Le projet est avant tout celui de, alors encore jeune scénariste, Callie Khoudri qui signera ensuite "Amour et Mensonges" (1995) de Lasse Hallström ou "Respect" (2021) de Liesl Tommy et qui passera à la réalisation avec "Les Divins Secrets" (2002). L'idée de l'autrice est née de sa lassitude de voir des bons rôles de femmes trop rares dans le cinéma hollywoodien : "Je voulais écrire quelque chose qui n'avait jamais été porté au cinéma auparavant. En tant que cinéphile, j'ai été nourrie du rôle passif des femmes. Elles ne conduisaient jamais l'histoire parce qu'elles ne conduisaient jamais la voiture." Au départ la scénariste avait voulu réaliser elle-même son film en tablant sur un budget de 1 million de dollar mais elle s'est confrontée à des refus, deux femmes qui se défendaient "physiquement" aux hommes semblaient alors un frein plus fort que prévu. Mais le scénario est arrivé dans les mains de Mimi Polk Gitlin, productrice de "Traquée" (1987) de Ridley Scott, qu'elle retrouvera ensuite sur "1492 : Christophe Colomb" (1992) et "Lame de Fond" (1996). Elle propose alors de prendre en charge la production et propose logiquement la réalisation à Ridley Scott qui avait auparavant déjà offert un rôle d'homme à une femme dans le légendaire "Alien, le Huitième Passager" (1979). La productrice y croit assez pour monter le budget à 16 millions de dollars avec les stars Michelle Pfeiffer et Jodie Foster en tête d'affiche, puis finalement ce sont Goldie Hawn et Meryl Streep qui sont envisagées avant qu'elles-mêmes préfèrent collaborer sur un autre projet qui sera "La Mort vous va si Bien" (1992) de Robert Zemeckis. Le film reçoit des critiques plutôt avantageuses même si une bonne parties créent un vent de polémiques mettant en cause la violence des femmes envers les hommes (?!) qui seraient excusée et/ou l'idée fascisante de l'auto-défense. Néanmoins le film est un succès engrangeant plus de 45 millions de dollars rien que sur le sol américain, avec en prime en 1992 l'Oscar et le Golden Globe du meilleur scénario...
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Deux amies, Thelma épouse frustrée à un mari aussi rustre que goujat et Louise serveuse indépendante qui déteste ce dernier, décident de partir en virée sans prévenir personne pour un week-end entre filles. Mais dès leur première halte un incident tragique pousse les deux amies à faire des choix que la malchance va emmener dans un périple malheureusement de plus en plus dramatique mais qui va aussi resserrer leur amitié profonde... Les deux amies sont incarnées par Geena Davis vue auparavant dans "La Mouche" (1986) de David Cronenberg ou "Beetlejuice" (1988) de Tim Burton, et Susan Sarandon vue dans "The Rocky Horror Picture Show" (1975) de Jim Sharman, "Les Prédateurs" (1983) de Tony Scott ou "Les Sorcières d'Eastwick" (1987) de George Miller. Les conjoints respectifs sont interprétés par Christopher McDonald vu dans "De Sang Froid" (1985) de Penelope Spheeris ou "Le Ciel s'est trompé" (1989) de Emile Ardolino, puis Michael Madsen vu dans "WarGames" (1983) de John Badham ou "The Doors" (1991) de Oliver Stone, et retrouvera juste après dans "Reservoir Dogs" (1992) de Quentin Tarantino son partenaire Harvey Keitel qui retrouve Ridley Scott après son premier chef d'oeuvre "Les Duellistes" (1977). Citons ensuite Stephen Tobolowsky vu dans "Mississippi Burning" (1988) de Alan Parker ou "Les Arnaqueurs" (1990) de Stephen Frears, Brad Pitt alors à ses débuts avant d'exploser enfin dans "Et au Milieu coule une Rivière" (1992) de Robert Redford et "Kalifornia" (1993) de Dominic Sena, Timothy Carhart apparu dans "Witness" (1985) et "Working Girl" (1988) tous deux de Peter Weir ou "À la Poursuite d'Octobre Rouge" (1990) de John McTiernan, Lucinda Jenney vue dans "Rain Man" (1988) de Barry Levinson ou "Né un 4 Juillet" (1989) de Oliver Stone et retrouvera son réalisateur Ridley Scott et son partenaire Jason Beghe dans "À Armes Égales" (1997), puis enfin Marco St. John aperçu dans "la Féline" (1982) de Paul Schrader ou "La Corde Raide" (1984) de Richard Tuggle...
