MORTELLE RANDONNEE (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit

SYNOPSIS : Beauvoir, dit " L'Oeil ", détective privé proche de la retraite, parcourt l'Europe des palaces sur les traces d'une mystérieuse et fascinante meurtrière. Une complicité secrète s'installe entre l'homme mûr et la jeune femme. Elle est obsédée par le souvenir de son père, lui par la disparition de sa fille.

Le succès surprise de Garde à vue, a permis à son réalisateur Claude Miller de pouvoir bénéficier d'une plus grande marge de manœuvre et surtout d'un budget plus conséquent pour son prochain projet. Ayant toutes les cartes en main, il décide de s'attaquer à l'adaptation du roman de Marc Behm Mortelle Randonnée (1980). Désireux de conserver des bases solides, il veut s'entourer d'une partie de l'équipe de son précédent succès, il retrouve donc Michel Serrault ainsi que le scénariste Michel Audiard. Ce dernier signe le script du film avec son fils Jacques, insufflant par la même occasion un peu de son propre drame. En effet, tout comme Michel Serrault ce film résonne d'une manière personnelle, les deux ayant tragiquement perdu un enfant (en 1975 et 1977). Comme dans le roman éponyme, le film nous fait suivre un dénommé Beauvoir surnommé " l'œil ", un détective, qui au premier abord, nous parait un peu perdu à la limite la dépression. Il a pris pour habitude de parler seul à haute voix, ne cessant de prononcer le prénom de sa fille. Au fil du temps on découvre que cette dernière a été " enlevée " par son ex-femme et qu'il ne l'a pas revue depuis de nombreuses années. Il garde comme seul souvenir une photo datant de 1961 et s'accroche à l'idée de la retrouver. Travaillant au sein de l'agence de détective de Madame Schmidt-Boulanger ( Geneviève Page), il est chargé d'enquêter sur Lucie Brentano ( Isabelle Adjani) une aventurière fréquentant un garçon de bonne famille. Pour cet habitué des filatures, il s'agit d'une affaire des plus banales. Cependant, lorsque que la jeune femme assassine son petit ami sous ses yeux, il se rend compte que l'affaire ne sera pas aussi simple que prévue et que le cas de Lucie est beaucoup plus complexe... Véritable caméléon, elle voyage à travers le pays arborant plusieurs visages. Elle chante la Polama en faisant l'amour, assassine ses partenaires, prends leurs richesses, puis rechange d'identité.


Mais contre toute attente, l'œil décide de ne pas la dénoncer, celle-ci lui faisant terriblement penser à sa propre fille, il s'attache à elle et décide de la protéger meurtre après meurtre... En apparence, Mortelle randonnée s'apparente à un film policier au penchant dramatique. En réalité il en ressort un thriller à énigme, sur fond de psychodrame pour nos deux personnages principaux. Remettant en cause ses principes, ce père inconsolable va développer une véritable obsession pour cette jeune femme. Naviguant entre réalité et fiction, il se persuade qu'elle est sa propre fille. Catherine de son côté est une personne insaisissable, elle projette sur le détective les souvenirs de son propre père. Pour incarner cette dernière, Isabelle Adjani est tout simplement fascinante en femme fatale. Véritable personnage torturé, elle flirte clairement avec la folie. Et c'est sur ce dernier point qu'ils se sont parfaitement trouver, ils ont besoin de combler leurs souffrances, quitte à plonger dans la démence. Ils donnent l'impression d'être parfaitement conscient de la situation et éprouvent un certain plaisir réciproque à continuer sur cette pente glissante. Certains passages nous font fortement penser à Sueurs froides, et comme le classique d' Alfred Hitchcock la force de Claude Miller est de laisser subtilement planer le doute sur ce que l'on " voit ", et si c'était vraiment sa fille ? Cette question sonne comme un véritable fil rouge pendant tout le film.

Leur périple va nous faire voyager à travers l'Europe, nous faisant passer d'hôtels 5 étoiles à des endroits bien plus sinistres. Et c'est bien ici que réside la force de la mise en scène, au fur et à mesure que l'histoire avance, la qualité des hôtels se dégrade, offrant un parallèle saisissant avec l'inexorable déclin de nos deux protagonistes. Le réalisateur nous offre également quelques clins d'œil sympathiques, l'utilisation du rasoir comme chez Dario Argento, ainsi que la manière dont Isabelle Adjani tient son fusil à pompe, semblable à celle de Sarah Connnor dans Terminator. Malheureusement, malgré beaucoup de qualités, Mortelle Randonnée a connu une carrière difficile, de la réalisation qui s'est avéré pleines d'embuches, à la sortie en salles qui fut un échec critique et commercial, la production a même dû adapter la durée du film afin qu'il puisse être diffusé sur Canal + Heureusement le film a su se faire reconnaitre avec le temps. Claude Miller livre ici une œuvre complexe sur la traque obsessionnelle d'un détective, une mise en scène déchirante et glaciale, dégageant une grande puissance émotionnelle.

SORTIE LE 6 DÉCEMBRE 2024

* Marc Behm par Frédéric Mercier - critique cinéma à Positif

* La musique de Carla Bley par Olivier Desbrosses - journaliste à Total Trax

* Interview Claude Miller - Archive RTBF (6 min)

DVD 1 * Sacrée Randonnée : l'épopée d'un film culte (32 min)

* Mortelle Randonnée, une fascination hypnotique (6 min)

DVD 2 * Et il entra dans la photo ... (38 min)

* La musique de Carla Bley par Claude Miller (3 min)

Titre Original: MORTELLE RANDONNÉE

Réalisé par: Claude Miller

Genre: Drame, Thriller

Sortie le: 9 mars 1983

TRÈS BIEN