Dans une petite ville de province, deux amies Karen Wright et Martha Dobie dirigent une institution pour jeunes filles, aidées par Lily, la tante de Martha, une ancienne actrice excentrique. Fiancée au médecin Joe Cardin, Karen a du mal à s’engager et à laisser à Martha la direction de l’école. Mary, une élève insolente et menteuse, alors qu’elle a été punie, lance la rumeur que les deux professeurs ont une relation « contre-nature ». Elle commence par le raconter à sa grand-mère… « Contre nature », en plein code Hayes de cette Amérique puritaine, William Wyler ne se permettra jamais plus pour évoquer cette histoire d’homosexualité féminine supposée ; même les manifestations physiques seront absentes. Une forme de manque de courage pour un des premiers films US sur le sujet que dénoncera souvent Shirley Mc Laine, celle qui forme le duo d’actrice avec Audrey Hepburn. Passé inaperçu voire malmené par la critique à sa sortie ; aujourd’hui ce film trouve un écho plus positif. La limite de ce film est à l’image de la société américaine conservatrice et moralisatrice de l’époque. Il dénonce l’hypocrisie de la société sans jamais valider la possibilité d’une telle relation ; ce qui explique que l’histoire ne puisse se terminer que par un drame. Et ceci est par contre courageux ; car après les terribles aveux et de ses sentiments ; Shirley Mc Laine se trouve beaucoup plus acculée par la non réciprocité de ses sentiments que par la condamnation de la société tout entière. C’est pourquoi le titre, « La rumeur », évoque le thème assez banal du côté destructeur des rumeurs mais évince le cœur du propos ; ce qui explique que la première moitié de film parait sérieusement daté et sans grand intérêt mis à part la photographie sociétale d’une époque ; la seconde moitié prendra le sujet du tabou autour de l’homosexualité à bras le corps pour en faire un film toujours d’actualité. C’est pourquoi le titre original « The Children’s hour », adaptation de la pièce éponyme est plus adapté. Quelques années après sa sortie, Shirley MacLaine présentait ainsi « La Rumeur »: « Quand on a fait ce film, l’homosexualité n’était pas un sujet de conversation. Il s’agissait des accusations d’une enfant. Cela aurait pu être n’importe quoi. Nous n’étions pas conscients de ce que nous faisions, nous étions des pionniers involontaires, nous ne mesurions pas la portée de ce que nous faisions. » Si l’homosexualité est bien le noyau dramatique du film et nous vaut une sublime scène « d’aveu » de Shirley MacLaine (« Je suis coupable » commence-t-elle au bord des larmes), la véritable réussite de « La Rumeur » tient dans la manière dont le film joue du principe d’inversion pour pervertir le puritanisme hypocrite de la société provinciale qui nous est décrite. N’est-ce pas étonnant que les plus « perverses » de toutes soient celles à qui la doxa accorde pureté et véracité : soit une enfant et sa grand-mère ? Que penser, en effet, de cette Mary aux yeux diaboliques qui se complaît à véhiculer la rumeur tout en entretenant une relation SM sous couvert de chantage, avec l’une de ses camarades de classe… une voleuse de surcroît ! À côté, la prétendue relation entre les deux femmes paraît bien noble et anodine. Rarement j’ai vu enfant aussi pervers au cinéma ; c’est choquant.
Un film très secondaire dans la filmo du trio magique Wyler / Mc Laine / Hepburn ; mais une belle découverte.
Sorti en 1962
Ma note: 16/20