A ne pas confondre avec "Rabia" (2010) de Sebastian Cordero. Premier long métrage de l'allemande Mareike Engelhardt après avoir été assistante sur divers tournage dans les années 2010 et plus récemment scénariste sur la série TV "Parlement" (2023-...). L'idée du film a vraiment germé en 2016 après sa rencontre avec Sonia, une jeune femme qui venait de rentrer de Syrie après plusieurs mois passés au sein de l'Etat Islamique. Son histoire a aussi fait écho à son passé allemand comme elle l'explique : "Sonia avait 17 ans quand elle s'est radicalisée, le même âge que mes grands-parents quand ils ont rejoint les rangs de la jeunesse hitlérienne puis de la SS, aveuglés par une idéologie fondée sur des systèmes de pensées similaires à ceux des organisations terroristes comme l'Etat Islamique (...) Cette ombre familiale me poursuit depuis et mon questionnement sur la fascination du mal est devenu le fil rouge de mon travail." Par là même, la cinéaste a aussi vu le parallèle entre les "mafadas" (maisons de femmes en vue d'être mariées à un combattant de Daech) et les "Lebensborn" (pouponnières nazies à la gloire de la "race aryenne"). D'ailleurs le personnage de Madame est directement inspirée de la marocaine Fatiha Mejjati dite Oum Adam qui a dirigé l'un des plus grandes mafadas de l'Etat Islamique à Raqqa. La réalisatrice-scénariste co-signe son scénario avec Samuel Doux fidèle de Cédric Kahn notamment sur ses films "La Prière" (2018), "Fête de Famille" (2019) et "Making Of" (2023), pui splus récemment co-scénariste du film "Niki" (2024) de Céline Sallette. La cinéaste a également engagé comme consultantes Céline Martelet et Edith, deux expertes du djihadisme féminin...
Poussée par les promesses d'une nouvelle vie plus heureuse, Jessica, une jeune française de 19 ans part pour la Syrie et rejoint Daesh. Arrivée à Raqqa elle intègre une maison de futures épouses de combattants et se retrouve vite prisonnière sous la direction de celle qu'on nomme Madame, charismatique et intransigeante directrice des lieux... La jeune Jessica est interprétée par Megan Northam aperçue dans "Les Passagers de la Nuit" (2022) de Mikhael Hers ou "Fifi" (2023) de Jeanne Aslan et Paul Saintillan. Madame est incarnée par Lubna Azabal vue dernièrement dans "Le Bleu du Caftan" (2022) de Maryam Touzani, "L'Air de la Mer rend Libre" (2023) de Nadir Moknèche ou surtout "Amal : un Esprit Libre" (2023) de Jawad Rhalib. Parmi les autres femmes promises citons Natacha Krief vue dans "Tu choisiras la Vie" (2023) de Stephane Freiss et "La Nuit se traîne" (2024) de Michiel Blanchart, Lena Lauzemis apparue dans "Herbert" (2021) de Thomas Stuber ou "A Pure Place" (2021) de Nikias Chryssos, les jeunes soeurs et débutantes Klara et Maria Wöedermann, puis Christine Gautier vue dans "Teddy" (2020) et "L'Année du Requin" (2022) tous deux des frères Zoran et Ludovic Boukherma. Et enfin n'oublions pas l'homme joué par Andranic Manet apparu dans "Vacances" (2022) de Béatrice De Staël et Léo Wolfenstein ou "Première Affaire" (2024) de Victoria Musiedlak... Les films sur les jeunes occidentaux qui voient soudain comme des martyrs sont légion, l'embrigadement terroriste est un terreau fertile quand il s'agit des hommes mais il faut avouer que le destin des femmes soumises à l'Islam, la charia et surtout à leur moudjahidin est un sujet plus rare. Vite fait nous conseillons surtout "Le Choix de Luna" (2011) de Jasmila Zbanic et "Le Ciel Attendra" (2016) de Marie-Castille Mention-Schaar. Mais avec ce film Mareike Engelhardt s'enfonce bien plus loin dans la problématique notamment grâce au contexte géographie, le voyage est d'abord assumé et assuré vers le paradis selon Allah. Si on a bien du mal à comprendre ces jeunes femmes en général, où comment chercher une "liberté" dans une charia résolument anti-féministe pour ne pas dire archi-misogyne ?! Dans les deux films sus-cités on a une approche en amont qui nous permet d'apprendre et de comprendre le cheminement de leurs héroïnes respectives, mais dans ici Rabia débute quasiment au départ pour Raqqa (Syrie). On entre dans le vif du sujet sans avoir pu en savoir plus sur ces jeunes femmes, sans avoir pu un temps soit peu s'y attacher.
Le film est donc en quasi huis clos, dans une sorte de maison close à la gloire de Allah, ou plutôt à la gloire de ses soldats. Ce qui frappe c'est toute la soumission acceptée par toutes ses jeunes femmes, pas une ne semble choquée par ce qui leur est demandé, pas une n'apporte un minimum de réflexion et la seule, Jessica rebaptisée Rabia/Northam, qui tente une rébellion est assez stupide pour croire qu'elle sera une seconde épouse vierge qui sera de surcroît laissée pure, réservée pour être simple boniche ?! On croit rêver... Mais pourquoi pas, il faut y croire, la preuve il en existe des milliers et des millions qui rêvent d'obéir au doigt et à l'oeil sans un drap à l'abri du monde extérieur. L'instinct de survie est logique, le face à face entre Rabia/Northam et Madame/Azabal focalise l'essentiel du récit. Malheureusement les autres jeunes femmes ne sont que des ombres sous-exploitées, voir invisibles et par là même la réalisatrice manque clairement d'audace, ne montrant quasi aucune violence. Mareike Engelhardt explique qu'elle a dû édulcoré certains témoignages jugés "trop durs" pour son film, également pour éviter "tout voyeurisme". Excuses faciles, heureusement que tous les réalisateurs ne se sont pas dit la même chose sur des films sur le débarquement de Normandie ou la Shoah (n'est-ce pas monsieur Steven Spielberg !) pour ne citer que ces grands événements historiques. La réalisatrice ne montre rien, il y a une limite entre dénoncer, montrer l'inqualifiable, et mettre des oeillères et/ou favoriser le hors champs. Le film reste intéressant mais il survole le sujet, effleure les problématiques et restent engoncés sur les contradictions de ces jeunes femmes paumées (pour être poli). Mais le film reste trop sage, la faute à une réalisatrice qui n'a pas eu le courage de vraiment gratter le vernis islamiste. Note indulgente.
Note :
12/20