Quand revient l'automne

Quand revient l'automneA l'hiver de sa vie... certaines affichent une verdeur printanière

A l’automne, on ramasse les champignons. Dans un petit village deux mamies bien sous tous rapports (du moins en apparence) se livrent à cette activité bucolique. L’une d’elle reçoit sa fille et son petit fils et cuisine une bonne poêlée de champis cueillis le matin même… et à partir de là rien ne va se passer comme prévu.

François Ozon, Monsieur un film par an, explore tous les genres possibles depuis près de 30 ans et se livre ici à un exercice chabrolien. Déjà, il s’attaque à la vision idéalisée de la vieillesse ; car nos deux mamies au-delà d’un passé un peu sombre, elles sont coriaces. Mais surtout ce film pose des questions très immorales autour du bien et du mal : qu’est-ce que le bien et le mal ? Mais surtout du mal peut-il naitre le bien ? Autour d’actes manqués et d’actes délibérés ; chacun des personnages de ce conte amorale peut tirer avantage d’un crime et ne se pose pas la question de la vérité et de la justice. Tous coupables, mais personne jugé ; ce tacite accord sans qu’aucun mot ne soit prononcé démontre au combien la justice des hommes peut se positionner au-dessus des lois : démonstration éloquente héritée d’un scénario à la mécanique très bien huilée. Ozon construit un puzzle diabolique autour de personnages aux contours bien ciselés, même si je trouve que le personnage joué par Ludivine Sagnier est trop chargé, surtout au regard des autres pas assez méchants. Metteur en scène de talent, Ozon joue avec talent des non-dits verbaux mais aussi visuels avec la force de ses ellipses vertigineuses et de ses hors champ lourds de sens. Le spectateur doit alors cheminer comme le petit poucet et essayer de remplir sans cesse les blancs laissé par l’auteur. Pousser à opter le point de vue de chacun des protagonistes, on doute sans arrêt, même si la finalité de cette alliance macabre et silencieuse nous éclate en plein visage. Le rythme est lent, épouse celui des deux mamies, même si on aimerait parfois appuyer sur la pédale d’accélérateur. Cependant, cette langueur monotone quelquefois nous permet de mieux capter l’étrangeté se logeant dans de nombreuses situations semblant si banales a priori. On a le temps et surtout l’injonction de se faire sa propre opinion sur la situation et en çà le film aux accents parfois de téléfilm est une grande réussite. Pour résumer un film porté par un duo de mamies délectable au sommet de leur art (Hélène Vincent et Josiane Balasko) ; j’ai beaucoup aimé ce flou moral dans lequel on est plongé.

Une belle fable ironique dans laquelle la mort des uns est peut-être une nécessité pour faire le bonheur de tous… çà fait froid dans le dos, dis comme cela.

Sorti en 2024

Ma note: 14/20