L'Amour Ouf (2024) de Gilles Lellouche

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Acteur, Gilles Lellouche revient pourtant à la réalisation après son excellent "Le Grand Bain" (2018), sans compter "Narco" (2004) co-signé avec Tristan Aurouet et le segment Las Vegas pour "Les Infidèles" (2012). Ce projet est pourtant dans les tiroirs depuis longtemps puisque c'est Benoît Poelvoorde qui lui a offert et conseillé de s'intéresser au roman "Jackie Loves Johnser Ok ?" (1997) de l'irlandais Neville Thompson au point d'acquérir les droits dès 2004. En 2013 il est annoncé la prochaine production pour ce film mais malgré l'avis de ses producteurs, Lellouche a préféré repousser estimant qu'il n'y avait pas à l'époque des jeunes stars capables de porter le projet. Entre temps il s'est donc focalisé sur "Le Grand Bain", puis a attendu le couple qui adéquat pour son histoire. Gilles Lellouche co-écrit le scénario avec Audrey Diwan, qu'il connait bien pour avoir joué dans trois films co-signés par elle-même avec "Aux Yeux de Tous" (2010), "La French" (2014) et "BAC Nord" (2020) tous de Cédric Jimenez et qui a réalisé aussi "L'Evénement" (2021) et le récent "Emmanuelle" (2024). Ils ont été rejoint ensuite par Julien Lambroschini qui retrouve Lellouche après "Les Infidèles" (2012), "Plonger" (2017) de Mélanie Laurent et "Le Grand Bain" (2018) à l'instar de Ahmed Hamidi auquel on doit auparavant "La Marche" (2013) de Nabil Ben Yadir et "Pourquoi j'ai pas mangé mon Père" (2015) de et avec Jamel Debbouze. Le réalisateur-scénariste avoue s'être inspiré des films de Martin Scorcese, Quentin Tarantino, Francis Ford Coppola pour ses films de bandes du début des années 80 et de "West Side Story" (1960) de Robert Wise pour, précise-t-il "Une espèce de doux mélange entre violence et sentiments exacerbés, entre chaud et froid, entre sucré et âpre". Pour ce film le cinéaste a bénéficié d'un budget conséquent de 37,5 millions d'euros, soit le plus gros budget pour un film siglé Studiocanal, et le plus gros de l'année pour un film français après le succès "Le Comte de Monte Cristo" (42,9 millions), lui espérant donc au moins le même succès en salles...  Années 80, dans le nord de la France, Jackie et Clotaire grandissent entre les bancs du lycée et les docks du port. Quand ils se croisent c'est le coup de foudre malgré leurs différences, elle étudie, il traîne. Le destin va leur mettre des bâtons dans les roues, leur amour fou va aussi devenir un parcours du combattant... 

