[Critique] Cyprien

Nul doute qu’en créant le personnage de Cyprien dans ses Petites Annonces, Elie Semoun ne se doutait pas qu’il en ferait le super-héros au second degré d’un film. Un début pas fameux qui pouvait laisser supposer une véritable catastrophe cinématographique… Qui ne s’est pas forcément produite.

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C’est l’histoire d’un geek

Il s’appelle Cyprien, dépasse la trentaine, possède la collection complète des films de Star Wars, presque autant de figurines que de posters, un physique pas très aguichant, et d’incroyables talents dans le domaine de… L’informatique. Heureusement, d’ailleurs, car quand il ne rejoint pas ses potes au Cybercafé, il bosse comme informaticien et webmaster dans un magazine de mode. Tout le monde aura repéré la référence obligée à Ugly Betty, série américaine humoristique bien connue. Comme dans cette série, Cyprien est LE moche de la société, LA risée de tout le monde, le boulet ultime. Le geek méprisé, rejeté, moqué. Quand le directeur artistique du magazine le vire pour servir ses intérêts, Cyprien croit que sa vie est gâchée. Mais c’est sans compter la magie des spams, et un spray miracle capable de le transformer en un séduisant Jack Price, pour prendre sa revanche !

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Librement inspiré de…

La bande annonce laissait supposer quelques références. En réalité, le film n’est qu’une accumulation de clins d’oeil plus ou moins faciles à repérer. Parodique (Rocky, Dr Jerry et Mister Love, les pubs pour un déodorant masculin bien connu…), il pousse la caricature du geek jusqu’à inclure dans chaque scène ou presque une référence à cette culture. Et ça marche. Certes, tout le monde ne va pas saisir la totalité des allusions, notamment parce que Cyprien est un film qui ne se regarde pas qu’au premier plan. Toutefois, les non-initiés trouveront également de quoi rire à travers des répliques vouées à devenir cultes, de l’humour bon enfant et de sympathiques bouffonneries qui rappellent le travail de Semoun ces dernières années.

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Le geek dans la peau

En plus de l’humour, Cyprien profite d’un casting particulièrement bien choisi. Léa Drucker joue vraiment à merveille, et donne la réplique à un Elie Semoun qui en fait trop, mais comme il faut ! Laurent Stocker et Catherine Deneuve auraient mérité de passer plus de temps à l’écran, et quant à Vincent Desagnas, il brille avec naturel, loin des fantômes du passé du Morning Live. Tous se montrent  attachants, et bien dirigés par un David Charhon qui rafraichit quelque peu la scène cinématographique française. Un publicitaire, alors forcément ! Étonnamment, la mise en scène et le montage un peu maladroits (arrêts sur image, raccords bancals) donnent un côté kitch qui ne choque pas vraiment. Mention spéciale à la superbe BO créée par l’un des membres du duo Air, qui ajoute une touche de « glamour » à un monde de Spock…

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Au final

Une chose est sûre, Cyprien n’est pas du genre à rendre les français aussi unanimes que le carton de Dany Boon. Ceux qui ne comprennent pas le second degré peuvent rentrer chez eux, ils risquent de s’ennuyer ferme, voire de trouver le film « grotesque ». De même, un manque de culture entrainera avec un peu de chance une impression de plagiat bien dommage.

Le scénario est totalement invraisemblable et cousu de fil blanc, certaines scènes parfois lourdingues… Et ce ne sont finalement pas que des défauts. On s’attend au pire, et pourtant, la magie opère : on s’amuse. A mon goût, la caricature est bien menée, et de nombreux nerds se reconnaitront dans ces personnages un peu extrêmes, aux loisirs obscurs et incompréhensibles. Malgré tout, le petit côté comédie romantique auquel on ne s’attendait pas tellement tient la route.

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Si vous n’êtes pas très calés en science fiction et informatique, la simplicité et la folie douce du film vous séduiront peut-être, et vous passerez un bon moment.

Les plus geeks et nerds, quant à eux, se bidonneront sans discontinuer, pour peu qu’ils possèdent un sérieux sens de l’humour et beaucoup d’auto-dérision !

A déconseiller, finalement, aux fines bouches, aux ronchons, aux complexés, aux fans d’humour lourd ou scato à la Scary Movie, et bien sûr, à ceux qui n’aiment pas Elie Semoun.

kiki