La SF à bras le gore
Star de la télé dans un programme de remise en forme ; 50 ans ; une ex actrice oscarisée, trop vieille, se fait virer. Elle trouve à travers la substance le moyen de se dédoubler ; son double ambitieuse, fougueuse désire dévorer le monde. Tous les 7 jours, elles doivent permuter, car elles ne sont qu’une ; mais la jeune a tellement de choses à vivre qu’elle va finir par phagocyter la plus âgée… mais en consommant l’autre, on se consume soit même.
Coralie Fargeat, pour ce second long métrage primé à Cannes pour son scénario, revisite le « body horror movie ». Son film est dans la veine d’un cinéma actuel opulent et gargantuesque faisant naitre un malaise physique voire digestif devant autant de débauche. C’est un spectacle monstrueux, décapant et transgressif de bout en bout parfois surchargé nous mettant mal à l’aise jusqu’à un final de trente minutes en mode « no limit ». Ces ultimes minutes des 2h15 de film vous mettent dans le tambour d’une machine à laver, ce dernier virage nous électrise autant qu’un tour de grand huit sous stupéfiants.
Ce film traite de l’assignation sociale imposée à la femme de rester jeune et sexuellement attractive ; assignation pour celle qui vieillit et qui doit laisser sa place ; assignation pour la jeune d’être désirable et source de fantasmes. Et cette fameuse dernière partie hyper gore qui pourra rebuter bon nombre de spectateur (comme moi !!! par son excès) ; elle montre derrière le monstre une femme qui se pomponne et qui s’accepte telle qu’elle est et décide de se montrer devant le public. Un acte courageux mais un refus du public et de la société de voir la monstruosité s’afficher. Et car ce film est d’une indéniable puissance plastique visible dès les premiers plans et tout au long du film ; Coralie Fargeat ira jusqu’à un dernier plan inoubliable d’audace et de dérision ; point final d’une expérience filmique hors norme ; même si parfois boursoufflée. Sympa de voir que pour traiter cette fable sur le vieillissement et l’injonction à la beauté, elle fait preuve en parallèle dans tous ses choix de mise en scène d’un travail esthétique minutieux de tous les plans.
Et pour assurer ce cauchemar sur le contrôle du corps des femmes ; il fallait un duo d’actrices acceptant de se montrer telles qu’elles sont physiquement. Et là dans le duo Margaret Qualley/Demi Moore ; je décerne une palme à la seconde ; sex-symbol des 90’s qui à 61 ans se montre avec un corps nu vieillissant sans filtre dans le Hollywood du culte de la jeunesse. Pour jouer la jeunesse consommée et consumée par les caméras du star system ; la prise de risque était moins importante et plus flatteuse, mais Margaret Qualley assure le show avec des gros plans intrusifs sur des parties sexy de son anatomie pour mieux en dénoncer ces pratiques.
Boursoufflé parfois comme tout un pan de la production actuelle mais tellement virtuose et dénonciateur. A voir mais attention de ne pas en sortir trop nauséeux.
Sorti en 2024
Ma note: 15/20