Uranus (1990) de Claude Berri

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Grand nabab du cinéma français, producteur influent, grand réalisateur entre autre de "Un Moment d'Egarement" (1977), "Tchao Pantin" (1983) ou le dyptique "Jean de Florette" et "Manon des Sources" (1986), Claude Berri revient avec un drame hitsorico-social sur une période honteuse de l'Histoire française en adaptant le roman éponyme (1948) de Marcel Aymé. Il co-signe le scénario avec sa propre soeur, Arlette Langmann qui a débuté auprès de lui comme monteuse sur "Le Vieil Homme et l'Enfant" (1966) mais qui débuta en tant que scénariste pour "L'Enfance Nue" (1968) de Maurice Pialat, et signe donc là sa première collaboration d'écriture avec son frère. Le film reçu en majorité des critiques élogieuses malgré une légère polémique avec le journal Libération qui était évidemment et sans surprise très critique ce qui n'empêcha pas un joli succès en salles avec plus de 2,5 millions d'entrées France... 1945, dans une petite ville de France encore sinistrée la paix s'installe mais les rancoeurs et les secrets sont encore vivaces. Les règlements de compte sont encore à la mode d'autant plus quand un milicien se cache quelque part.

Le casting est prestigieux, parmi les meilleurs de leur génération sont à l'affiche, avec Jean-Pierre Marielle qui retrouve son réalisateur de "Le Pistonné" (1970) et "Sex-Shop" (1972), puis retrouve après "Que la Fête commence" (1975) et "Coup de Torchon" (1981) tous deux de Bertrand Tavernier puis "Tenue de Soirée" (1986) de Bertrand Blier son ami et partenaire Philippe Noiret, ainsi que pour "Que la Fête commence" (1975) deux autres acteurs avec Gérard Desarthe aperçu dans "La Guerre des Polices" (1979) de Robin Davis ou "Lacenaire" (1990) de Francis Girod, puis avec Michel Blanc qui retrouve aussi après "Tenue de Soirée" (1986) et "Les Fugitifs" (1986) de Francis Veber l'ogre Gérard Depardieu qui incarne la même année un certain "Cyrano de Bergerac" (1990) de Jean-Paul Rappeneau, qui retrouve Berri après "Jean de Florette" (1986), il retrouve aussi après "Le Choix des Armes" (1981) de Alain Corneau l'acteur Michel Galabru qui retrouve aussi Noiret après "Le Juge et l'Assassin" (1976) de Bertrand Tavernier, à l'instar de Ticky Holgado qui retrouve Noiret après "Les Ripoux" (1984) de Claude Zidi et Berri après "Manon des Sources" (1986), puis citons Myriam Boyer qui retrouve Depardieu après "Vincent, François, Paul... et les autres" (1974) de Claude Sautet et "Trop Belle pour Toi" (1989) de Bertrand Blier dans lequel était également Daniel Prévost, puis citons encore Fabrice Luchini vu entre autre dans "P.RO.F.S." (1986) de Patrick Schulmann ou "Conseil de Famille" (1986) de Costa-Gravas, Danièle Lebrun vue notamment dans "Erotissimo" (1968) de Gérard Pirès ou "Liberté, Egalité, Choucroute" (1985) de et avec Jean Yanne, puis enfin Florence Darel révélée la même année avec aussi "Conte de Printemps" (1990) de Eric Rohmer... Le film aborde un sujet tabou encore aujourd'hui et très peu traité finalement au cinéma ou à la télévision, à savoir le retour à la paix et la reconstruction mais parasité par la poursuite des délations ou dénonciations, les médisances et les calomnies où les uns et les autres se regardent encore en chien de faïence, avec dédain ou avec défiance. Ainsi on peut aussi faire le lien avec des films comme "Lacombe Lucien" (1974) de Louis Malle, "Au Bon Beurre" (1981) de Edouard Molinaro, "Un Héros très Discret" (1996) de Jacques Audiard.

La véritable réussite du film réside sur deux paramètres essentiels, d'abord un panel de personnages qui évite toutes les caricatures tout en étant représentatif d'une population exsangue après plusieurs années d'occupation, puis par un récit simple mais universel où toutes les tares d'une société blessée se révèlent. Ainsi l'hypocrisie, les rumeurs, les secrets, les diffamations et les lâchetés sont l'apanage de tous, mais il y a ceux qui se croient ou s'approprient le statut de héros, il y a les profiteurs de guerre, les résistants de la dernière heure, les collabos qui ont su nager en eaux troubles, puis les lâches conscient et lucides. Le portrait de cette France là fait mal, assurément, et pourtant le réalisateur évite tout spectaculaire ou tout image choc ainsi il évite le passage honteux mais démonstratif de l'épuration. Cette petite ville n'en est plus vraiment là, c'est résiduel mais tout aussi pernicieux. Les acteurs sont merveilleux et si authentiques, si pathétiques aussi ce qui n'empêche pas les émotions partagées. On notera la scène touchante où le patron de bar/Depardieu a la larme à l'oeil en suivant l'école dans son bistrot, la joie du même quand il a la révélation d'être un futur grand poète, on est touché par Noiret en grand naïf qui veut croire à son optimisme pour le futur du monde, on est mal à l'aise quand arrive le face à face entre le milicien et son voisin communiste, on savoure quand un autre communiste/Luchini fait une erreur aussi stupide que pathétique... Claude Berri signe avec ce film une histoire dans l'Histoire qui nous oblige à une sorte d'introspection pour un film difficile moralement, mais admirable et à voir absolument.

Note :                 

17/20