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Deux amies à l'existence terne décide de partir en virée, pour une fois, pour un week-end entre filles. Ce qui paraît tout ce qu'il y a de plus banal au premier abord s'avère en vérité déjà une première audace quand on rencontre le mari de Thelma, un bon gros beauf machiste de la pire espèce. Une mauvaise rencontre après ça et tout dérape. Evidemment on se dit que Thelma n'est pas très futée mais en serait-il autrement d'une femme qui n'a connu qu'un seul homme, un seul connard qui ne lui a jamais rien permis de faire ?! La qualité du film réside dans le fait que Ridley Scott (et Callie Khoudri évidemment !) en font un road movie qui coche toutes les cases du genre (duo au diapason, rebondissements multiples, grands espaces, rencontres plus ou moins malheureuses... etc...) tout en biaisant le canevas pour se démarquer des productions hollywoodiennes du genre : deux femmes blanches mais pauvres ou en tous cas sans liberté totale, pas d'options autre que la malchance, réellement des personnes lambdas qui n'ont pas de passés militaires par exemple qui expliquerait certaines facultés, pas d'héroïsme gratuit... Et derrière ce qui commence comme une comédie girly et finit comme un road movie tragique il y a un récit subtil et plein d'acuité sur l'émancipation des femmes, la prise de contrôle des femmes sur leur propre destin, la quête d'indépendance.
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Evidemment le film ne serait rien sans son duo de femmes, son duo d'actrices formidable avec Thelma/Davis en épouse soumise et naïve qui va enfin se permettre de faire ce qu'elle veut (même si ça ne va pas se passer comme elle le rêvait), puis Louise/Sarandon en femme forte et expérienté mais dont le quotidien ne lui permet pas vraiment de rêver. On apprécie aussi que les accidents du périple permettent de voir évoluer ces deux femmes de manières différentes... ATTENTION SPOILERS !... les deux amies finissent par inverser les rôles, Louise/Sarandon en leader légitime et naturelle finit par craquer tandis que la fragile et soumise Thelma/Davis finit par s'affirmer, prendre les choses en main et assumer les initiatives du duo... FIN SPOILERS !... Les autres personnages ne sont pas en reste, et si certains qualifient le film de misandre ils n'ont que des oeillères. En effet, si on rencontre quelques énergumènes (l'époux macho ++, un flic amoureux de sa force que seul lui offre son bel uniforme, un routier dégueulasse, le violeur forcément et un étudiant beau gosse qu'on pardonnerait presque s'il n'avait pas la gueule d'ange d'un certain Brad Pitt..) aussi primaires que primitifs il y a aussi des hommes bons, honnêtes et compréhensibles (le compagnon de Thelma, quelques commerçants, le flic Harvey Keitel...). Puis enfin rappelons que le réalisateur reste un homme par ailleurs qui a eu le génie et l'intelligence de garder le script de la scénariste jusqu'à la soutenir pour cette fin dont les producteurs ne voulaient pas ! Résultat, le film se termine sur un fin déchirante et cultissime, s'offrant ainsi une des fins les mythiques du cinéma. Le film est un tournant également pour les femmes au cinéma, peut-être même bien plus que Sigourney Weaver dans "Alien, le Huitième Passager" (1979) du même Ridley Scott...
Note :