Convertir l’exposition en actions

Par William Potillion @scenarmag

Convertir l'exposition en action est essentielle. En effet, ce qui a recours à des éléments hors du présent du récit, comme le sont les analepses qui sont indicatives du passé des personnages ou bien les références à des événements d'avant le début du récit, ont la désagréable habitude de le ralentir. Le présent, voyez-vous, on peut dire de lui qu'il est la trame du récit qui se prolonge vers l'avant, alors que des éléments contextuels nécessaires à la compréhension du récit se comportent plutôt comme des fils de chaîne interrompant le mouvement de la trame.

Convertir ces éléments d'exposition en actions sensibles et en moments qui participent de l'élan de l'intrigue assure de conserver l'attention du lecteur/spectateur et surtout de créer une expérience qui a pour effet une réponse émotionnelle chez celui-ci. Ou, dit autrement, vous le ferrez dans votre récit.

Commençons par repérer dans le récit toutes les informations utiles qui permettent de le comprendre. Comme je l'ai dit, ce sont les analepses, la nature des relations qui existent entre les personnages, les événements historiques ou sociaux qui servent à inscrire l'intrigue dans un contexte dont elle a besoin pour avoir véritablement du sens.

La seconde étape consiste à trouver le moyen de les incarner. Par exemple, dans A most violent year (2014) de J.C. Chandor, c'est à travers une situation conflictuelle très prononcée entre Abel et Anna que celle-ci nous révèle, à notre grande surprise et à celle d'Abel, son implication dans l'univers mafieux. Anna ne se lance pas dans un monologue qui viendrait rompre la tension ; c'est par des reproches et des sous-entendus qu'elle fait remonter ces informations.
Et pour demeurer dans l'action présente, ces révélations sont possibles parce qu'Anna est poussée dans ses retranchements par les circonstances actuelles. Notez, ici, l'importance de la relation qui justifie cette scène d'affrontement. Il faut que nous justifions les scènes que nous écrivons pour qu'elles figurent logiquement dans un tout cohérent.

Dans The Card Counter de Paul Schrader, Wiliam emmène Cirk dans une chambre d'hôtel méticuleusement arrangée, révélatrice de ses routines de vie et de son obsession pour la discipline (un élément clef de la relation entre William et Cirk). Dans le cours de cette séquence, William laisse échapper quelques informations sur sa culpabilité vis-à-vis de crimes de guerre et que c'est par un contrôle strict de ses émotions qu'il parvient à gérer son traumatisme.
Jamais William ne parle ouvertement de ces moments de sa vie, mais son attitude et ses propos libèrent par parties des traces de son passé, aidé en cela par la présence de Cirk en appuyant sur la relation de mentor entre William et Cirk.

Le contexte de la scène a donc son importance quand il s'agit de donner de l'information. Qu'il soit une chambre dépouillée ou un objet symboliquement chargé, il est très souvent plus dramatique qu'un long monologue explicatif. Dans Locke (2013) de Steven Knight, c'est la voiture. Elle marque l'isolement nécessaire de Locke pour sa prise de conscience. Le contexte de la voiture et les détails de celle-ci enrichissent les échanges et renforcent l'impact dramatique des révélations.
DansLa vie rêvée des anges (1998) de Érick Zonca, Isa découvre le journal intime d'une jeune fille. Par le moyen du journal et la relation qu'Isa entretient avec lui, des informations et des émotions nous sont communiquées sans alourdir les scènes de dialogues qui dilueraient dans ce cas l'efficacité des situations.

Et si nous avons besoin d'une analepse, alors chargeons-la avec émotion ou conflit, sinon l'analepse ne sera qu'empruntée au passé du personnage sans que celui-ci ait une importance dans le présent de l'intrigue.