Honorée par le Prix Spécial du Jury à Venise avec ce film. En 1991, je découvrais Agnieszka Holland, alors que je n’étais encore qu’un jeune cinéphile en devenir, avec « Europa Europa ». Et on peut lui reconnaitre une chose ; malgré le temps, sa capacité d’indignation et son esprit de révolte sont toujours aussi verts. En s’attaquant de manière frontale au sort fait aux migrants à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie ; elle s’est mise à dos le gouvernement de son propre pays mais a permis de faire prendre conscience aux européens comment des êtres humains peuvent servir de moyens de pression dans une nouvelle forme de guerre froide. C’est aussi passionnant que terrifiant. Son crédo a toujours été de s’attaquer à des épisodes tragiques de l’Histoire, essentiellement dans l’Est européen, mais c’est bien la première fois qu’elle frappe aussi fort avec un film sur un sujet d’actualité. Elle pose une question essentielle : que fait-on de ces flux de migrants fuyant la misère et la guerre arrivants à la frontière de l’Europe ? La réponse est donnée clairement, traitons les a minima humainement. Ensuite elle pose une seconde problématique ; ils sont une monnaie d’échange et un moyen de pression sur les démocraties qu’utilisent des Etats autoritaires ; ici la Biélorussie. Comment l’Europe y répond-elle ? Ici, on est en Pologne, mais ce sont tous les Etats au pourtour de l’UE qui sont concernées par la gestion de ces humains en détresse ; quelle est la solidarité entre Etats de l’UE ? Et elle traite tous sujets sans apporter de question mais avec une très grande rigueur morale et la charge est puissante quasi déflagratrice car elle montre au combien le système est cynique, au combien nous sommes tous complices, au combien la responsabilité du drame est collective. Sans manichéisme, par un éclatement des points de vue, elle fait une analyse structurelle du phénomène en ne nous mettant pas uniquement du côté des victimes mais de tout le microcosme environnant (garde-frontière, policiers, mouvement citoyen humaniste, citoyen lambda,…).
Pour toutes ces raisons on ne peut que défendre ce film coup de poing, même si Agnieszka Holland, comme dans d’autres films surlignent un peu trop ses intentions. Cette démonstration passe donc bien trop souvent par un manque de nuance conduisant à une forme de démonstration impudique.
De fait, on peut avoir des réserves mais défendre malgré tout ce film pour le message humaniste qu’il porte haut et fort. Et l'absurdité des barrières anti migrants à la mode auprès des populistes de nos démocraties.
Sorti en 2024
Ma note: 13/20