Je le Jure (2025) de Samuel Théis

D'abord acteur vu entre autre dans "La Princesse de Montpensier" (2010) de Bertrand Tavernier ou "Nos Futurs" (2015) de Rémi Bezançon, Samuel Théis est passé derrière la caméra avec pour toile de fond sa région natale de la Moselle avec "Party Girl" (2014) co-signé avec Marie Amachoukeli et Claire Burger, puis "Petite Nature". Ce nouveau long métrage est considéré comme le troisième volet d'une trilogie. La volonté du cinéaste était de trouver une trame non conventionnelle du film de procès où souvent il s'agit de savoir si l'accusé est coupable ou non : "C'est quoi une peine juste ? J'ai voulu m'éloigner de l'aspect spectaculaire pour filmer la justice en creux plutôt. La filmer enretrait. Trouver l'esthétique dans l'éthique du projet : chercher l'image juste." Le réalisateur-scénariste co-écrit le scénario avec Gilles Marchand réalisateur entre autre de "Qui a tué Bambi ?" (2003) mais il écrit surtout pour les autres et notamment pour Dominik Moll avec les films "Harry un ami qui vous veut du Bien" (2000), "Lemming" (2005), "Seules les Bêtes" (2019) et "Ils sont Vivants" (2021), puis avec Marcia Romano scénariste auparavant de "Belle Epine" (2010) de Rebecca Zlotowski, "La Tête Haute" (2015) de Emmanuelle Bercot, "L'Evénement" (2021) de Audrey Diwan ou "Revoir Paris" (2022) de Alice Winocour. Si le cinéaste cite très logiquement le chef d'oeuvre du genre "Douze Hommes en Colère" (1957) de Sidney Lumet, le plus récent "Juré n°2" (2024) de Clint Eastwood ainsi que la série TV "American Crime Story" (2016) sur l'affaire O.J. Simpson, il a assisté également à de nombreux procès et rencontré des magistrats pour écrire une histoire la plus réaliste possible. Ironie du sort, malheureusement, le fait divers s'est invité sur son projet puisque durant le tournage en 2023 Samuel Théis a été accusé de viol sur un machiniste. Le technicien a quitté le tournage tout en continuant à être payer, après accord le réalisateur a dû continuer à tourner à l'écart du reste de l'équipe avec un protocoole limitant les interactions qui auraient pu compliquer les relations au sein de l'équipe. Le technicien a porté plainte contre le réalisateur. Affaire à suivre... ou non... A 40 ans, Fabio vit au jour le jour, un peu largué il trouve du réconfort dans l'alcool puis aussi auprès de Marie, sa maîtresse de vingt ans son aînée. Un jour il reçoit une convocation pour être juré d'Assises pour jugé un pyromane accusé d'homicide involontaire... 

