Déjà connu comme un cinéaste polémique, Nagisa Oshima s'est déjà fait remarquer avec quelques scandales avec des films comme "Contes Cruels de la Jeunesse" (1960), "Les Plaisirs de la Chair" (1965), "Une Petite Soeur pour l'Eté" (1972) ou "L'Empire des Sens" (1976). Avec ce film il aborde le passé douloureux des camps de prisonniers japonais durant la Seconde Guerre Mondiale. Pour façonner son histoire le réalisateur-scénariste collabore avec Paul Mayersberg, britannique qui a l'avantage d'avoir travaillé pour "L'Homme qui venait d'Ailleurs" (1976) de Nicolas Roeg avec David Bowie, la star du film choisit par le réalisateur après sa performance dans la pièce "Elephant Man" (1977) à Broadway. Le scénariste britannique reviendra sur cette même période avec la suite "Retour de la Rivière Kwaï" (1989) de Andrew V. McLaglen. Pour l'histoire les deux auteurs adaptent les livres "The Seed and the Sower" (1963) et "The Night of the New Moon" (1970) tous deux de Lauren Van Der Post, vétéran ayant survécu quatre années dans un camp japonais. Le terme "Furyo" correspond au nom donné par les japonais à leurs prisonniers de guerre. Le film a été multi-récompensé, présenté au Festival de Cannes 1983 mais il aura finalement surtout marqué avec sa musique, dont le compositeur et acteur sera lauréat du BAFTA de la meilleure musique de film... Java 1942, un camp de prisonniers est dirigé par le jeune capitaine Yonoi, qui suit scrupuleusement son code d'honneur issu des samouraïs. L'entente se fait via le lieutenant-colonel Lawrence qui est passionné par la culture nippone et qui parle japonais. Mais tout semble changé à l'arrivée du major Celliers, forte tête et rebelle dont l'attitude fascine Yonoi...
Si le personnage central semble être celui du rôle-titre (en V.O. "Merry Christmas Mr. Lawrence") incarné par Tom Conti vu dans "Les Duellistes" (1977) de Ridley Scott et plus récemment dans "Oppenheimer" (2023) de Christopher Nolan, les deux rôles principaux sont tenus par deux rocks stars, le britannique David Bowie donc vu dans son propre rôle dans "Moi, Christiane F., 13 ans, Droguées, Prostituée..." (1981) de Uli Edel et surtout cette même année vu dans "Les Prédateurs" (1983) de Tony Scott, puis le japonais Ryuchi Sakamoto, membre du groupe de musique électro Yellow Magic Orchestra qui joue là un de ses rares rôles et qui assume également la composition de musique du film, il va devenir surtout un grand compositeur de musique de film avec entre autre "Le Dernier Empereur" (1987) de Bernardo Bertolucci dans lequel il joue également, puis suivront des B.O. majeures comme "Snake Eyes" (1998) de Brian De Palma, "Hara-Kiri : Mort d'un Samouraï" (2011) de Takashi Miike ou "The Revenant" (2016) de Alejandro Gonzales Inarritu. Citons ensuite Jack Thompson vu dans "Héros et Salopards" (1980) de Bruce Beresford ou plus tard dans "Australia" (2008) de Baz Luhrmann ou "Mystery Road" (2013) de Ivan Sen, Takeshi Kitano étant alors un comique connu que dans son pays ayant joué dans peu de film mais qui va devenir un des plus grands cinéastes de son époque en passant derrière la caméra avec "Violent Cop" (1989), Yuya Uchida vu dans "Pink Tush Girl" (1978) de Koyu Ohara ou "Ejiki" (1979) de Koji Wakamatsu et surtout connu en Occident pour "Black Rain" (1989) de Ridley Scott, Takashi Naito vu dans "Brumes de Chaleur" (1981) de Seijun Suzuki, ou encore "After Life" (1998) de Hirokazu Kore-Eda, Hideo Murota acteur fétiche de Kinji Fukasaku entre autre avec "Tora ! Tora ! Tora !" (1970) co-signé avec Richard Fleischer et vu également dans le monument "Kagemusha" (1980) de Akira Kurosawa, Rokko Toura acteur fétiche de Nagisa Oshima sur pas moins de 14 films depuis "L'Enterrement du Soleil" (1960), mais aussi apparu de façon récurrente dans la saga Zatoichi dont "La Lame Diabolique" (1965) et "La Rivière des Larmes" (1967) tous deux de Kenji Misumi, puis enfin citons Kan Mikami star de la chanson au Japon apparue au cinéma dans "Cache-Cache Pastoral" (1974) de Shuji Terayama... L'histoire débute dan le vif du sujet, d'abord on entend la merveilleuse partition du compositeur (et acteur), pas d'entrée en matière trop longue, pas de prologue trop explicatif, on est immergé direct dans un camps où les prisonniers semblent enfermés depuis déjà un certain temps avec des gardiens qu'ils ont déjà appris à connaître. les soldats japonais sont très soumis et obéissants, violents dès que possible, les soldats britanniques sont courtois, courageux, et justement jamais violents gratuitement. Un manichéïsme étonnant pour un réalisateur japonais.
D'autant plus étonnant qu'on peut aussi être déçu par une vision plutôt limitée des deux camps. Les soldats japonais sont disciplinés, voir même trop appuyant le cliché qu'on s'en fait, en insistant aussi beaucoup sur le concept du hara-kiri. Les soldats britanniques sont eux trop dans la résilience en se focalisant de plus en plus sur le duo Lawrence/Conti et Celliers/Bowie. Et ce n'est pas la pseudo-ambiguité entre l'officier japonais et Celliers/Bowie qui nous convainc, trop timoré ou trop sage on n'y croit pas assez. Le séquence où Celliers/Bowie s'interpose avant deux baisers est tout bonnement surréaliste voir naïve et simpliste. Idem avec le flash-backs et son explication, trop longue, trop anecdotique et trop explicative. Au final un bon film mais qui s'arrête sur trop de détails superflus ou caricaturaux. Ainsi on pense surtout que Nagisa Oshima signe une copie du chef d'oeuvre "Le Pont de la Rivière Kwaï" (1957) de David Lean. Si le film souffre de la comparaison, plusieurs scènes font forte impression, comme la fausse exécution, le premier hara-kiri, et mention spéciale à la dernière scène.
Note :