Nevenka Fernandez est jeune, jolie, ambitieuse, intelligente et talentueuse. Le maire de Ponferrada (Espagne) jette son dévolue sur la jeune femme qui s’en saisit. Honorée d’être choisie pour ses qualités professionnelles et très vite poussée au prestigieux poste de chargée du budget au conseil municipal, elle se donne à 100% à sa mission. Mais le maire n’a pas que des ambitions politiques pour elle, il en aimerait plus, beaucoup plus ; et quand elle s’oppose, la machine à broyer se met en route contre la jeune femme. Personne ne s’oppose au maire, tout le monde connait son fonctionnement, mais être dans la sphère proche de cet homme influent nécessite de fermer les yeux ; hommes et femmes compris. La jeune Nevenka est aussi victime de ce qu’elle est : ambitieuse et pas habituée à l’échec. Sans cesse, elle voudra prouver qu’elle est à la hauteur de sa mission, qu’elle n’est pas défaillante et que le procès en incompétence qui lui est fait est injustifié ; jusqu’à y laisser sa santé.
Iciar Bollain dissèque avec minutie et une précision d’orfèvre la mécanique du harcèlement moral et sexuel. Un crescendo en forme de thriller porté par les mécanismes insidieux de la manipulation d’un homme puissant. Toute cette première partie est un cas d’école qui fait froid dans le dos par sa sécheresse. Dès la première scène, nous sommes sur le dos du prédateur, le ton est donné par une belle idée de mise en scène.
La seconde partie plus académique se concentre sur le procès. Nous sommes dans l’ère pré #MeToo où l’opinion publique inverse les rôles de coupable et de victimes. L’opinion collective opte pour un facile et classique « Elle doit bien y être pour quelque chose dans cette histoire », elle ne parvient même pas à avoir le soutien de ses parents. Se soustraire à l’emprise parait alors facile de l’extérieur ; mais dès lors que l’on a vécu la première partie avec Nevanka, on a bien pris conscience au combien le quotidien est destructeur. Surtout quand l’homme est influent et joue sans cesse de son pouvoir. On comprend aussi pourquoi aujourd’hui certaines affaires éclatent plusieurs années après les faits : difficile d’attaquer le pouvoir et l’aura que portent certains ; ceci créé une sorte d’impunité tacite. Au cours du procès, la stigmatisation des victimes, l’indécence des questions posées, la ligne de la défense sont ignobles. On ose espérer qu’aujourd’hui, en quelques décennies, la parole des victimes sans être sacralisée n’est pas démontée à ce point. Ce procès bien qu’académique est terrible.
Un film témoin, symbole d’une époque ; utile, n’espérons pas, car on veut croire en une parole des femmes prise en compte à ce jour.Sorti en 2024Ma note: 16/20