Le lendemain de la mort d'une jeune actrice coréenne, Kim Sae-Ron a seulement 24 ans, nous apprenons la mort de la française Geneviève Page ce jour du 17 février 2025 à 97 ans.

Née en 1927 à Paris, Geneviève Bonjean est la fille du collectionneur et galeriste Jacques-Paul Bonjean et la filleule de Christian Dior. Elle vit donc une enfance choyée et aisée. Elle est élève au lycée Racine à Paris avant de poursuivre ses études au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique à Paris où elle suit les cours de Tania Balachova. Si elle est d'abord adepte du théâtre elle apparaît d'abord au cinéma dans son propre rôle dans le documentaire "Ce Siècle a Cinquante Ans" (1949) de Denise Tual, sans doute grâce à son parrain Christian Dior qui signe les costumes. 

Elle apparaît ensuite dans un petit rôle dans "Pas de Pitié pour les Femmes" (1950) de Christian Stengel mais surtout, dans le second rôle de la Marquise de Pompadour est est remarquée dans "Fanfan la Tulipe" (1952 - ci-dessous) de Christian-Jaque aux côtés de Gérard Philippe et Gina Lollobrigida. 

Etonnamment c'est donc par le grand écran que l'actrice va fouler les planches avec les pièces "Les Compagnons de la Marjolaine" (1952) d'après Marcel Achard et "Désiré" (1953) d'après Sacha Guitry. Mais le cinéma la rappelle et obtient déjà le haut de l'affiche d'abord en jouant une vedette de music-hall dans "Plaisirs de paris" (1952) de Ralph Baum, en étant l'épouse du jaloux Robert Lamoureux et en étant la danseuse particulière de Michel Simon dans "L'Etrange Désir de Monsieur Bard" (1953 - ci-dessous) de Géza Von Radvanyi.

Aussitôt et comme c'est l'habitude l'actrice est demandée chez nos voisins et en profite pour aborder tous les genres avec "Cherchez la Femme" (1955) de Raoul André aux côtés de Georges Marchal, "Michel Strogoff" (1956 - ci-dessous) de Carmine Gallone avec Curd Jürgens, "L'Enigmatique Monsieur D." (1956) de Sheldon Reynolds où elle partage Robert Mitchum avec Ingrid Thulin, "Amours de Poche" (1957) de Pierre Kast avec Jean Marais, "Le Gentleman et la Parisienne" (1957) de Roy Kellino où David Niven tombe amoureux d'elle, ou encore en mode plus aventurier dans "Guet-Apens à Tanger" (1958) de Riccardo Freda.

Elle est comtesse de lettre dans "Le Bal des Adieux" (1960 - ci-dessous) de Charles Vidor et George Cukor auprès de Capucine et Dirk Bogarde, puis participe à la superproduction hollywoodienne "Le Cid" (1961) de Anthony Mann avec Charlton Heston et Sophia Loren, elle retrouve l'Occupation dans "Le Jour et l'Heure" (1962) de René Clément avec Simone Signoret qui tente d'aider un soldat britannique à rejoindre les Alliés, puis retrouve Jean Marais et Noël Roquevert dans "L'Honorable Stanislas, Agent Secret" (1963) de Jean-Charles Dudrumet.

Elle traverse l'Atlantique pour "Youngblood Hawk" (1963) de Delmer Daves, revient en France pour la comédie policière "Le Majordome" (1964 - ci-dessous) de Jean Delannoy avec Paul Meurisse, voit les débuts d'un certain Robert De Niro dans "Trois Chambres à Manhattan" (1965) de Marcel Carné avec Maurice Ronet et Annie Girardot, puis apparaît à la télévision dans la série TV populaire "Corsaires et Flibustiers" (1966) de Claude Barma. 

