There will be Blood (2007) de Paul Thomas Anderson

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Remarqué avec "Boogie Nights" (1997), un premier film remarquable Paul Thomas Anderson confirme qu'il est un cinéaste avec lequel il faut compter avec "Magnolia" (1999) et "Punch-Drunk Love" (2002). Malgré tout, son dernier film est un échec malgré une bonne réception critique, ce qui force le cinéaste à prendre un peu plus son temps. Finalement il décide d'adapter le roman "Oil !" (1927) de Upton Sinclair, sorte de portrait au vitriol du fameux "Rêve Américain" dont il écrit aussi le scénario. Notons que pour un film d'époque le cinéaste réussit à faire son film avec "seulement" 25 millions de dollars, comme quoi le talent c'est aussi savoir gérer son budget. Le film est un succès critique et public multiprimé au Festival de Berlin 2008, mais aussi et surtout en saluant la performance du plus grand acteur du monde (oui oui !) Daniel Day Lewis qui reçoit le Golden Globe et l'Oscar du meilleur acteur. Précisons que le tournage s'est déroulé en partie sur le secteur de la ville de Marfa où ont été tourné également les films "Géant" (1956) de George Stevens ou "No Country for a Old Men" (2007) des frères Coen. Précisons que le film est dédié au réalisateur Robert Altman mort avant la sortie film... 1898, sud-ouest des Etats-Unis, Daniel Plainview est un chercheur d'or... noir ! Le pétrole est la nouvelle ruée vers l'or dans un pays en plein essor seulement quelques années après la fin de la conquête de l'Ouest. Plainview adopte H.W. enfant en bas âge de son camarade mort dans un accident. Il entend parler d'une petite ville où il y aurait un océan de pétrole dans le sol. Il part aussitôt là bas et réussit à s'approprier quelques terrains qu'il va exploiter aussi efficacement qu'intelligemment mais aussi en étant sans pitié en affaire. La fortune arrive mais ça ne stoppent pas les drames ce qui amènent à faire des choix difficiles tandis que Plainview doit composer avec un prédicateur ambitieux puis les années passent... 

There will Blood (2007) Paul Thomas Anderson

Daniel Plainview est incarné donc par un monstre sacré, Daniel Day Lewis dont la liste de chefs d'oeuvre dans sa filmo est unique et dont on peut citer par exemple la trilogie "Irlande" avec "My LeftFoot" (1989), "Au Nom du Père" (1993) et "The Boxer" (1997) tous trois de Jim Sheridan, il retrouvera aussi Paul Thomas Anderson pour "Phantom Thread" (2017), puis retrouve après "The Ballad of Jack and Rose" (2005) de Rebecca Miller (épouse de Day Lewis d'zailleurs) son partenaire Paul Dano remarqué dans "The Girl Next Door" (2004) de Luke Greenfield et surtout "Little Miss Sunshine" (2006) de Jonathan Dayton et Valerie Faris. Pour l'enfant H.W. il est interprété adulte par Russell Harvard apparu plus tard dans "Claustrophobia" (2011) de Harlan Schneider ou "Causeaway" (2022) de Lila Neugebauer, plus jeune il est joué par Dillon Freasier dans ce qui restera son premier et unique rôle à l'instar de sa jeune partenaire Sydney McCallister, son personnage adulte étant joué par Colleen Foy dans son premier rôle et qui continuera essentiellement à la télévision. Citons ensuite Kevin J. O'Connor aperçu dans "Amistad" (1997) de Steven Spielberg, "Seraphim Falls" (2007) de David Von Ancken et retrouvera son réalisateur dans "The Master" (2012), ainsi que son partenaire David Warshofksy vu auparavant dans "Volte Face" (1997) de John Woo ou "Human Nature" (2001) de Michel Gondry, Ciaran Hinds vu la même année dans "My Name is Hallam Foe" (2007) de David Mackenzie et "Margot va au Mariage" (2007) de Noah Baumbach, Paul F. Tompkins qui retrouve le réalisateur après "Magnolia" (1999), puis enfin Barry Del Sherman aperçu dans "American Beauty" (1999) de Sam Mendes et "Dr Kinsey" (2004) de Bill Condon... Le cinéaste, avec un budget plus que serré, a instauré un réalisme à tous les niveaux, d'abord en engageant des figurants du cru ("Les gens du coin que l'on voit à l'image ont ce parfum de Texas qui ne s'invente pas..." dixit le réalisateur), le grand derrick est une réplique d'un derrick connu du début du XXème qui produisait 100000 barils par jour, le manoir de Daniel Panview qu'on voit à la fin est le manoir de Eward Doheny, véritable magnat du pétrole, tandis que la locomotive est un authentique train de 1907 (Prairie Old n°7 pour les amateurs) spécialement affrété pour le tournage !

La première partie est une immersion aussi viscérale que sensorielle, d'une maîtrise inouïe où pendant près de 15mn le silence des mots laisse place au plus dur des labeurs. Le chercheur d'or devenu père adoptif devient prospecteur, chef d'entreprise, un baron du pétrole mais tout ça en étant un homme venu de rien qui va tout faire pour prospérer et réussir jusqu'à vendre son âme. Il symbolise le Rêve Américain ultime, pour qui la fortune va sourire en allant creuser profond en lui et chez les autres et symbolise ainsi les prémices d'un capitalisme libre et fou. Le revers de la médaille va pourtant se matérialiser en la personne d'un prédicateur évangéliste comme il y en a tant aux Etats-Unis, un gourou tout aussi ambitieux et donc tout aussi assoiffé de pouvoir que Plainview/Day Lewis et tout aussi dangereux. C'est la force du film, deux facettes de l'Amérique, le pile et face d'un dollar américain, le baron du pétrole exploite les corps pour les barils d'or noir, le faux prophète exploite les esprits pour asseoir un pouvoir qui repose sur un ego démesuré. Et au centre un enfant qui va grandir sans comprendre rien de tout ce qu'il va traverser. Aussi logique et implacable que le destin, le silence laborieux du début va laisser place à la fureur et la rage du désespoir, de l'échec et de la solitude. Chef d'oeuvre puissant, déchirant et violent, Paul Thomas Anderson signe là un des 4-5 plus grands films du 21ème siècle, à voir absolument.

Note :                 

20/20