Miséricorde

Miséricorde

Du thriller à la farce

Jérémy revient dans le village où il a travaillé comme boulanger pour l’enterrement de son ex patron. Il doit rester quelques heures mais va finir par rester quelques jours… ou pas. C’est un des nombreux mystères de ce film. Sa construction autour de rêves, durant des nuits aux événements étranges pouvant faire penser à une forme de rêve en continu voire de boucle temporelle, participe grandement à l’étrangeté qui s’en dégage. Dans ce petit village tout le monde se connait, et le spectateur ne croisera que six personnages dont un abbé plus bizarre que les cinq autres, toujours présent là où personne ne l’attend. Ce court séjour prend alors une tournure très inattendue.

Ce film est drôle, et donc aussi décalé qu’halluciné. Alain Guiraudie prend de grandes libertés avec les conventions narratives dans la construction de cette comédie aux ressors dramatiques avec cette habitude d’être là où on ne l’attend pas ; comme l’abbé de son film. Le film est déconcertant car il ne cède en rien à la facilité ; ses acteurs, sa mise en scène et son scénario y participent amplement. En mettant en présence des hommes murs et de beaux jeunes hommes, on sait qu’avec Guiraudie, il y aura anguille sous roche. Mais là, il a bon ton de ne pas faire de l’homosexualité l’alpha et l’oméga de son film, il complexifie au maximum les relations humaines ; histoires tordues sans érotisation excessive. Les recoins de l’âme de chaque personnage que le spectateur tente de sonder sont bien souvent vouées à rester mystérieux. Le film se veut dérangeant par la savoureuse ambiguïté entretenue de bout en bout, jusqu’à un crescendo final qui peut perdre le spectateur. Car on est bien dans du cinéma inclassable de par sa dose de surnaturel lui donnant des accents de thriller fantastique rural ; comme si Chabrol avait fricoté avec Bunuel.

Assurément un film français majeur de 2024 mais qui déconcertera un public non averti.

Sorti en 2024

Ma note: 15/20