal, qui se doit d'être de surcroît incarné par un acteur au charisme certain, et de comment il va se sortir du guêpier avec des faces à faces forcément savoureux avec des personnages hauts en couleur, plus ou moins ambigus. John Huston réunis pour son film un trio mythique avec Bogart-Lorre-Greenstreet, et ce n'est pas pour rien que les trois acteurs se retrouveront plusieurs fois sur les 10-12 années suivantes. Peter Greenstreet est celui qui inspirera à George Lucas le hideux Jabba the Hut pour la saga "Star Wars" (1977-2019), tandis que pour Peter Lorre on ne peut qu'être d'accord avec son réalisateur : "(Lorre) avait cette combinaison claire d'intelligence et d'innocence réelle, et cette sophistication... Il faisait deux choses en même temps, pensant unechose et disant autre chose." Seule Mary Astor paraît un peu effacée face à ses trois monstres de partenaires, elle paraît un peu trop fragile alors que son personnage aurait dû être plus forte et/ou plus vénéneuse, ce qui s'avérera encore plus évident quand arrivera une certaine Lauren Bacall face à Bogart. Le scénario est alambiqué, mais juste ce qu'il faut pour rester à l'affût du prochain rebondissement, le tout pour montrer toute l'ambition aveugle et l'avarice et donc le vice de l'être humain primaire pour les chimères. En prime des joutes verbales à couteaux tirés, les coups bas avec une des répliques les plus cultes du cinéma (classée 14ème sur le top 100 de l'American Film Institute) : "Qu'est-ce que c'est ?" - "Ce dont sont fait les rêves." En conclusion un grand film, maître étalon du genre à voir, revoir et à conseiller.

Note :                 

17/20