Il était une fois, dans un grand bois, un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne. Le froid, la faim, la misère, et partout autour d´eux la guerre, leur rendaient la vie bien difficile. Un jour, pauvre bûcheronne recueille un bébé. Un bébé jeté d'un des nombreux trains qui traversent sans cesse leur bois. Protégée quoi qu'il en coûte, ce bébé, cette petite marchandise va bouleverser la vie de cette femme, de son mari, et de tous ceux qui vont croiser son destin, jusqu'à l'homme qui l'a jeté du train. Leur histoire va révéler le pire comme le meilleur du cœur des hommes.
C'est un film tourné vers la vie nous dit son réalisateur Michel Hazavanicius. Et comme tout ce que fait le cinéaste, depuis cette jouissive grosse blague qu'est La Classe américaine en 1993 jusqu'au chef-d'œuvre oscarisé The Artist (2011), qu'il touche aux rires ou aux larmes, la justesse des émotions est toujours chez lui clinique. En adaptant ici le récit éponyme de Jean Claude Grumberg, paru aux éditions du Seuil en 2019, c'est une juxtaposition de deux immenses talents. Autant des conteurs que des créateurs. Leur complicité familiale nourrit l'aspiration d'un film qui se destine autant aux adultes qu'aux enfants, car les enfants, il ne faut ni les traumatiser ni leur mentir. Ici, Michel Hazavanicius étend encore son registre avec le support de l'animé et réussit à nous offrir un chef-d'œuvre qui nous laisse au-delà même du bouleversement, sonnés et profondément marqués. Ce que nous dit La plus précieuse des marchandises est que les enfants sont nos seuls dieux. On est avec le bébé tout le temps, et cette plus précieuse des marchandises va changer le regard du bucheron et de l'humanité toute entière. C'est ce contraste saisissant entre la deshumanisation dans sa pire expression et le conte dans sa candeur jamais naïve qui va nous serrer le cœur. C'est l'innocence du regard de l'enfant, de ses rires, de ses pleurs, qui devrait fendre les cœurs des pires dictateurs. Cette plus précieuse des marchandises devrait être la solution. Car elle nous ramène à l'universalité de notre condition. Oui les enfants sont nos seuls dieux. C'est l'amour d'une mère. Le courage porte toujours le nom de la mère. Cette inconditionnalité folle de l'amour filial. Le plus pur, le plus doux, le plus inaltérable. A partir du moment où pauvre bucheronne va entendre près des rails le premier cri du bébé, alors c'est le sien, c'est un amour qui irradie son corps, qui la rendra louve et le début d'un amour envahissant et éternel.
Toujours ce contraste entre la pureté des émotions du bébé, surtout quand elle ne comprend pas la cruauté sans limite de certains hommes. C'est aussi ici que La plus précieuse des marchandises touche à la grâce. Un peu comme dans La vie est belle (1997) de Roberto Benigni avec ce constant contraste entre la pureté des codes de l'enfance et la pire des tragédies planétaires. Nous sommes pourtant tous des enfants, mais tant d'hommes l'oublient. Et cette voix de Jean Louis Trintignant qui nous caresse, et comme un effet d'outre-tombe, mais aussi sublime qui nous ramène à l'histoire même du cinéma. Un narrateur qui nous prend à témoin de l'atrocité, qui dans La plus précieuse des marchandises n'est pas niée. Car quand nous entrons dans le camp, avec le support de l'animé dans la représentation des corps de 27 kilos, ou la distinction entre vivant et mort n'est plus, l'ignominie est d'une telle dimension que la salle de cinéma est envahie d'un de ces silences glaçants que l'on n'oubliera jamais. Le silence et les sons, celui de la neige sur l'eau, des ailes du corbeau, et surtout des rires d'enfants.
Certains sons silencieux dont l'intensité n'est pas sans nous rappeler le glaçant La zone d'intérêt (2023) de Jonathan Glazer. Julien Grande, son directeur artistique fait le reste pour nous offrir un esthétisme épuré, qui n'en fait jamais trop dans les effets, venant accentuer une forme d'authenticité, tout en nous installant dans la poésie d'un conte. Michel Hazavanicius a créé lui-même la bible graphique et le dessin des personnages, puis le génie de
Il y a bien sûr Jean Louis Trintignant pour son dernier rôle, aveugle quand il a prêté sa voix, qui rend sa narration comme encore plus intense, jamais chevrotante ou moraliste, mais dans la justesse d'une humanité qui incarne encore un mince espoir. Il est entouré de très grands acteurs, notamment de théâtre, avec les immenses Grégory Gadebois et Denis Podalydès, qui donnent aux justes parmi les justes une couleur chaude et puissante. Les sans cœurs ont un cœur nous crie le pauvre bucheron, tant il va aimer les mains de la plus précieuse des marchandises qui fouillent dans sa barbe. Cette image, de celui qui se convertit à l'amour et à la vie par le regard éternel de l'enfance, nous donne encore un peu foi dans une humanité qui pourtant ici, tout près, continue à se mourir, et qui perpétue des monceaux de cadavres. La plus précieuse des marchandises demeure cette ode à la vie, d'une puissance pourtant simple qui touche au cœur. Il faut courir dans les salles, car plus rien ne sera comme avant.
Titre Original: LA PLUS PRÉCIEUSE DES MARCHANDISES
Réalisé par: Michel Hazanavicius
Casting : Jean-Louis Trintignant, Dominique Blanc, Denis Podalydès ...
Genre: Animation, Drame, Historique
Sortie le : 20 novembre 2024
Distribué par: StudioCanal