Premier long métrage de Victor Rodenbach après quelques courts métrages avec "Petit Bonhomme" (2013) ou "Les Aoûtiens" (2014). Le cinéaste a trouvé l'inspiration dans sa propre vie puisqu'il est en couple avec la metteuse en scène Pauline Bayle (qui joue d'ailleurs l'accessoiriste du tournage dans le film), qu'il a rencontré alors qu'ils étaient étudiants elle au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique et lui à la Fémis : "Je vis donc depuis toutes ces années au plus près d'une vie de théâtre, la sienne, faite de répétitions, de premières, de tournées et ça me fascine encore aujourd'hui. J'aime les personnages passionnés, engagés, qui cherchent un rapport à la vie plus intense et le trouvent dans les théâtres." Le réalisateur-scénariste co-signe son scénario avec Camille Lugan qui a écrit auparavant "Goutte d'Or" (2023) de Clément Cogitore et "Amore Mio" (2023) de Guillaume Gouix, puis en collaboration avec Vladimir Haulet créatrice-scénariste de la série TV "Par Amour" (2023-...) et Pauline Bayle fidèle actrice du réalisateur depuis ses débuts... Depuis des années Henri et Nora s'aiment et partagent tout et notamment le travail. Elle met ainsi en scène les pièces dans lesquelles il joue. Quand Henri décroche pour la première fois un rôle au cinéma la création de leur nouveau spectacle prend l'eau, et leur couple aussi ! Puis finalement se pose la question : est-ce possible de s'aimer sans s'appartenir complètement ?...
Le couple est incarné par William Lebghil vu récemment dans "Les Complices" (2023) de Cécilia Rouaud, "Hawaii" (2023) de Mélissa Drigeard ou "Un Métier Sérieux" (2023) de Thomas Lilti, puis Vimala Pons vue dans "Petite Fleur" (2022) de Santiago Mitre, "Youssef a du Succès" (2023) de Baya Kasmi ou "Vincent doit Mourir" (2023) de Stephan Castang. Citons ensuite logiquement la co-scénariste Pauline Bayle, Jérémie Laheurte vu dans "Tu mérites un Amour" (2019) de et avec Hafsia Herzi ou "Notre-Dame brûle" (2022) de Jean-Jacques Annaud, Sarah Le Picard vue dans "Les Goûts et les Couleurs" (2022) de Michel Leclerc et "Les Cyclades" (2023) de Marc Fitoussi, Antonia Buresi vue dans "Les Enfants des Autres" (2022) de Rebecca Zlotowski ou "Les Cinq Diables" (2022) de Léa Mysius et retrouve après "Enquête sur un Scandale d'Etat" (2020) de Thierry de Peretti sa partenaire Lucie Gallo aperçue dans "Une Jeune Fille qui va Bien" (2021) de Sandrine Kiberlain ou "Yannick" (2023) de Quentin Dupieux et retrouve de son côté après "Le Parfum Vert" (2022) de Nicolas Pariser l'acteur Alexandre Steiger vu dans "Oranges Sanguines" (2021) de Jean-Christophe Meurisse ou "Le Larbin" (2024) de Alexandre Charlot et Franck Magnier, Salif Cissé apparu dans "L'Amour et les Forêts" (2023) de Valérie Donzelli ou "Juliette au Printemps" (2024) de Blandine Lenoir et qui retrouve William Lebghi après "La Vie de ma Mère" (2024) de Julien Carpentier, Martine Chevallier remarquée dans "Deux" (2019) de Filippo Meneghetti puis vue entre autre dans "Chanson Douce" (2019) de Lucie Borleteau, "Le Bal des Folles" (2021) de Mélanie Laurent et "L'Homme de la Cave" (2021) de Philippe Le Guay, puis enfin n'oublions pas Bruno Podalydès pour une fois devant la caméra autre que la sienne comme depuis son premier long "Dieu seul me Voit (Versailles-Chantier)" (1998) jusqu'à son dernier "La Petite Vadrouille" (2024) et qui en profite pour retrouver son actrice Vimala Pons après ses films "Adieu Berthe" (2012), "Comme un Avion" (2015) et "Bécassine !" (2018)... Le film débute en pleine répétition d'un nouveau spectacle, avec au centre l'amour manifeste, libre et incandescent du couple Henri/Lebghil et Nora/Pons. On sait qu'on se trouve alors dans une comédie romantique, et la premier constat qui peut paraître un détail mais qui est essentiel au genre : le duo fonctionne parfaitement et même idylliquement tant l'alchimie entre les deux acteurs sert avec complicité et malice leurs personnages. Si cette histoire a un contexte artistique autour des personnages, la même histoire pourrait fonctionner avec une autre catégorie professionnelle mais il est vrai que la scène ou le plateau de tournage accentue le parallèle de la mise en abîme, de la question de l'inspiration voir même de la notion de muse.
Il est aussi question de passion, à partager ou non, de liberté qui se partage ou non, et des choix de vie qui ont parfois des conséquences qu'on n'a pas vu venir ou (nuance !) qu'on n'a pas voulu voir venir. L'histoire est donc universelle mais touche avant tout les couples qui travaillent ensemble, qui se retrouve à partager intimité et coulisses du travail à chaque instant. Au départ il y a la complicité, l'idéal d'une vie à deux jusqu'à ce petit grain de sable qui remet tout en question car on constate au finale que les petits égo et les petits égoïsmes de chacun sont toujours difficiles à cacher. Le scénario est linéaire et sans complexité, l'humour n'est ni potache ni gratuit, il est résumé à quelques instants fugaces, à quelques subtilités autour des légers défauts des uns et des autres qui font aussi le sel des choses en filigrane, des non-dits ou des silences ; d'ailleurs très belles idées matérialisées autour de ce qu'on se dit sans se parler. Les dialogues sont soignés, bien écrits sans être littéraires, ancrés dans une réalité séduisante et encore existante bien que devenue trop rare. Plusieurs séquences font mouches et pas que sur l'amour, on pense au passage de Bruno Podalydès cinéaste, au tournage du film, aux disputes au sein de l'équipe de la pièce. On aime aussi la fantaisie qui se marie, qui alterne ou oscille avec les moments plus mélancoliques. Victor Rodenbach signe une comédie sentimentalo-artistique savoureuse, joyeuse aussi malgré les yeux humides, c'est subtil et intelligent jusque dans l'idée géniale de former le couple Henri/Lebghil et Nora/Pons qui n'est assurément pas pour rien dans le charme ambiant. Un très beau et très bon moment.
Note :
14/20