Deux Hommes dans la Ville (1973) de José Giovanni

Déjà le 7ème long métrage en tant que réalisateur-scénariste de José Giovanni avec entre autre "La Loi du Survivant" (1967), "Le Rapace" (1968) ou "La Scoumoune" (1972) et ce, sans compter plusieurs scénarios signés pour d'autre. Pour ce nouveau projet le cinéaste a évidemment puisé dans son passé tumultueux mais aussi inspiré par un certain Robert Badinter, avocat qui n'a pu éviter en 1972 la peine capitale au criminel Roger Bontems, une affaire qui marqua le début du combat anti peine de mort de Badinter. Le débat éveille évidemment les souvenirs du cinéaste puisque, rappellons-le, il fut lui-même criminel condamné à la peine de mort en 1948 avant d'avoir sa peine commué aux travaux forcés puis enfin d'être gracié en 1956. Le cinéaste voit là l'occasion de signer un plaidoyer contre la peine de mort. Très vite il s'associe à la star Alain Delon qui produit le film, ce qui amène un financement aisé mais le producteur-acteur impose que les dialogues soient repris par Daniel Boulanger, fidèle scénariste de Philippe De Broca sur une douzaine de films entre "Les Jeux de l'Amour" (1960) et "Chouans !" (1988). Malheureusement, l'entente entre Giovanni et Boulanger sera houleux. Au départ, si Delon assume logiquement le rôle principal du criminel, Giovanni voyait Lino Ventura dans le rôle de l'éducateur, mais ce dernier ne croyait pas à un policier "trop manichéen et pas crédible". Le rôle est alors proposé à Yves Montand qui refuse également, et c'est finalement à Jean Gabin que revient le rôle, alors qu'il pense alors à se retirer (il ne tournera plus que deux films). Giovanni est alors obligé de réécrire le scénario pour "en faire un homme au seuil de la retraite". Le film subit les records du succès de l'année sorti le même jour, "Les Aventures de Rabbi Jacob" (1973) de Gérard Oury, mais récolte tout de même 2,5 millions d'entrées France pour atteindre la 13ème place annuel, mais on peut noter la réception encore plus forte en Italie où il récolte plus de 2,8 millions d'entrées. Le film connaîtra un remake franco-américain avec "La Voie de l'Ennemi" (2014) de Rachid Bouchareb qui passera quasi inaperçu...Tout juste libéré de prison, l'ex-braqueur Gino Strabliggi doit se réinsérer sous le chaperonnage de Cazeneuve, ancien flic devenu éducateur et bientôt à la retraite. Mais si l'éducateur croit en lui jusqu'à aller à une certaine amitié, l'inspecteur Goitreau, à l'origine de son arrestation, le suit et le harcèle étant certain que Strabliggi reste et restera un criminel invétéré et attend donc le moment où il fera une faute. La tension monte même si l'ex-truand trouve du réconfort avec Lucy, qui travaille dans une banque... 

