Après un premier film remarqué avec "Maternal" (2019), l'italienne Maura Delpero revient avec une histoire dont elle a eu l'idée suite au décès de son père dont elle rêvait ensuite. Elle décrit son projet comme "un paysage de l'âme, un "lexique familial" qui vit en moi, au seuil de l'inconscient, un acte d'amour pour mon père, sa famille et leur petit village. Traversant une période personnelle, il veut rendre hommage à une mémoire collective." La réalisatrice-scénariste a donc passé beaucoup de temps dans la maison familiale où sa grand-mère a donné naissance à ses enfants. Le film a remporté le Lion d'Argent à la 81ème Mostra de Venise mais son titre de gloire reste sans doute une lettre ouverte écrite par Jane Campion, réalisatrice de "La Leçon de Piano" (1993) et "The Power of the Dog" (2021), pour soutenir le film auprès de l'Académie des Oscars : "Je nourris par ailleurs une grande admiration pour l'extraordinaire maîtrise dont fait preuve Maura Delpero en tant que cinéaste, qui a dirigé une oeuvre d'une telle ampleur avec autant d'assurance et de maturité. Je me suis sentie constamment captivée et immergée dans son univers. Au début, je pensais que le film allait raconter une sorte d'idéal doux et ancien, mais il s'est avéré qu'il s'agissait de l'histoire d'un amour naissant suivant les hauts et les bas de la vraie vie - la mort, la trahison... J'ai adoré tout cela et ressenti une profonde confiance dans la vision qu'à Delpero de la vie, dans la manière dont elle saisit le véritable drame de la vie réelle. Vermiglio est un cadeau."
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Hiver 1944, dans un petit village isolé dans les montagnes au nord de l'Italie à la guerre est à la fois lointaine et omniprésente. Mais l'arrivée de deux déserteurs chamboulent la petite communauté surtout la famille de l'instituteur dont la fille aînée s'amourache d'un des deux soldats... L'instituteur est incarné par Tommaso Ragno vu entre autre dans "Folles de Joie" (2015) de Paolo Virzi, "Heureux comme Lazzaro" (2018) de Alice Rohrwacher, "Tre Piani" (2021) de Nanni Moretti ou "Nostalgia" (2022) de Mario Martone. La famille est composée de Roberta Rovelli vue auparavant dans "The Tearsmith - Fabricant de Larmes" (2024) de Alessandro Genovesi, Martina Scrinzi dans son premier rôle à l'instar de ses "frères et soeurs" Rachele Potrich, Anna et Luis Thaler et Patrick Gardner, Carlotta Gamba remarquée dans le très réussi "Gloria !" (2024) de Margherita Vicario, puis sa mère Orietta Gamba vue dans "Sole" (2020) de Carlo Sironi, "Je voulais me Cacher" (2021) de Giorgio Diritti ou "Marylin a les Yeux Noirs" (2022) de Simone Godano. Citons ensuite les deux soldats joués par Giuseppe De Domenico vu dans les séries TV "Zero Zero Zero" (2020) ou "Bang Bang Baby" (2022) et le film "Euforia" (2019) de Valeria Golino, et Santiago Fondevila vu dans "Karakol" (2020) de Saula Benavente. Puis enfin citons Sara Serraiocco vue dans "L'Affranchie" (2016) de Marco Danieli, "L'Homme sans Pitié" (2019) de Renato De Maria ou "Siccità" (2022) de Paolo Virzi... Notons que le titre en V.F. à rallonge avec "La Mariée des Montagne" sous-entend que le récit tourne essentiellement autour de Lucia/Scrinzi, fille aînée amourachée du déserteur mais on constate vite qu'il s'agit avant tout d'une fresque familiale, où les filles-femmes sont au centre de la vie sociale et intime à une époque charnière. On pense à une version italienne moins "stricte" du chef d'oeuvre "Le Ruban Blanc" (2009) de Michael Haneke et on pense aussi beaucoup à "La Dernière Nuit de Lise Broholm" (2022) de Tea Lindeburg.
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Le film est en mode docu-fiction, l'immersion est d'une authenticité remarquable, naturaliste et réaliste on est plongé dans un petit village de montagne plus vraie que nature, au sein d'une petite communauté forcément patriarcale où l'instituteur reste la référence intellectuelle et le notable qui fait autorité. On peut s'étonner par contre que dans l'Italie profonde des années 40 la religion et le prêtre soient si discrets. Le rythme est assez lent, la mise en abyme est contemplative avec les paysages magnifiques du Trentin italien. L'instituteur est un homme cultivé et référent mais il est aussi un homme de sont sont temps, stricte et peu affable, peu démonstratif où même les enfants sont destinés à suivre la voie à laquelle père les prédestine. La famille nombreuse de l'instituteur est en soi un panel représentatif de la société italienne d'alors, les âges s'étalant sur plusieurs décennies, où chacun et chacune s'attend à rester au village, une seule aura la possibilité de quitter la région pour la ville, tandis que la guerre reste en filigrane une plaie qui va se rouvrir de façon inattendue. La réalisatrice-scénariste signe un drame maîtrisé et d'un réalisme qui émeut forcément. Un film aussi beau que tragique à conseiller.
Note :