 Mais si l'actrice a obtenu des rôles principaux à ses débuts on constate qu'elle a vite été abonné aux seconds rôles, elle est ainsi aux côtés de Mylène Demongeot, Philippe Noiret et Jean-Paul Belmondo dans "Tendre Voyou" (1966) de Jean Becker, et au sein d'un casting plus international dans "Grand Prix" (1966 - ci-dessous) de John Frankenheimer avec James Garner, Yves Montand, Toshiro Mifune ou Eva Marie Saint.

Elle est patronne de bordel dans "Belle de Jour" (1967 - ci-dessous) de Luis Bunuel où elle accueille Michel Piccoli et Catherine Deneuve, joue une princesse parmi d'autres dans "Mayerling" (1968) de Terence Young aux côtés de Omar Sharif, Catherine Deneuve, James Mason et Ava Gardner, puis joue dans une comédie musicale "L'Amateur" (1968) de John Krish et la parodie "Sacré Far-West" (1968) de Richard Quine, deux films oubliés, avant de participer à "La Vie Privée de Sherlock Holmes" (1970) de Billy Wilder.

Elle joue ensuite dans le drame psychologique suédois "Les Gémeaux" (1970) de Susan Sontag, puyis revient en France pour "La Cavale" (1971) de Michel Mitrani, puis aborde la question de la torture en Algérie dans "Décembre" (1972) de Mohammed Lakhdar-Hamina.

L'actrice tourne de moins en moins pour le cinéma, mais joue de plus en plus au théâtre qui semble mieux lui convenir que les seconds rôles sur grand écran. Elle commence également à donner des cours d'art dramatique de façon ponctuelle. Elle revient au cinéma dans le rôle d'une veuve nymphomane dans "Buffet Froid" (1979 - ci-dessous) de Bertrand Blier aux côtés de Gérard Depardieu, Jean Carmet et le père Bernard Blier.

Toujours et surtout très présente sur les planches, elle retourne sur les plateaux de tournage avec parcimonie. Citons "Mortelle Randonnée" (1982 - ci-dessous) de Claude Miller avec Michel Serrault et Isabelle Adjani, puis retrouve le cinéma américain pour "Beyond Therapy" (1987) de Robert Altman alors très allenien avec Jeff Goldblum et Glenda Jackson, puis retourne en Italie pour "Cartes Postales d'Italie" (1987) de Memè Perlini avant de retourner au polar à la française dans "Les Bois Noirs" (1989) de Jacques Deray.

Devenue très rare sur grand écran, mais au contraire très demandée au théâtre l'actrice ne va plus tourner que dans trois longs métrages et dans des rôles très secondaires. Elle retrouve Jean-Paul Belmondo dans "L'Inconnu dans la Maison" (1992 - ci-dessous) de Georges Lautner, puis joue dans "Lovers" (1999) de Jean-Marc Barr avec Elodie Bouchez, et enfin participe à la comédie chorale à la française "Rien que du Bonheur" (2003) de Denis Parent avec Barbara Schultz, Bruno Solo ou Alexandra Lamy.

Entre temps elle joue donc surtout au théâtre dont dans sa propre pièce "Les Grandes Forêts" qu'elle porte à trois reprise, au Petit Odéon en 1992, à la Comédie des Champs-Elysées en 1998 et aux Bouffes-du-Nord en 2009. Sa dernière apparition sera bel et bien pour le théâtre en jouant dans une nouvelle adaptation de "Britannicus" (2011) d'après Racine au festival de théâtre de Figeac.

Geneviève Page a éét l'épouse d'un fondé de pouvoir de banque avec lequel elle a eu un fils et une fille, Thomas et Adélaïde.

L'actrice aura été une actrice remarquée mais n'aura pas su s'imposer au cinéma comme une grande star, ce qui la fit revenir sans doute à ses premières amours. Le théâtre aura donc été une seconde jeunesse et lui aura offert le statut de comédienne aussi talentueuse que populaire.

Geneviève Page, qui était membre de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, est morte aujourd'hui lundi 17 février 2025 à l'âge de 97 ans.