Grâce à plusieurs succès successifs, surtout avec Jean-Paul Belmondo dans "Cartouche" (1962), "L'Homme de Rio" (1964) et "Les Tribulations d'un Chinois en Chine" (1965), le réalisateur Phillipe de Broca prend son indépendance et devient producteur. En tant que tel, il choisit d'adapter une histoire de Maurice Bessy quia écrit auparavant des films comme "La Brigade Sauvage" (1939) de Marcel L'Herbier, "Le Carrefour des Enfants Perdus" (1944) de Léo Joannon ou "Voici le Temps des Assassins" (1956) de Julien Duvivier. De Broca co-signe le scénario avec aussi Daniel Boulanger, fidèle depuis "Les Jeux de l'Amour" (1960) et avec qui il collaborera sur pas moins de 11 films jusqu'à "Chouans !" (1988). Malheureusement, malgré l'ambition du projet le film est un véritable échec public comme critique. Une déconvenue qui plongea le réalisateur dans une dépression et qui tuera dans l'oeuf ses rêves d'indépendance, il ne renouvellera pas l'expérience de producteur. Pourtant, le film est au contraire un joli succès aux Etats-Unis où le message anti-militariste parle à la nouvelle génération alors quele pays s'embourbe dans la Guerre du Viêtnam. Le film sera d'ailleurs adaptée en comédie musicale sous le titre "King of Hearts" en 1978... En pleine déroute en 1918, avant de fuir la petite ville de Marville, les allemands dissimulent une charge d'explosifs dans la cathédrale. Avertis du danger et avant de faire avancer les troupes alliées, le soldat Plumpick est chargé d'en trouver le cachette. Sur place il constate que la ville a été désertée par les habitants à l'exception des pensionnaires de l'asile d'aliénés qui sont désormais libres de s'approprier la ville...
Le soldat Plumick est joué par Alan Bates alors au sommet entre "Zorba le Grec" (1964) de Michael Cacoyannis et "Loin de la Foule Déchaînée" (1967) de John Schlensinger, il rencontre alors la jolie Coquelicot jouée par la toute jeune Genevieve Bujold qui explose alors avec dans la foulée "La Guerre est Finie" (1966) de Alain Resnais et "Le Voleur" (1967) de Louis Malle avant de retrouver De Broca plus tard dans "L'Incorrigible" (1975) dans lequel jouera également un autre débutant, Julien Guiomar qui va devenir un des plus grands seconds rôles du cinéma français comme dans "La Horse" (1970) et "Adieu Poulet" (1975) tous deux de Pierre Granier-Deferre. Citons encore Pierre Brasseur géant du cinéma hexagonal depuis "Quai des Brumes" (1938) et "Les Enfants du Paradis" (1945) tous deux de Marcel Carné, Jean-Claude Brialy égérie de la Nouvelle Vague avec entre autre "Les 400 Coups" (1959) de François Truffaut ou "Une Femme est une Femme" (1961) de Jean-Luc Godard et qui tourne là entre deux autres De Broca avec "Un Monsieur de Compagnie" (1964) et "Julie Pot de Colle" (1977), Françoise Christophe vue dans "Les Amours finissent à l'Aube" (1953) de Henri Calef, "Le Testament d'Orphée" (1960) de Jean Cocteau ou "La Ruée des Vikings" (1961) de Mario Bava, Micheline Presle révélation de "Jeunes Filles en Détresse" (1939) de G.W. Pabst, retrouve De Broca après "L'Amant de Cinq Jours" (1961) et est vue cette même année dans "La Religieuse" (1966) de Jacques Rivette, et retrouve après "Boule de Suif" (1945) de Christian-Jaque ses deux partenaires Paul Faivre et Pierre Palau deux camarades qui ont aussi joué ensemble dans "Le Comte de Monte-Cristo" (1943) de Robert Vernay et "Les Belles de Nuit" (1952) de René Clair. Citons encore Michel Serrault vu dans "Ah ! Les Belles Bacchantes" (1954) de