Limonov, la Ballade (2024) de Kirill Serebrennikov

Après "Le Disciple" (2016), "Leto" (2018) ou "La Fièvre de Petrov" (2021) voici le retour du cinéaste russe Kirill Serebrennikov pour une production qui est cette fois sans fonds russes. En effet le réalisateur a quitté la Russie après le début de la guerre russo-ukrainienne, et les restrictions autour de la Russie par les alliés ukrainiens font que ce nouveau projet est une co-production italo-franco-espagnole. Il s'agit d'un biopic de l'aventurier, écrivain et militant russe Edouard Limonov (Tout savoir sur lui), avec comme base le livre "Limonov" (2011) de Emmanuel Carrère que le réalisateur-scénariste adapte en co-signant le scénario avec deux de ses confrères, Ben Hopkins réalisateur de "Simon le Magicien" (1999), "Les 9 Vies de Tomas Katz" (2000) et "Lost in Karastan" (2014), puis Pawel Pawlikowski qui a signé quelques grands films comme "Ida" (2013) et "Cold War" (2018)... Militant révolutionnaire, dandy, voyou, majordome ou sans abri, il fut tout à la fois un poète enragé et belliqueux, un agitateur politique et le romancier de sa propre grandeur. La vie d’Edouard Limonov, telle une traînée de soufre, est une ballade à travers les rues agitées de Moscou et les gratte-ciels de New-York, des ruelles de Paris au coeur des geôles de Sibérie pendant la seconde moitié du XXe siècle...

Edouard Limonov est incarné par Ben Wishaw vu récemment dans "Women Talking" (2022) de Sarah Polley, "Passages" (2023) de Ira Sachs et "Bad Behaviour" (2023) de Alice Englert. Il croise une belle russe interprétée par Viktoria Miroshnichenko aperçue dans "Une Grande Fille" (2019) de Kantemir Balagov. Citons ensuite l'acteur américain Tomas Arana vu entre autre dans "La Peau" (1981) de Liliana Cavani, "L.A. Confidential" (1997) de Curtis Hanson ou "The Dark Knight Rises" (2012) de Christopher Nolan, l'italien Corrado Invernizzi vu dans "Vincere" (2009) et "L'Enlèvement" (2023) tous deux de Marco Bellochio ou "Le Mans 66" (2019) et "Indiana Jones et le Cadran de la Destinée" (2023) tous deux de James Mangold, les russes Evgueni Mironov vu dans "Soleil Trompeur" (1994) de Nikita Mikhalkov, "La Maison de Fous" (2002) de Andreï Kontchalovski ou "Matilda" (2017) de Alekseï Outchitel, Andrey Burkovsky vu dans "La Légende de Kolovrat" (2017) de IVan Chourkhovetski, "Moloko" (2021) de Karen Oganessian et retrouve après "La Femme de Tchaïkovski" (2023) son réalisateur Kirill Serebrennikov ainsi que son partenaire Odin Lund Biron. Citons aussi nos frenchies Louis-Do de Lencquesaing vu récemment dans "Les Femmes du Square" (2022) de Julien Rambaldi ou "Le Voyage" en Pyjama" (2023) de Pascal Thomas, Céline Sallette vue dans "Brillantes" (2023) de Sylvie Gautier ou "Les Algues Vertes" (2023) de Pierre Jolivet et surtout qui vient de réaliser son premier film avec "Niki" (2024), puis enfin Sandrine Bonnaire vu dernièrement dans "Le Mangeur d'Âmes" (2024) de Julien Maury et Alexandre Bustillo et "Finalement" (2024) de Claude Lelouch... L'homme est controversé, sa vie digne d'un roman cela est certain mais encore faut-il que l'homme soit réellement intéressant ne serait-ce dans la corrélation entre ce qu'il dit et ce qu'il fait, où dans ce qu'il a ou aurait apporté au monde. Le réalisateur signe un biopic stylé et inspiré sur la forme, mais sur le fond son sujet s'avère aussi inintéressant que vain. D'abord le réalisateur soigne son sujet (Limonov donc) en occultant les parties de sa vie les plus "tendancieuses", ainsi son passé de truand dans sa jeunesse est occultée, son passage très milicien lors de la Guerre en Bosnie est occultée, et ne parlons pas de la fin de sa vie et de son soutien à la politique de Poutine et son action contre l'Ukraine qui sont résumés vite fait bien fait.

Le soucis n'est donc pas la valeur intrinsèque du film en lui-même en tant qu'oeuvre, mais bien le personnage de Edward Limonov dont la vie est aussi vaine que n'importe quel pseudo-révolutionnaire de ce bas monde. Le point fort est que Kirill Serebrennikov a choisi une mise en scène aussi folle et décomplexée que le patchworck spirituel de Limonov. On aime les styles différents, le grain de l'image qui change, les collages, la caméra qui virevolte, les envolées lyriques, les transitions graphiques qui collent à leur époque, les incrustations... etc... Une oeuvre d'art fluide et évolutive foisonnante qui tente ainsi de magnifier un existence pourtant vaine, une arnaque qui veut nous faire croire à un certain génie chez ce LImonov. Il a peut-être été un grand poète, mais pourtant on ne le voit jamais écrire ou en inspiration quelconque, et seule la première partie s'intéresse plus ou moins à l'artiste. Ensuite il devient une sorte de globe-trotter anarchiste prêt à en découdre avec le monde mais dans un fouilli d'idées et d'opinions qui ne convainc jamais, d'ailleurs qu'en fait-il ?! Il va devenir un politique belliciste à la gloire de la Russie de Poutine ; est-ce cohérent ?! Est-ce unique ou rare ?! Est-ce un destin réellement hors norme ?! En conclusion, Serebrennikov signe un biopic dont la forme donne de l'attrait, de la fantaisie même, de la puissance ou du lyrisme, mais sur le fond on finit par se défaire d'un premier intérêt pour ce Limonov aussi inconsistant qu'insipide car il n'est au final qu'un imposteur auquel on ne s'attache pas une seconde.

Note :                 

Limonov, Ballade (2024) Kirill SerebrennikovLimonov, Ballade (2024) Kirill Serebrennikov

10/20