Les Bronzés (1978) de Patrice Leconte

Le film est adaptée d'une pièce de théâtre de la troupe du Splendid, alors petite troupe de café-théâtre qui pousse des coudes à Paris. Mais l'idée d'une adaptation cinéma vient de Yves Rousset-Rouard, producteur heureux du succès mondial "Emmanuelle" (1974) de Just Jaeckin, et oncle de Christian Clavier membre du Spendid. En effet, séduit par leur pièce "Amour, Coquillage et Crustacé" (1977) qui était inspiré par leur expérience en tant qu'animateur en camp de vacances et par le succès des Club Mad, il propose de produire le film et pense d'abord à une tête d'affiche avec Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle mais aussitôt Christian Clavier et ses potes mettent le holà car ils veulent que l'histoire reste leur bébé et que, de surcroît, ils ont déjà le réalisateur qu'il désire, à savoir un certain Patrice Leconte qui vient de réaliser son premier long métrage avec "Les vécés étaient fermés de l'Intérieur" (1977) dans lequel apparaît subrepticement le Splendid Gérard Jugnot. Le producteur refuse et tente d'imposer d'autres réalisateurs plus connus mais la troupe tient bon et réussit à imposer leur réalisateur et l'idée même, inédite et originale, d'être tous leurs propres scénaristes ; cette idée est loin d'être anodine, en effet chaque membre était chargé d'écrire pour son propre personnage, la complicité entre eux permit de créer des rebondissements et des improvisations plus naturelles. Quand l'idée du film se fit connaître le projet déplu au PDG du Club Med qui refusa l'assistance au tournage, ce qui poussa à trouver un petit village de Côte d'Ivoire, Assouindé qui inspira ainsi la chanson "Bienvenue à Galassouinda". Le succès est immédiat avec plus de 2,3 millions d'entrées France, qui permit surtout à la troupe typiquement parisienne de devenir populaire au niveau national. Le succès est tel que le producteur Yves Rousset-Rouard souhaite créer une franchise sur le nom Splendid à la façon des Charlots mais la troupe est très réticente à l'idée mais soumis à un contrat la troupe va devoir assumer la suite "Les Bronzés font du Ski" (1979). La suite sera heureuse quoi qu'il en soit, le film va devenir une des comédies françaises les plus cultes avec des succès lors des futures  diffusions télé qui ne se démentiront jamais jusqu'à suivre de génération en génération... 

Un groupe de touristes arrive en catastrophe à leur village vacances en Afrique. Tous sont bien décidés à profiter au maximum de leurs vacances, chacun ayant des buts ou des envies différentes. Ainsi on suit les aventures tragi-comiques de ces touristes mais aussi de leurs animateurs... On retrouve donc tous les membres "officiels" de la troupe, tous également co-scénaristes, avec Christian Clavier, Gérard Jugnot, Marie-Anne Chazel, Thierry Lhermitte, Josiane Balasko, Michel Blanc et Bruno Moynot, qui ont tous déjà tourné dans des films mais jusqu'ici dans des rôles secondaires voir tertiaires comme "Que la Fête commence..." (1974) de Bertrand Tavernier (Blanc, Clavier, Jugnot et Lhermitte), "L'Aile ou la Cuisse" (1976) de Claude Zidi (Chazel et Moynot) ou "Le Locataire" (1976) de Roman Polanski (Blanc, Jugnot et Balasko). Ils sont accompagnés de fidèles camarades, Martin Lamotte ami proche de Coluche et puis du Spendid tous se rencontrant notamment sur "L'An 01" (1973) de Jacques Doillon ou sur "Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine" (1977) de et avec Coluche dans lequel joue aussi Luis Rego ancien du groupe Les Charlots qu'il a quitté après le film "Les Bidasses en Folie" (1971) de Claude Zidi, Dominique Lavanant qui apparaît déjà dans quelques succès comme "Les Galettes de Pont-Aven" (1975) de Joel Seria et "Calmos" (1976) de Bertrand Blier d'ailleurs tous deux avec Jean-Pierre Marielle, puis est engagée pour la pièce "Amour, Coquillage et Crustacé" (1977) qui lui permet de poursuivre l'aventure sur grand écran, Guy Laporte alors réellement GO au Club Med où il a connu ses potes du Spendid qui lui réserve le rôle de chef du village, l'entente est si bonne qu'il continuera sa carrière essentiellement avec pour et par les membres du Splendid, Michel Such qui rencontra Michel Blanc sur "La Meilleure Façon de Marcher" (1975) de Claude Miller et Patrice Leconte sur "Les vécés étaient fermés de l'Intérieur" (1977), puis enfin n'oublions pas Michel Creton aperçu dans "Un Homme de Trop" (1967) de Costa Gravas, "La Voie Lactée" (1969) de Luis Bunuel ou "Max et les Ferrailleurs" (1970) de Claude Sautet... Le film débute de façon assez géniale reprenant les arrivées catastrophes avec aléas météorologiques en prime plus vraies que nature, mais ce qui est fort c'est qu'en quelques minutes on a aussi une présentation exhaustive de tous les personnages principaux soit une dizaine. On constate alors une des points forts du film à savoir près d'une dizaine de rôles principaux et pratiquement tous sur un pied d'égalité, aucun ne se démarque réellement. Le travail d'écriture à plusieurs mains, au chacun des membres du Splendid scénariste se focalisant sur leur propre personnage s'avère une belle réussite. La suite va encore le démontrer, ainsi les 7-8 personnages principaux ont un même traitement concernant leur importance sur le récit, sur le temps de présence à l'image ou sur les effets gags et sur la diffusion des répliques.

Le rythme est soutenu, les interactions nombreuses permettent une belle fluidité, les gags sont nombreux qu'efficaces, avec une collection importante de répliques cultes, de situations aussi cocasses que beaufs mais toujours drôles voir hilarantes. Certaines situations paraissent incongrues quasiment malgré eux comme la scène avec les algues (anecdote connue, pas d'algues en Côte d'Ivoire il a fallu en ramener de Bretagne !), ou quand de véritables touristes sont en arrière plan sont hors narration. La comédie offre une succession de gags assez inouïe jusqu'à ce twist qui paraît alors comme un cheveu sur la soupe. Un deuil tragique qui casse le rythme comme le récit et qui annonce malheureusement la mode qui existera surtout à partir des années 2000 cette propension idiote de l'instant émotion, la séquence forcément tragique et/ou intime où il faut oublier de faire rire. C'est le gros point faible du film, 5mn quasi hors sujet. Mais les vacances reprennent heureusement avec son lot de répliques ciselées pour nos zygomatiques comme "Je précise que je peux être charmante ailleurs qu'aux sanitaires !", "Il a un malaise le peignoir ?" ou "Au bout de 48 heures elle a décidé qu'on se séparait d'un commun accord.". Notons que le fond de l'histoire repose aussi sur la misère sexuelle et/ou la solitude. La comédie est logiquement culte et reste à voir, à revoir toujours avec le même plaisir. 

Note :                 

Bronzés (1978) Patrice LeconteBronzés (1978) Patrice LeconteBronzés (1978) Patrice LeconteBronzés (1978) Patrice Leconte

17/20