Après le triangle amoureux sur fond de tennis de haut niveau avec "Challengers" (2024) le réalisateur italien Luca Guadagnino revient avec une nouvelle histoire homosexuelle après ses films "A Bigger Spalsh" (2015) ou "Call me by your Name" (2017). Le cinéaste adapte le roman "Queer" (1951-1953) de William S. Burroughs qu'il avait lu adolescent et dont il avait écrit un premier scénario dès ses 21 ans : "J'étais sous le choc, totalement absorbé et investi dans le personnage central de William Lee, le double littéraire de Burroughs. Le puissant désir d'être avec quelqu'un qui me renvoie mon reflet, et avec qui je me sens entièrement connecté." Rappelons que le romancier a déjà été porté sur grand écran avec "Le Festin Nu" (1991) de David Cronenberg ou "Les Garçons Sauvages" (2017) de Bertrand Mandico. Le réalisateur-scénariste co-signe le scénario avec Justin Kuritzkes qu'il retrouve après "Challengers" (2024)... Mexico dans les années 50, Lee, un écrivain américain mène une vie désabusé dans une communauté d'expatriés. Errant dans les bars gays de la ville il rencontre le jeune Allerton pour qui il a un coup de foudre. Il s'éprend de manière obsessionnelle pour le jeune homme et va avec lui goûter à une plante hallucinogène qui confèrerait des dons télépathiques...
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L'écrivain William Lee est incarné par Daniel Craig, star des cinq derniers films 007 (2006-2021) dont le dernier "Mourir peut Attendre" (2021) de Cary Joji Fukunaga et qui n'a tourné depuis qu'un film avec "Glass Onion" (2022) de Rian Johnson. Le jeune Allerton est joué par Drew Starkey aperçu entre autre dans "Love, Simon" (2018) de Greg Berlanti, "The Hate U Give" (2018) de George Tillman Jr., "La Voie de la Justice" (2019) de Destin Daniel Cretton ou "Hellraiser" (2022) de David Bruckner. Citons ensuite Lesley Manville vue dans "Miss Revolution" (2020) de Philippa Lowthrope ou "Une Robe pour Mrs. Harris" (2022) de Anthony Fabian, Jason Schwartzman acteur et collaborateur fétiche de la famille Coppola et surtout de Wes Anderson de "Rushmore" (1998) de Wes Anderson à "Megalopolis" (2024) de F.F. Coppola en passant par "Marie-Antoinette" (2006) de Sofia Coppola, "Moonrise Kingdom" (2012) de Anderson ou encore "Mainstream" (2020) de Gia Coppola, Henry Zaga vu dans "Les Nouveaux Mutants" (2020) de Josh Boone ou "Le Ministère de la Sale Guerre" (2024) de Guy Ritchie, puis on remarque surtout le premier rôle d'acteur de trois confrères réalisateur avec Ariel Schulman réalisateur de "Nerve" (2016) ou "Viral" (2016), David Lowery qui a signé récemment "The Green Knight" (2021) et "Peter Pan et Wendy" (2023), puis Lisandro Alonso réalisateur de "Jauja" (2014) et "Eureka" (2023), et enfin n'oublions pas le premier rôle du peintre belge Michaël Borremans... Le cinéaste fait des choix de tournage étonnant, le plus emblématique est sans aucun doute le choix de tourner en studio, à Cinécitta en Italie plutôt qu'au Mexique. Le cinéaste justifie son choix que "les images de Queer devaient venir des yeux et de l'esprit de William S. Burroughs", les décors ont donc été conçu pour évoquer les effets hallucinatoires rappelant justement "Le Festin Nu", l'autre oeuvre majeure du romancier. Le livre est une biographie, et si Burroughs a sûrement édulcoré des passages, on peut s'interroger sur certaines omissions de son passage à Mexico... ATTENTION SPOILERS !... le film impose le fait que William est gay, alors que non, peut-être bi, où était-ce surtout une période d'expériences, mais il aimait pourtant sa femme bien qu'il l'ai tué en 1951 à Mexico justement ! Bref, sur tout ce pan le film est incroyablement silencieux... FIN SPOILERS !... Ainsi le film fait un tri sur tout une partie (comment occulter un événement pareil ?!) de la vie de William S. Burroughs (Tout savoir ICI !) au Mexique pour en retirer uniquement la partie sexuellement subversive et donc démonstrative.
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Les scènes de sexe sont explicites, crues, mais assez bien filmé pour éviter toute vulgarité ou tout voyeurisme facile. Par contre on est aussi beaucoup, voir essentiellement dans un univers sous paradis artificiels, on pense beaucoup à un "A Single Man" (2009) de Tom Ford sous psychotropes. On constate que l'amour est unilatérale, d'un homme d'âge mûr pour un éphèbe dilettante. Comme à son habitude, Luca Guadagnino soigne l'image et crée avec intelligence un décalage entre l'époque (années 50) et une musique plus moderne. Ainsi on peut entendre Nirvana, Sinéad O'Connor ou Prince, le cinéaste explique entre autre le choix de la chanson "Come as you are" de Nirvana : "Je voulais que l'angoisse de Kurt Cobain reflète celle de William S. Burroughs. Leur angoisse commune peut aider le jeune public d'aujourd'hui à se retrouver dans le personnage de William Lee." Soit-dit en passant, l'attention du cinéaste pour le "jeune public" est amusante, car malheureusement c'est un public rare pour son film ; de surcroît, le mix avec les morceaux musicaux (malheureusement surtout avec Nirvana) n'est pas toujours probant. Les décors en studios font penser à du Edward Hopper, esthétique et stylisé mais qui empêche d'y croire à fond ce qui est dommage pour une fiction tirée d'une histoire vraie, on a donc l'impression d'être dans un fantasme, un souvenir sans qu'on puisse déceler la fiction du réel, entrecoupé d'ailleurs d'une partie expérience "stupéfiante" très superflue. En conclusion, un film un peu vain, dont on ne perçoit pas la finalité autre que d'un vieux drogué (charismatique et fragile Daniel Craig) qui baise un jeune dont on ne sait rien.
Note :