Fabio est incarné par un inconnu, Julien Ernwein pour son premier rôle à l'instar de sa partenaire Marie Masala qui joue son amante. Ils sont entourés d'acteurs plus chevronnés avec Marina Foïs vue récemment dans "Captives" (2023) de Arnaud Des Pallières et "Magma" (2025) de Cyprien Vial, Louise Bourgoin vue dans "Le Medium" (2024) de Emmanuel Laskar et "Bis Repetita" (2024) de Emilie Noblet, Micha Lescot à l'affiche de "Spectateurs !" (2025) de Arnaud Desplechin et "Le Choix" (2024) de Gilles Bourdos, Emmanuel Salinger vu dans "La Passion de Dodin Bouffant" (2023) de Tran Anh Hung et "Ma Vie, ma Gueule" (2024) de Sophie Fillières, Saadia Bentaïeb habitué des tribunaux après "Jusqu'à la Garde" (2017) de Xavier Legrand, "Tromperie" (2021) de Arnaud Desplechin, "Anatomie d'une Chute" (2023) de Justine Triet dans lequel d'ailleurs Samuel Théis incarnait le mari défunt, puis n'oublions pas pourquoi pas son rôle de mère d'une jeune avocate dans "Première Affaire" (2024) de Victoria Musiedlak, Sophie Guillemin qui fut révélée justement dans "Harry un ami qui vous veut du Bien" (2000) et vue plus récemment dans "Quand vient l'Automne" (2024) de François Ozon et "Jouer avec le Feu" (2024) des soeurs Coulin, Antonia Buresi vue dans "Les Enfants des Autres" (2022) de Rebecca Zlotowski, "Les Cinq Diables" (2022) de Léa Mysius ou "Le Beau Rôle" (2025) de Victor Rodenbach, Claude Aufaure apparu dans "Les Emotifs Anonymes" (2010) de Jean-Pierre Améris ou "Le Collier Rouge" (2016) de Jean Becker, Rachid Yous aperçu dans "Géronimo" (2014) de Tony Gatlif et "La Maquisarde" (2020) de Nora Hamdi, Serge Bozon réalisateur de "Madame Hyde" (2016) et "Don Juan" (2022) mais qui fait aussi l'acteur parfois comme dernièrement dans "Rosalie" (2024) de Stephane Di Giusto, Angélique Litzenburger qui retrouve son réalisateur de "Party Girl" (2013) et "Petite Nature" (2017), puis enfin Claire Burger co-réalisatrice avec Samuel Théis sur "Party Girl" (2013), en solo pour "C'est ça l'Amour" (2019) et également actrice de temps à autre par exemple dans "Victoria" (2016) de Justine Triet... D'emblée on est plongé dans une communauté très terrienne, très modeste, dans un style très documentaire et donc d'un naturalisme frontal qui sonne juste et authentique. Le personnage et la personnalité de Fabio/Ernwein interroge tout aussi vite, taciturne voir mutique on se dit qu'il y a un secret, un poids qui pèse sur lui et bien plus grave que sa liaison qui repose sur une gênance ou une honte plus conventionnelle. Mais on se demande bien comment une telle liaison au sein d'une petite communauté peut être aussi facilement cachée et tus ?! On constate ensuite un récit à deux niveaux de lecture, l'intimité de Fabio et donc son quotidien organisé autour d'une liaison secrète, puis évidemment le procès où il est un jury d'abord réticent. La relation amoureuse de Fabio est intéressante, une telle relation avec une femme qui a l'âge de ses parents peut effectivement s'avérer compliquée à assumer. On constate que Fabio/Ernwein a un physique qui renvoie clairement à l'auteur Yann Moix en version beau gosse, tandis que salue la performance de la débutante de 69 ans Marie Masala aussi digne qu'émouvante. 

Mais au départ c'est bel et bien le procès qui attire et s'impose comme ligne directrice d'autant plus que c'est assez inédit puisqu'il s'agit d'un procès en appel et que donc il n'est pas question de fond, il est quoi qu'il arrive coupable, et donc on nous explique bien que c'est l'individu, l'accusé, qui doit être jugé sur sa personnalité. C'est à la fois intéressant car rarement on aura abordé une telle audience judiciaire, mais en même temps étant donné qu'il est coupable la réflexion du spectateur ne se fait plus sur l'enquête et/ou les faits mais plus sur des opinions intimes, personnelles et même politiques. Résultat : le débat serait aussi vain que redondant. La partie judiciaire reste passionnante (problématique du procès de fond ou sur la forme, présence non anodine du juge lors des débats du jury...) mais pâtit d'un récit qui oscille entre un style trop scolaire et un côté plutôt ludique. Par contre le film fait une grosse erreur technique... ATTENTION SPOILERS !... avec un appel demandé par l'accusé il ne peut y avoir d'aggravation de la peine ! Voir https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1384... FIN SPOILERS !... On apprécie l'équilibre entre le judiciaire et le personnel, où comment l'expérience d'être juré est assez riche et unique pour influer ensuite sa vie privée et/ou sa personnalité. Il est peut-être dommage que l'atmosphère pesante voir délétère soit si systématique de A à Z, les quelques sourires en famille paraissent même forcés ou semblent une chose si rare. Néanmoins, le film est d'une acuité certaine et sincère et qu'il reste un film à conseiller.

Note :                 

Jure (2025) Samuel ThéisJure (2025) Samuel Théis

14/20