L'éducateur est donc interprété par le monstre sacré Jean Gabin qui joue la même année dans "L'Affaire Dominici" (1972) de Claude Bernard-Aubert, et retrouve après les chefs d'oeuvre "Mélodie en Sous-Sol" (1963) et "Le Clan des Siciliens" (1969) tous deux de Henri Verneuil son partenaire Alain Delon qui retrouvera son réalisateur dans "Le Gitan" (1975) et "Comme un Boomerang" (1976), et retrouve après "Borsalino" (1970) de Jacques Deray l'acteur Michel Bouquet remarqué notamment dans "La Mariée était en Noir" (1968) de François Truffaut ou "La Femme Infidèle" (1969) de Claude Chabrol et retrouve un rôle qui n'est pas avoir des similitudes avec "Un Condé" (1970) de Yves Boisset. Citons ensuite Mimsy Farmer vue dans "Fièvre sur la Ville" (1965) de Harvey Hart ou "Quatre Mouches de Velours Gris" (1971) de Dario Argento mais qui sera surtout conue pour son rôle tragique dans "La Traque" (1975) de Serge Leroy, Guido Alberti vu dans "Huit et Demi" (1963) de Federico Fellini, "Angélique, Marquise des Anges" (1964) de Bernard Borderie ou "Des Filles pour l'Armée" (1965) de Valerio Zurlini, Cécile Vassort aperçue dans "Benjamin ou les Mémoires d'un Puceau" (1967) de Michel Deville ou "Le Saut de l'Ange" (1971) de Yves Boisset, Bernard Giraudeau alors à ses tous débuts avec "La Poursuite Implacable" (1973) de Sergio Sollima qui retrouvera Giovanni dans "Le Gitan" (1975) avec Delon, "Le Ruffian" (1983) et "Les Loups entre Eux" (1985), Christine Fabréga apparue dans "Le Deuxième Souffle" (1966) de Jean-Pierre Melville et écrit par Giovanni ou "Nous ne Vieillirons pas Ensemble" (1972) de Maurice Pialat, Victor Lanoux encore peu connu mais qui tourne depuis quelques années déjà et retrouve Gabin juste après "L'Affaire Dominici" (1972), Ilaria Occhini vue dans "Carthage en Flammes" (1960) de Carmine Gallone, "Brigade Antigangs" (1966) de Bernard Borderie ou "L'Homme qui Rit" (1966) de Sergio Corbucci, Robert Castel vu dans "Il était une Fois un Flic" (1971) de Georges Lautner ou "Le Grand Blond avec une Chaussure Noire" (1972) de Yves Robert, Pierre Collet  qui retrouve les deux stars après "Mélodie en Sous-Sol" (1963) et qui retrouve également apr-s "La Scoumoune" (1972) son réalisateur ainsi que trois camarades dont Jacques Rispal qui était déjà dans le film original du précédent "Un Nommé La Rocca" (1961) de Jean Becker, qui retrouvera Delon et/ou Giovanni dans "Le Gitan" (1975) et "Comme un Boomerang" (1976) et retrouvera juste après dans "Les Valseuses" (1974) de Bertrand Blier un certain Gérard Depardieu qui va ainsi devenir une star, puis enfin n'oublions pas Dominique Zardi acteur au plus de 300 films entre "Malaria" (1943) de Jean Gourguet et "les Ballets Ecarlates" (2007) de Jean-Pierre Mocky... Si il y a de nombreux personnages secondaires, ils restent très secondaires et donc finalement plutôt peu intéressant ou ayant peu d'influence sur l'évolution de l'histoire. Le scénario reste focalisé sur les trois personnages principaux, un ex-truand ou plutôt un truand qui sort de prison et qui espère bel et bien reprendre le droit chemin et devenir réellement un ex-truand, un ex-flic devenu éducateur bientôt à la retraite et qui croit vraiment à la seconde chance, puis un flic taciturne qui ne semble vivre que pour le boulot et qui lui ne croit aucunement à la rédemption. Le repris de justice se retrouve donc entre deux hommes, deux visions de la justice, et donc il va devoir choisir entre deux chemins différents.

En fait, Giovanni est malin, sous couvert d'expériences ou d'anecdotes qu'il aurait vécu, vu ou entendu il a en fait écrit et imaginé un remake ou une variation du roman "Les Misérables" (1862) de Victor Hugo. En effet, Strabliggi/Delon est Jean Valjean, l'inspecteur Goitreau/Bouquet est Javert, le premier tente de se réinsérer sans faire de vagues tandis que le second s'acharne à trouver le moment où Strabliggi/Valjean va faire le mauvais pas de côté. Et l'anecdote plus amusante encore est que Michel Bouquet incarnera effectivement Javert dans le film "Les Misérables" (1982) de Claude Lelouch face à un Valjean joué par Lino Ventura, et rappelons que Gabin fut Valjean dans "Les Misérables" (1958) de Jean-Paul Le Chanois, et le débutant Depardieu deviendra la star qui sera Valjean dans le téléfilm éponyme (2000) de Josée Dayan. Ainsi José Giovanni transpose "Les Misérables" à l'époque contemporaine et en accentuant tous les curseurs vers un plaidoyer contre la Peine de Mort mais aussi en abordant les obstacles à la réinsertion. Il y a malheureusement des clichés grossiers (Lino Ventura a raison), mais surtout on s'étonne que l'éducateur Cazeneuve/Gabin n'actionne aucune procédure pour contrecarrer a minima le policier trop zélé. Pas de rapport, pas de remontrance à la hiérarchie, etc... juste une petite menace qui passe quasi inaperçue. C'est le gros soucis du film. Néanmoins, les personnages sont bien croqués, ils restent trois facettes d'une société malade où le dialogue reste à sens unique où empoisonné par les certitudes des uns et des autres. Enfin, la fin du film reste d'une fatalité qui, étonnamment, ne sert pas le message de Giovanni. Même s'il peut paraître maladroit le film est puissant et est à conseiller.

Note :                 

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17/20