Jean Loubignac ou "Les Diaboliques" (1954) de Henri-Georges Clouzot, il retrouve après "La Belle Américaine" (1961) de Robert Dhéry son partenaire Jacques Balutin qui retrouve après "Cartouche" (1961) son réalisateur et l'actrice Madeleine Clervanne qui était avec Serrault dans "Bébert et l'Omnibus" (1963) de Yves Robert. Citons encore Adolfo Celi qui retrouve De Broca après "L'Homme de Rio" (1963) et "Un Monsieur de Compagnie" (1964) et tout auréolé du succès de 007 "Opération Tonnerre" (1965) de Terence Young, Pier Paolo Capponi futur vedette du Giallo avec "Le Chat à Neuf Queues" (1971) de Dario Argento ou "Le Tueur à l'Orchidée" (1972) de Umberto Lenzi, Marc Dudicourt qui retrouvera De Broca dans "Les Caprices de Marie" (1970), "On a volé la Cuisse de Jupiter" (1980) et "Les Mille et Une Nuits" (1990), Jacques Mauclair vu notamment dans "La Femme et la Pantin" (1959) de Julien Duvivier et "Les Bonnes Causes" (1963) de Christian-Jaque, puis n'oublions pas le scénariste Daniel Boulanger qui avait déjà fait l'acteur dans "A Bout de Souffle" (1959) de Jean-Luc Godard ou "Tirez sur le Pianiste" (1960) de François Truffaut, et Philippe De Broca lui-même qui pastiche en personne un certain Adolf Hitler... N'oublions pas également les animaux, qui sont prêté par l'acteur Jean Richard, futur "Maigret" (1967-1990) et qui permet de revoir ses amis avec lesquels il a joué dans "La Belle Américaine" (1961) et "Bébert et l'Omnibus" (1963)... Le film débute avec un début très "film de guerre", mais on a la sensation peu agréable d'un léger anachronisme, d'abord avec l'uniforme allemand dont le fantasme du casque à pointe reste tenace (alors que le casque bombé existe dès 1916), mais surtout le fait de piéger une ville ou un lieu représente surtout des faits qui sont plus ancrés dans la débâcle des années 44-45. La comédie se dessine d'abord avec l'envoi d'un soldat qui n'a a priori aucun bagage utile pour ce genre de mission, mais l'histoire débute réellement avec la sortie de l'asile des aliénés désormais libre.
On se retrouve alors immergé dans une sorte d'asile à ciel ouvert sans entraves, symbole d'anarchie pour la libre pensée et le bonheur pour tous. Un panel d'hommes et de femmes qui laissent donc libre cours à tout ce qui se passe dans leur tête avec un casting savoureux qui n'est pas pour rien dans le délire qui est offert. On pense sur la à la folie de Michel Serraut, le généralissime Pierre Brasseur, la foi de Guiomar, la reine des maisons closes Micheline Presle... etc... dont seule semble "normale" la jolie fleur Genevieve Bujold, tandis que Alan Bates en Roi de Coeur semble lui un peu perdu, dubitatif au point qu'il n'est pas tellement crédible en soldat séduit par toute cette extravagance soudaine. Ensuite si on est amusé au début par cette grande récréation loufoque, on finit pas rester sur notre faim quand on comprend que la folie douce ambiante va rester dans une sorte de vitesse de croisière trop sage. Néanmoins, outre Alan Bates, on aime les acteurs qui s'amusent et s'investissent clairement dans leurs personnages hors normes qui font une farandole de toutes les folies possibles qui vont des simples grimaces au théâtre improvisé en passant par des messages plus ou moins subliminaux (la guerre mais aussi sur la foi) voir même quelques instants oniriques. Un film aussi orignal qu'ambitieux qui mérite qu'on s'y attarde même si le réalisateur aurait pu aller plus loin dans la fable satirique.
Note :
14/20