Cinéaste qui s'inspire déjà de sa propre vie depuis ses débuts avec son film "Les Mauvaises Fréquentations" (1964) Jean Eustache poursuit son oeuvre autobiographique juste après son chef d'oeuvre "La Maman et la Putain" (1973) et ses 3h40 Grand Prix spécial du Jury au Festival de Cannes 1973. Le succès de ce dernier lui permet de tourner son nouveau film dans de bonnes conditions. Avec ce long métrage le cinéaste revient sur son adolescence dans les années 50 et surtout son rapport à l'éveil à la sexualité. Le titre est tiré du poème éponyme (1871) de Arthur Rimbaud. Malheureusement, malgré un film plus court et moins bavard que le précédent le succès n'est cette fois pas au rendez-vous avec seulement 120000 entrées France au box-office. Eustache ne s'en remettra pas vraiment et ce film restera son dernier long métrage malgré les courts et/ou des documentaires suivants... Daniel vit chez sa grand-mère une enfance heureuse dans un petit village non loin de Bordeaux. Mais alors qu'il doit entrer au collège sa mère le fait venir auprès d'elle à Narbonne où elle a un nouveau compagnon. La situation s'avère moins heureuse mais il va pourtant y connaître ses premiers émois amoureux...
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Daniel alias Jean Eustache (pourquoi avoir changé le prénom puisqu'il s'agit ouvertement un film autobiographique ?!) est incarné par Martin Loeb qui tournera pourtant peu ensuite avec "seulement" "Si c'était à Refaire" (1976) de Claude Lelouch, "Jeux Interdits de l'Adolescence" (1977) de Pier Giuseppe Murgia et "Roberte" (1979) de Pierre Zucca, mais finalement le jeune homme décidera d'abandonner le cinéma pour la gravure. Le jeune acteur s'est fait connaître grâce à sa soeur, Caroline Loeb qui est apparue dans "La Maman et la Putain" (1973) d'où elle reprendra par ailleurs une scène similaire de cliente en terrasse d'un café., mais qui sera surtout connue plusieurs années plus tard en chanteuse du tube "C'est la Ouate" (1986). La grand-mère est jouée par Jacqueline Dufranne vue juste avant dans "Max et les Ferrailleurs" (1971) et "Vincent, François, Paul... et les Autres" (1974) tous deux de Claude Sautet, tandis que la mère est jouée par Ingrid Craven actrice fétiche de Rainer Werner Fassbinder dans pas moins de 18 films et téléfilms entre "L'Amour est plus Froid que la Mort" (1969) et "L'Année des Treize Lunes" (1978). On constate ensuite que Eustache invite des non-professionnels dont Dionys Mascolo essayiste militant communiste aperçu aussi dans "Jaune le Soleil" (1971) et "La Femme du Gange" (1974) tous deux de Marguerite Duras, Henri Martinez syndicaliste cheminot et ami d'enfance de Eustache qu'il retrouve et retrouvera dans "Les Mauvaises Fréquentations" (1964) et "Le Père Noël a les Yeux Bleus" (1966) et "La Peine Perdue". Citons ensuite Jean-Noël Picq déjà vu dans "La Maman et la Putain" (1973) avant d'apparaître dans les autres courts de Eustache "Une Sale Histoire" (1977) et "Le Jardin des Délices de Jérôme Bosch" (1980), Maurice Pialat réalisateur de "L'Enfance Nue" (1968) et "Nous ne Vieillirons pas Ensemble" (1972) mais vu aussi acteur chez d'autres comme dans "Les Veuves de Quinze Ans" (1966) de Jean Rouch ou "Que la Bête Meure" (1969) de Claude Chabrol, Pierre Edelman alors journaliste qui va devenir producteur, entre autre de "Talons Aiguilles" (1991) de Pedro Almodovar en profitant ainsi pour devenir le conjoint de Victoria Abril, puis de David Lynch à partir de "Une Histoire Vraie" (1999), et enfin n'oublions pas Jean Eustache lui-même en caméo, d'un homme sur un banc qui regarde des amoureux s'embrasser... On notera que le rôle de la grand-mère avait été envisagé pour Jeanne Moreau, mais on peut y voir un rôle trop mince pour la star. Alors que Eustache désirait tourner dans la ville de Pessac, lieu de son enfance, il a décidé de tourner dans un autre village de la Nièvre considérant que la ville avait trop changé depuis son enfance, de même la gare de Carcassonne est en fait celle de Narbonne. On suit donc un jeune adolescent (13, 14 ans ?!) qui ne semble penser qu'à ça (comme on dit) ce qui pose d'abord la question de "est-ce normal ?" Votre vieux serviteur de presque un demi-siècle aurait tendance à dire que pas vraiment.
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Néanmoins, Jean Eustache avait peut-être une libido en avance ce qui expliquerait que dans le film Daniel/Loeb semble traîner essentiellement avec des garçons plus âgés (au moins 16 ans ?! voir jeunes adultes). Mais au départ on constate Eustache est effectivement proche de la Nouvelle Vague, et pas pour ses meilleus côtés. Ainsi, les acteurs sont trop dirigés, la théâtralité de l'ensemble contraste avec le côté bucolique et l'image d'épinal qui suinte des décors et de la dimension nostalgique. Les dialogues très écrits manquent cruellement de naturel et empêchent d'y croire. Ensuite on a bien du mal à avoir de l'empathie que ce Daniel, ersatz d'un Jean Eustache qui était donc un vrai p'tit branleur... ATTENTION SPOILERS !... ça commence avec la queue lors de la communion, puis le coup de pistolet en visant une camarade et enfin le gamin semble apprécier attoucher en douce ses petites camarades et même si on est aujourd'hui dans une période spécifiques (MeToo, le consentement... etc) le Daniel de ces années 50 mériterait également une bonne paire de claque pour le faire débander... FIN SPOILERS !... Les Inrocks osent écrire qu'ils 'agit d'une "oeuvre intense et moderne", alors que c'est tout l"inverse, sur le fond ce film serait un scandale aujourd'hui donc le terme de moderne semble inapproprié. Intense mais il manque cruellement d'émotion et de sentiment. Un film surestimé.
Note :