De Michel Hazanavicius
Avec Jean-Louis Trintignant, Dominique Blanc, Gregory Gadebois
Chronique : Il était une fois une pauvre bucheronne… C’est par le biais singulier du conte animé que Michel Hazanavicius évoque la Shoah dans son nouveau film, donnant à l’espoir suscité par cette fable une portée universelle, alors même qu’elle se déroule au cœur des heures les plus sombres de notre histoire moderne.
Son graphisme au trait simple et épais confère à La Plus Précieuse des Marchandises une identité très marquée. L’animation vaporeuse est d’une grande élégance, suggestive mais aussi étonnement expressive. Les sentiments transpercent les regards alors que les jeux de lumière subliment les décors, notamment cette imposante forêt enneigée. La direction artistique soigne également son empreinte sonore, avec une superbe partition musicale signée Alexandre Desplat et un casting de voix très chic (Isabelle Carré, Gregory Gadebois et le regretté Jean Louis Trintignant en narrateur).
A son échelle, ce couple de bûcherons modeste est un modèle d’héroïsme et symbolise les justes, ceux qui d’une manière ou d’une autre, par de petites ou grandes contributions, ont lutté contre la barbarie. Cette femme en recueillant cette enfant et en l’élevant comme la sienne, cet homme en l’acceptant malgré ce qu’on lui a appris des « sans cœur ».
Ce ne sont pas les seules, cette histoire est une succession de petits gestes héroïques qui n’ont l’air de rien, de mains tendues qui peuvent donner fois en une humanité capable de surmonter les préjugés et les croyances. Car autour d’eux, le monde dévoile son pire visage, un visage monstrueux déformé par la haine de l’autre.
Pendant la majeure partie du film, Hazanavicius joue sur la force du symbole et de la parabole pour imposer une dénonciation claire et puissante de l’antisémitisme et de toute forme d’ostracisation. Dans le dernier tiers, il abandonne la suggestion pour montrer plus concrètement l’innommable, racontant crument la déportation et les camps de concentration. Le réalisateur a alors tendance à sur-appuyer son propos, le pensant sans doute adouci par le dessin. Il s’attarde longuement sur les visages hagards dans les trains de la mort, répète la routine des déplacements de cadavres par les prisonniers, montre les corps et les visages décharnés. Ce choix artistique peut prêter à débat, tout comme les dernières phrases du narrateur. Cela n’entache cependant en rien la portée universelle de son message. S’il n’est « qu’un conte », La Plus précieuse des Marchandises nous rappelle aussi à un essentiel devoir de mémoire. Tout en étant une ode vibrante à la tolérance.
Synopsis : Il était une fois, dans un grand bois, un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne.
Le froid, la faim, la misère, et partout autour d´eux la guerre, leur rendaient la vie bien difficile. Un jour, pauvre bûcheronne recueille un bébé. Un bébé jeté d’un des nombreux trains qui traversent sans cesse leur bois. Protégée quoi qu’il en coûte, ce bébé, cette petite marchandise va bouleverser la vie de cette femme, de son mari , et de tous ceux qui vont croiser son destin, jusqu’à l’homme qui l’a jeté du train. Leur histoire va révéler le pire comme le meilleur du cœur des hommes.