Salem (2024) de Jean-Bernard Marlin

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après le succès critique et public de son premier long métrage "Shéhérazade" (2018), le Jean-Bernard Marlin revient avec une seconde histoire à la "Roméo et Juliette" des cités Nord de Marseille. Le cinéaste explique : "Djibril, le héros du film, tente d'amener les autres vers la paix, alors qu'ils sont en pleine guerre entre quartiers. J'ai aussi choisi ce titre parce qu'il veut également dire : bienvenue, ou : bonjour en arabe. A Marseille, où se déroule Salem, on a tous des origines différentes. C'est vraiment un territoire d'émigrations avec de multiples façons de vivre. Quand j'étais enfant, mes copains étaient tous comme moi, la plupart d'origines étrangères. Ma mère est d'origine arménienne. J'avais un oncle gitan. Mon père était français, mais il a vécu dans une caravane très longtemps, c'est pour cela d'ailleurs que le motif de la caravane revient souvent dans le film." On peut aussi rappeler par contre que le cinéaste n'a pas été élevé par son père dont il a été séparé dès ses 8 ans, tandis qu'il précise que la guerre des gangs ont effectivement endeuillé la production dont deux personnes ayant passé les casting tués lors de règlements de compte ; rappelons aussi que l'acteur révélé dans "Shéhérazade" est un criminel condamné plusieurs fois depuis. La réalité dépasse la fiction. Le film est interdit au moins de 12 ans... 

Années 90 dans les quartiers Nord de Marseille, Djibril jeune comorien du quartier des Sauterelles est amoureux de Camilla, jeune gitane du quartier rival des Grillons. Lorsqu'elle lui dit être enceinte leur relation se complique, la communauté de l'un n'aide en rien, la communauté de l'autre n'est pas plus compréhensible. Mais quand un jeune ami se fait tuer Djibril est traumatisé par son inaction. Un conflit éclate et un nouveau drame emmène Djibril en prison d'où il ne sortira que douze années plus tard, avec la conviction qu'il a un don de guérison qui lui a été donné par dieu, et surtout avec l'envie d'assumer son rôle de père pour une enfant devenue une jeune ado... Le casting est composé d'acteurs amateurs débutants ou inconnus. Citons pour Djibril les acteurs Dalil Abdourahim à 14 ans, Oumar Moindjie à 26 ans, pour Camilla les actrices Maryssa Bakoum à 14 ans et Inès Bouzid à 26 ans, leur fille est incarnée par Wallenn El Ghabahoui. Citons un ami joué par Mohamed Soumare à 14 ans et par Rachid Ousseni à 26 ans, puis citons les acteurs Amal Issihaka Hali, Soilahoudine Ahamadi ou encore Anthony Krehmeier... Le film évoque donc une énième variation autour du mythe "Roméo et Juliette" dans un contexte particulier d'une actualité brûlante puisque jamais il n'y avait eu autant de règlements compte sanglant à Marseille qu'en cette année 2024. D'ailleurs le cinéaste confie : "Aujourd'hui, ce sont les deux communautés qui souffrent le plus dans les quartiers nord. Impossible de ne pas les représenter si on veut témoigner avec force de la réalité actuelle de la vie, dans cette partie-là de la ville. (...) Dalil Abdourahim et Maryssa Bakoum sont confrontés, comme leurs personnages Djibril et Camilla, à des situations sociales et familiales parfois difficiles. Ce sont dse adolescents qui dégagent eux aussi une grande part de maturité d'où l'on décèle encore quelque chose de l'enfance. Cela forme un contraste sidérant." Justement, vu ses déclarations, le soucis est malgré tout cette complaisance du réalisateur pour ses personnages, d'abord rappelons que toutes "les communautés qui souffrent" ne donnent pas des criminels et des quartiers de non-droits, et que non tomber enceinte à 14 ans, ou repartir en vendetta à sa sortie de prison ne sont en aucun cas des signes de maturité.

Néanmoins, le tournage dans les cités Bassens et Félix-Pyat donnent un aspect authentique du contexte urbain, et le style direct et réaliste du réalisateur assure une immersion sans fard dans les quartiers nord de Marseille. C'est au point par contre où il faut souffrir jusqu'à saigner des oreilles avec des dialogues aussi peu audibles que peu littéraux, des dialogues atroces mais réalistes et immersifs. Le récit prend finalement son intérêt dans le dimension mystique où la symbolique de la Sauterelle (symbole de réincarnation) va prendre toute son importance. Mais on s'interroge, les deux communautés sont si différentes et si imperméables,et puis soudain la frontière entre les religions devient poreuse et donc peu crédible. Notons aussi une partie judiciaire bancale (condamnée à 12 ans, mais en hôpital ?! sans compter le retour volontaire comme une lettre à la poste). On note aussi des détails qui semblent avoir leur importance mais qui sont finalement occultés ensuite surtout autour du personnage de Camilla (qui devient sous-exploitée, malgré des stigmates physiques notamment). En conclusion un second film qui soufre logiquement de la comparaison avec son premier film tant il en reprend les codes et les thématiques, l'immersion est certaine mais le manque d'empathie pour les protagonistes restent un frein à toute émotion. 

Note :                 

09/20