Jackie et Clotaire ados sont interprétés par Mallory Wanecque révélée dans "Les Pires" (2022) de Lisa Akoka et Romane Guéret, et Malik Frikah star de hip hop dans son premier rôle. Plus âgés ils sont incarnés par les stars Adèle Exarchopoulos et François Civil, ce dernier retrouve la jeune Mallory après "Pas de Vagues" (2024) de Teddy Lussi-Modeste, Adèle elle retrouve son réalisateur après avoir joué à ses côtés dans "Fumer fait Tousser" (2022) de Quentin Dupieux et "Je verrai toujours vos Visages" (2023) de Jeanne Herry, et surtout le couple (qu'il est aussi à la ville) se retrouve avec leur réalisateur après "BAC Nord" (2020) à l'instar de Karim Leklou qui était aussi avec Adèle dans "Orpheline" (2017) de Arnaud des Pallières, il joue ici le père de Clotaire et l'époux dont de Elodie Bouchez qui retrouve Lellouche et/ou Adèle après "Pupille" (2018) et "Je verrai toujours vos Visages" (2023) tous deux de Jeanne Herry, l'actrice retrouve aussi après "Réalité" (2015) de Quentin Dupieux son partenaire Alain Chabat, alias père de Jackie, vu essentiellement chez ce même réalisateur ces dernières années retrouvant ainsi après "Au Poste !" (2018) et "Fumer fait Tousser" (2022) d'autres partenaires dont Benoît Poelvoorde qui retrouve donc Lellouche après "Narco" (2004) et "Le Grand Bain" (2018), et qui retrouve aussi après "Effacer l'Historique" (2020) du duo Kervern-Delépine l'acteur Vincent Lacoste qui retrouce Adèle après "Un Métier Sérieux" (2023) de Thomas Lilti, et qui était également dans "Fumer fait Tousser" (2022) comme Jean-Pascal Zadi qui retrouve de son côté après "Coupez !"(2022) de Michel Hazanavicius et "Pourquoi tu souris ?" (2024) de Chad Chenouga et Christine Paillard son partenaire Raphaël Quenard qui retrouve la plupart du casting ayant joué aussi dans "Fumer fait Tousser" (2022) et "Je verrai toujours vos Visages" (2023) ainsi que "La Troisième Guerre" (2020) de Giovanni Aloi et "Chien de la Casse" (2023) de Jean-Baptiste Duran retrouvant après ces deux fils l'acteur Anthony Bajon... Précisons que les parties chorégraphiées sont assurées et signées par le collectif La Horde, connu notamment pour avoir collaboré avec Madonna ou Christine and the Queens... Le film débute mal, où comment on nous plonge dans les années 80 via une tonne de clichés et surtout en surjouant des poncifs comme le harcèlement bête et méchant, la coupe de cheveux du père, la situation sociale du Nord. On a bien du mal à croire à ce coup de foudre entre Jackie et Clotaire, le petite intello et le voyou déscolarisé sont très différents et se résume à quelques regards... ATTENTION SPOILERS !... a priori leur histoire dure quelques mois seulement, elle n'arrête pas de lui dire qu'elle n'aime pas la violence mais lui dit rien lors de la bagarre, au contraire elle lui donne son bandana façon princesse laissant son foulard à son chevalier servant, elle ne le comprend pas, le rabaisse presque mais il est mignon et elle est mignonne c'est cours... FIN SPOILERS !... Le réalisateur fait montre de tout ce qu'il avait évité dans "Le Grand Bain" (2018), à savoir un minimum de subtilité et de finesse. Cette fois il accumule les symboles faciles, appuie sur des messages plus ou moins subliminaux, insiste sur des passages anodins, sous-traite d'autres qui aurait mérité plus... etc... Par exemple la première fois ne paraît pas concerné deux jeunes puceaux niveau chorégraphie et cadrage, on s'étonne de voir si peu d'immigration dans une région pourtant très ouvrière et qui se résume à un ami facilement qualifié de bamboula et adulte est gage de gag man complètement incohérent avec son personnage jeune, la caricature du père ouvrier bas du front, et pire que tout, on s'agace de la complaisance autour du jeune voyou qui devient délinquant puis criminel, justement parce qu'on ne voit pas en quoi sa vie de famille serait un calvaire (une claque qu'il mérite et punition classique et ordinaire à l'époque, un père qui ne boit pas et se tue au travail, une mère aimante, une fratrie "normale") qui excuserait ou servirait de circonstances atténuantes, et ajoutons qu'il est un peu facile de dire qu'il n'a rien fait... ATTENTION SPOILERS !... un braquage est un crime, y participer n'est pas anodin et les conséquences en font un complice qu'il le veuille ou non. Ainsi à peine sorti de ses dix années de prison il court vers le crime une nouvelle fois, malgré la peine et malgré donc ce que lui rappelait Jackie... FIN SPOILERS !... Et ce même si la fin sauve ce dernier point, mais c'est justement la fin, c'est un  peu tard, c'est déjà fini.

Pour y croire plus il aurait fallu un ado réellement en difficulté et/ou brisé, une passion plus longue que quelques mois en année scolaire. Pourtant le jeune couple Wnacque-Frikah est raccord, d'une beauté ingénue idéale, et reste plausible avec le couple adulte Exarchopoulos-Civil, beau et plus sauvage mais très étonnamment on ne ressent ni passion ni étincelle. Les deux séquences musicales et dansées sont bien faites mais mal intégrées au récit, ça manque de fluidité. Puis enfin notons plusieurs incohérences et maladresses flagrantes et certaines mêmes risibles tant c'est énorme... ATTENTION SPOILERS !... ça roule façon Fast and Furious et on se demande comment le flingue sur le tableau de bord ne bouge pas d'un iota, un 06 des années 80 qui sonne et fonctionne nickel avec un cellulaire qui n'existait pas dix ans auparavant, ou encore un choc derrière la tête donne des points de suture sur le côté, et cette scène dans une cabine téléphonique étonnamment sans conséquences... FIN SPOILERS !... Heureusement, il y a un casting merveilleux, plusieurs scènes émouvantes (la plus belle n'est même pas avec le couple mais entre Jackie et la mère de Clotaire), une photographie soignée et plusieurs plans magnifiques et ce même quand il s'agit d'une usine. Mais il manque du souffle plus épique ou romanesque sur ces 2h45, et avec un budget énorme dont on a bien du mal percevoir sur l'écran. Au vu de ses précédents films, et du potentiel certain de ce projet on se dit que Gilles Lellouche a râté le coche cette fois-ci. Résultat, un drame ambitieux mais maladroit, à la mise en scène ampoulé, comme trop engoncé par ses références ou ses inspirations. Une grosse déception.

Note :  

11/20