De Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma
Avec Paul Kircher, Angelina Woreth, Sayyid El Alami
Chronique : Nos Enfants Après Eux est un peu tout ce que l’Amour Ouf rêvait d’être. Une chronique adolescente vibrante, un drame familial déchirant et une fresque générationnelle marquée par l’époque qu’elle traverse.
C’est l’histoire d’Anthony, racontée sur 4 étés, 92, 94, 96 et 98, marquée par le contexte social lourd d’une région industrielle en crise et portant les stigmates de l’histoire de son père et sans doute de son père avant lui. C’est un destin bouleversé par une connerie d’ado. C’est un ennemi qu’on se crée à vie pour ne pas perdre la face.
Le film des frères Boukherma est très fidèle à l’œuvre de Nicolas Mathieu (Prix Goncourt 2018). Il parvient à garder un fil conducteur solide malgré les ellipses qui peuvent s’avérer plus déroutante qu’à la lecture du roman. Car rien n’est dit de ce qui se passe durant les deux années reliant les 4 étés les uns aux autres.
Il est impossible de capturer toutes les nuances de l’écrit, alors les réalisateurs font autrement pour leur adaptation et optimisent les outils que le cinéma met à leur disposition, le son et l’image. Et il faut dire que leur mise en scène connait un sacré glow up par rapport à leur premier film Teddy, film de loup-garou très brouillon un peu raté.
Ils imposent un style maitrisé, aussi bien à l’écran que dans nos oreilles. La bande-son des années 90, rythmée par les tubes de l’époque, est tout sauf un gadget. Elle complète parfaitement la musique originale, en particulier le thème musical d’Anthony et Stéphanie qui accompagne chacune de leurs retrouvailles avec force et émotion. La signature sonore du film trouve un écho nostalgique évident dans une photographie au grain épais qui donne des airs de western urbain au film et dans cette esthétique nineties si identifiable. Pour avoir été ado dans ces années-là, c’est vraiment très réussi.
Mais la mise en scène des Boukherma ne se contente pas de recréer un temps révolu, elle délivre aussi des moments de grâce, filme des splendides tableaux avec pour décors les hauts fourneaux à l’arrêt ou le lac alentour. Et elle prend aux tripes en diffusant un lyrisme fou lors d’instants suspendus, brefs mais percutants.
Si Nos Enfants Après Eux sonne si juste, c’est aussi grâce à un casting parfait, et en premier lieu Paul Kircher, phénoménal, qui réussit à exprimer dans un même film la provocation encore enfantine de la pré-adolescence et la sagesse toute relative de l’entrée dans l’âge adulte à travers sa voix, son expression corporelle et son regard. Le couple qu’il forme avec Angeline Woreth, formidable Stéphanie, est le premier fil rouge du film, le second étant ce qui le lie à Hacine, son antagonisme, joué avec intensité par Sayyid El Alami découvert dans l’excellente série Oussekine. Dans le rôle des parents d’Anthony, Ludivine Sagnier et Gilles Lellouche, excellent tous les deux, Lellouche n’étant jamais meilleur que lorsqu’il interprète des personnages bousillés par la vie.
Nos Enfants Après Eux parvient à concilier cinéma d’auteur et populaire tout en respectant l’œuvre de Nicolas Mathieu dans une épopée aussi intime que romanesque au cœur des années 90. Le projet était ambitieux, il m’a emporté.
Synopsis : Août 92. Une vallée perdue dans l’Est, des hauts fourneaux qui ne brûlent plus. Anthony, quatorze ans, s’ennuie ferme. Un après-midi de canicule au bord du lac, il rencontre Stéphanie. Le coup de foudre est tel que le soir même, il emprunte secrètement la moto de son père pour se rendre à une soirée où il espère la retrouver. Lorsque le lendemain matin, il s’aperçoit que la moto a disparu, sa vie bascule.