Fantomas (1932) de Paul Fejos

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Une adaptation méconnue, sans doute la plus méconnue, du héros masqué créé par Pierre Souvestre et Marcel Allain en 1910-1913 pour un succès littéraire énorme à l'époque qui amena aux premiers films éponyme (1913-1914) de Louis Feuillade. Plus tard il y aura le "Fantomas" (1947) de Jean Sacha, "Fantomas contre Fantomas" (1949) de Robert Vernay, et évidemment le formidable succès populaire de la trilogie "Fantomas" (1964-1967) de André Hunebelle. Les producteurs, parmi lesquels Charles David qui était derrière "La Chienne" (1931) et "On Purge Bébé" (1931) tous deux de Jean Renoir et accessoirement futur époux de la star hollywoodienne Deanna Durbin, ont profité de la présence en France de Paul Fejos, réalisateur hongrois auréolé des succès de "Solitude" (1928) et "L'Amour à l'Américaine" (1931), pour lui proposer de prendre les commandes d'une nouvelle adaptation d'une aventure du bandit cagoulé. Paul Fejos co-signe également le scénario avec Anne Mauclair qui écrit entre ses deux autres scénarios "Le Chanteur de Séville" (1931) de Ramon Novarro et Yvan Noé puis "Maison Hantée" (1933) de Roger Cappelanimu. Ce nouveau film est surtout la première adaptation parlante des aventures de Fantomas... Dans son château, alors hôtesse de plusieurs invités, la marquise de Langrune est assassinée par Fantomas qui lui dérobe une somme de un million de francs. L'inspecteur Juve est étonnamment prévenu et arrive prématurément sur les lieux mais l'enquête ne fait que commencer... 

Fantomas est incarné par Jean Galland vu plus tard dans "Madame de..." (1953) et "Lola Montès" (1955) tous deux de Max Ophüls, il retrouvera plus tard dans "La Tête contre les Murs" (1959) de Georges Franju son adversaire l'inspecteur Juve interprété par Thomy Bourdelle vu cette même année dans "Le Testament du Docteur Mabuse" (1932) de Fritz Lang. Citons Tania Fédor vue dans "Si l'Empereur savait ça" (1930) de Jacques Feyder ou plus tard dans "Les Inconnus dans la Maison" (1942) de Henri Decoin ou "Lucrèce Borgia" (1952) de Christian-Jaque, Jean Worms vu dans "Cadoudal" (1911) de Gérard Bourgeois, "Le Roi de la Mer" (1917) de Jacques de Baroncelli puis "Gribouille" (1937) de Marc Allégret, Georges Rigaud qui aura une fin de carrière très italienne entre western spaghetti et Giallo comme "Avec Django, ça va Saigner" (1968) de Paolo Bianchini ou "Le Venin de la Peur" (1970) de Lucio Fulci, Gaston Modot un des grands seconds rôles du cinéma français dans pas moins de 330 films entre "L'Enfant du Chercheur d'Or" (1909) de Jean Durand à "L'Itinéraire Marin" (1962) de Jean Rollin, il croisera souvent son partenaire Roger Karl qui débuta dans "Cyrano de Bergerac" (1909) de Jean Durand et vu plus tard dans "L'Argent" (1928) de Marcel L'Herbier ou "Boule de Suif" (1945) de Christian-Jaque, Maurice Schultz vu dans "La Passion de Jeanne d'Arc" (1928) et "Vampyr" (1931) tous deux de Carl Theodor Dreyer, Philippe Richard vu notamment dans "La Femme Nue" (1926) de Léonce Perret ou "Café de Paris" (1938) de Yves Mirande, Georges Mauloy vu dans "Liebelei" (1933) de Max Ophüls, "L'Assassinat du Père Noël" (1941) et "La Symphonie Fantastique" (1941) tous deux de Christian-Jaque, puis Paul Azaïs vu la même année dans "Les Croix de Bois" (1932) de Raymond Bernard et qui retrouvera le criminel masqué dans "Fantomas contre Fantomas" (1949)... Le film débute dans un château dans la nuit et sous l'orage, instaurant d'emblée une atmosphère mystérieuse, voir gothique entre "La Chute de la Maison Usher" (1928) de Jean Epstein et les futures production de la Hammer. L'ambiance est au tragique, entre le drame entre Film Noir qui dénote avec l'onirisme et la fantaisie de Louis Feuillade, et qui reste singulier par rapport aux futurs films dont la comédie populaire de André Hunebelle des sixties. Cette adaptation reste sérieuse dans son traitement avec une violence inédite pour le genre.

Le scénario surprend, car après avoir instauré un climax énigmatique en huis clos voici, qu'en quelques twists et rebondissements, l'enquête prend l'air avec une étonnante séquence de courses automobiles tragiques qui donne de l'ampleur à un récit jusqu'ici légèrement figé. Le film est encore engoncé par un style hérité du Muet, une théâtralité qui passe en huis clos car correspond à la scène, mais reste plus problématique quand l'histoire bouge entre les lieux et multiplie l'action. Le scène de confrontation avec la bagarre est symptomatique de l'ensemble, un peu bancal car oscille entre l'audace et la maladresse. La bagarre reste nerveuse et violente (pour l'époque) et on sourit dans le même temps quand un tir de pistolet fait quatre impacts. Le film se démarque encore jusque dans le dernier acte, avec une conclusion rythmée comme un dernier coup de panache qui évite le happy end de belle manière. En conclusion sans l'adaptation de Fantomas la plus singulière, la plus originale malgré ses maladresses et ses changements de ton. A voir.

Note :                 

13/20