Mémoires d'un escargot

Par Dukefleed
Mémoires d'un escargot

Sortir de sa coquille

Il aura fallu attendre 16 ans afin qu’Adam Elliot nous propose un nouveau long métrage d’animation après l’excellentissime « Mary and Max ». Film old-school en stop motion traditionnel, aucune image de synthèse et des personnages modelés à la main tout comme des décors minutieux et surchargés ; on voie très vite la charge de travail titanesque qu’un tel film nécessite. La conception des personnages et des environnements : 1 an de travail ; le tournage image par image : 33 semaines ; une conception 100% artisanale à l’ancienne avec une toute petite équipe.

Avec ce film, il continue de tracer son sillon du mariage d’une extrême noirceur scénaristique (dépression, boulimie, pensées suicidaires, maltraitance, deuils successifs, abus et trahison,…) avec une animation en volume de pâte à modeler aux couleurs cendre à marc de café ; une palette chromatique à l’image de la dureté extrême du propos et des sujets traités. Adam Elliot charge volontairement le tableau en livrant un scénario à la Dickens dans lequel l’espoir a disparu en jouant sur le fait que cela provoque une onde d’humour noir. Le tableau est tellement chargé de pathos que l’humour ne pointe que rarement son nez. Heureusement que son style d’animation si sophistiqué (petit bijou contemplatif) et ses personnages de marginaux incompris parviennent à nous toucher en plein cœur ; sinon on pourrait être exclu de ce film intelligent et poignant mais un peu asphyxiant aussi par son hyperinflation doloriste. Adam Elliot aura assurément la Palme du roi de la déprime.

Plus touché par l’animation méticuleuse de Wes Anderson dans « Fantastic Mister Fox » ; ici, les tableaux regorgent de détails minutieux mais font trop souvent office de maquettes inertes ; l’animation manque à l’appel.

Ce film a aussi beaucoup trop de choses lourdes à raconter (misère, alcoolisme, deuil, emprise psychologique, cleptomanie, travail forcé des enfants, adoption, protection de l’enfance, harcèlement scolaire, dérives sectaires, endoctrinement religieux,…) empiler sans ménagement que l’on en oublie l’essentiel ; se centrer sur une ou deux histoires humaines (Grace/Gilber – Grace/Pinky). « Mary and Max » parvenait à mettre au cœur du film une histoire humaine touchante par le même biais qu’ici, la correspondance épistolaire.

Et puis la dernière ligne droite offre un revers scénaristique déroutant.

J’aurais aimé l’adorer comme « Mary and Max » mais le trop plein d’intentions et de pathos assumé allié à un manque de mouvement dans l’animation m’a laissé en dehors. Cependant, on ne peut être qu’admiratif du travail réalisé.

Sorti en 2025

Ma note: 13/20